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Le Cemedipp, un centre multidisciplinaire pour le traitement des enfants en difficulté Échecs scolaires et troubles du comportement à l’école (photos)

«Toufic est un enfant de 8 ans scolarisé en classe de CE2. Toufic bouge trop en classe, ne respecte pas les règles, s’oppose à ses éducateurs et peut même être agressif à l’égard de ses camarades. «Lors d’une séance de conjugaison,Toufic dit à son institutrice de français: “Le verbe est bien stupide d’obéir au sujet”. Et il lui lance un projectile en papier alors qu’elle est très gentille et compréhensive à son égard.» C’est par cet image, inquiétante pour les uns, sympathique pour d’autres, qu’Éliane Abi-Jreiche Besson, psychologue clinicienne dans ce centre, a présenté le cas de Toufic qu’elle a eu récemment à traiter. Suite à la recommandation de l’école, qui signalait un rendement académique déficitaire et des comportements inadaptés, les parents de Toufic avaient décidé de s’adresser à un centre spécialisé. Le cas de Toufic n’est pas exceptionnel. Des enfants comme lui, on en voit un peu partout. Sauf que Toufic a eu la chance d’être diagnostiqué et suivi par une thérapeute, qui a pu déceler les origines de ce débordement pulsionnel et de cette désorganisation, «une défaillance éducative précoce». Mais comment savoir quand et dans quel cas de figure il est nécessaire d’envoyer son enfant chez un spécialiste? Quels sont les symptômes ou signes précurseurs qui doivent alerter les parents? C’est sur cette problématique qu’ont planché les pédiatres, psychiatres, psychologues, pédagogues et autres spécialistes, le week-end dernier, lors d’une conférence-débat sur «les échecs scolaires et les troubles du comportement à l’école». Organisée par le centre médico-psychopédagogique, le Cemedipp, une clinique polyvalente qui traite les enfants dits « à problèmes», la conférence a accueilli des thérapeutes, enseignants et responsables d’établissements, bref tous ceux qui sont chargés, de près ou de loin, de la bonne santé physique et psychologique de l’enfant. Évoquant les causes de l’échec scolaire, Carine Zohrabian, psychothérapeute et directrice de l’Institut libanais d’éducateurs de l’USJ, souligne l’impact des facteurs psycho-sociaux et culturels qui agissent en milieu familial tels que les valeurs véhiculées par les parents ou les amis sur le rôle et l’importance de l’éducation. «Un oncle qui se targue du matin au soir d’avoir réussi grâce au commerce et non aux études ne peut qu’influencer négativement son neveu qui risque de se désinvestir vis-à-vis de l’école.» La thérapeute cite en outre les facteurs psycho-affectifs, qui sont tout aussi déterminants au niveau de l’échec scolaire. Elle explique le cas de cet enfant qui a fini par rejeter l’école «pour causes affectives», sa mère ayant exercé des pressions énormes sur lui, et ce dès son plus jeune âge, en l’envoyant par exemple dans des garderies spécialisées pour apprentissage des langues étrangères. «S’identifiant à l’image du père qui, lui, a abandonné très tôt les études, l’enfant a cherché ainsi à agresser sa mère», précise la thérapeute. Les signes précurseurs ne trompent pas: agitation extrême, angoisse, manque de concentration, apathie, autant de symptômes qui doivent alerter les parents et les prévenir d’une dépression latente, affirme l’intervenante. Beaucoup plus évidents à déceler, les troubles de la parole, tels que le bégaiement, les problèmes d’articulation, la dyslexie ou encore les troubles de la logique ou du raisonnement. Des manifestations qui nécessitent de toute évidence l’intervention d’un spécialiste. Comment, dans ces cas-là, aider le jeune apprenti? s’interroge Rouba Khoury, orthophoniste. Si la patience et la valorisation de l’élève sont les règles d’or qui doivent régir l’attitude des parents et des éducateurs, des conseils pratiques sont à prendre en compte, tels qu’une écoute soutenue de l’enfant en difficulté. Il faut également lui restituer les consignes en évitant par exemple les attitudes instructives qui risquent de le bloquer, et surtout «éviter de compter les erreurs, mais plutôt l’encourager au premier signe de progrès», indique l’experte. Passant en revue les différents facteurs qui peuvent influer sur la «santé somatique et environnementale» et provoquer notamment des troubles du comportement, le Dr Bernard Gerbaka, pédiatre, dénonce