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Institutions - Taëf incapable de résoudre le problème posé par les désaccords à la tête de l’État Deux propositions constitutionnelles pour sortir de l’impasse

De nombreux leaders politiques chrétiens et musulmans ont acquis la conviction que la Constitution de Taëf est incapable d’assurer l’entente entre les responsables au pouvoir, et plus particulièrement entre le président de la République et le chef du gouvernement. L’ancienne Constitution ne favorisait pas la participation au pouvoir de toutes les fractions, dans la mesure où elle accordait au chef de l’État de vastes prérogatives faisant de lui l’unique dirigeant véritable du pays. Quant à la Loi fondamentale issue de l’accord de Taëf, si elle représente une tentative de garantir la représentation en ventilant les prérogatives entre les différentes autorités, elle a finalement abouti à instaurer un climat de rivalité entre ces pouvoirs, d’autant que la pratique a fait apparaître un certain déséquilibre au sein de l’État. Pour atteindre cet objectif de participation, la Constitution actuelle stipule que les décisions doivent être prises sur la base d’un accord entre le président de la République et le Premier ministre. Ce qui signifie, en pratique, que lorsqu’ils sont en désaccord, il devient très difficile de faire adopter des mesures par le Conseil des ministres. Et comment ne le serait-il pas puisque, comme on a pu le constater dernièrement, ce désaccord a fait échec non seulement au principe du vote – obligatoire selon la Constitution dans la mesure où celle-ci n’attribue le pouvoir exécutif qu’au Conseil des ministres réuni, et non à tel ou tel dirigeant –, mais aussi à la simple mise au point d’un ordre du jour avant la séance du Conseil. Vote, ordre du jour, mais aussi, et pourquoi pas, ouverture et clôture des sessions ordinaires de la Chambre, signature et ratification des traités internationaux, tout est lié à l’entente entre les deux têtes de l’Exécutif. Et, tout, en l’absence de cette entente, est menacé de paralysie. Sous la Ie République, décréter l’ouverture d’une session parlementaire et ratifier un traité extérieur relevaient uniquement des pouvoirs du chef de l’État. Aujourd’hui, tel n’est plus le cas. Pour aller jusqu’au bout de cette logique, on peut aussi déduire qu’un conflit entre le président et le chef du gouvernement peut mener à empêcher de manière durable