au passage les effets nuisibles des écrans de télévision et d’ordinateurs sur l’enfant. Des outils qui peuvent certes être pédagogiques, mais qui risquent par ailleurs de produire l’effet contraire. «La télévision est l’activité principale de l’enfant en dehors du sommeil», affirme le pédiatre, qui fait remarquer que l’on dénote chez les enfants qui sont souvent exposés à la télé «une agressivité – due essentiellemenet à l’influence des programmes violents –, une certaine lenteur à apprendre et, dans certains cas, un problème d’obésité.» L’aspect purement psychiatrique des troubles comportementaux chez l’enfant sera soulevé par le Dr Sami Richa, qui insiste dans son intervention sur le problème de la dépression infantile, une pathologie «qui n’est détectable qu’au bout de 8 mois. C’est un temps excessivement long pour diagnostiquer des états dépressifs», relève le psychiatre. Malheureusement, dit-il, «les deux tiers des états dépressifs sont ignorés par la famille. Il faut également savoir qu’il n’existe pas toujours de causes précises qui sont sous-jacentes à une dépression», ce qui déroute souvent les parents qui continuent d’affirmer que leurs enfants «sont pourtant comblés». Dans ces cas précis, les symptômes sont à rechercher dans ce que le psychiatre appelle une certaine «variabilité de l’humeur» et «des troubles du comportement qui sont présents de manière permanente». Parmi les pathologies que l’on peut également déceler chez l’enfant dit «agité», les troubles de l’hyperactivité avec déficit de l’attention, une cause principale du trouble du comportement. Ils sont associés à des perturbations dans le comportement social. «Ces pathologies requièrent évidemment des traitements, à condition qu’ils soient supervisés par un spécialiste et limités dans le temps», indique Dr Richa. Attention toutefois de «surmédicaliser». Car, lorsqu’il n’existe pas de facteurs pathologiques évidents, il faudra peut-être aller chercher du côté pédagogique, dans le cadre plus restreint de l’école à proprement parler. Il faut, comme dit Nada Moghaizel Nasr, pédagogue, «commencer par avoir le courage d’interroger les évidences.» Quelle est la qualité du rapport qu’entretient l’enseignant et l’équipe pédagogique avec les élèves? Le maître d’école sait-il «donner envie» et créer le «désir d’apprendre»? Voilà le genre de questions que l’on doit se poser face à un enfant qui boude son école. «L’expression retard scolaire n’a aucun sens», affirme l’éducatrice. «Il faut en découvrir les causes et les traiter.» Dans un langage presque poétique, Mme Nasr parle de «l ’effet-maître» et de «l’effet-établissement», comme d’une condition incontournable de l’apprentissage, « un mot qui vient du verbe ‘prendre’», dit-elle. La relation enseignant-élève est d’autant plus primordiale qu’elle peut et doit susciter chez l’enfant «cette faim d’apprendre», bref ce que l’on appelle la motivation tout court. «Moi j’enseigne, mais eux apprennent-ils?» se demande l’éducatrice en citant le titre d’un ouvrage. «Il faut dire à l’enfant comment apprendre, lui dire comment se concentrer et ne pas se contenter de le sommer de le faire», dit-elle. Elle rappelle au passage l’importance du regard positif de l’enseignant sur son élève. Comme Marcel Pagnol l’avait bien souligné, poursuit Mme Nasr, «dès que les enseignants commencèrent à le traiter en bon élève, il le devint». Bref, dit-elle, il est du devoir de l’éducateur de transformer «le savoir en saveur». Une mission qui ne saurait toutefois réussir en dehors du cadre réglementaire qui l’accompagne, celui que définit l’établissement scolaire. L’existence d’une discipline fondée sur une charte et un code de fonctionnement, «appliqué à tout le monde sans distinction», en constituent les principes fondateurs. «L’effet-établissement c’est aussi le climat général qui favorise le sentiment d’adhésion et d’appartenance à l’école», dit-elle . Bref, conclut Mme Nasr, «l’élève apprend lorsque l’enseignant apprend et lorsque l’école apprend». Jeanine JALKH
«Toufic est un enfant de 8 ans scolarisé en classe de CE2. Toufic bouge trop en classe, ne respecte pas les règles, s’oppose à ses éducateurs et peut même être agressif à l’égard de ses camarades. «Lors d’une séance de conjugaison,Toufic dit à son institutrice de français: “Le verbe est bien stupide d’obéir au sujet”. Et il lui lance un projectile en papier...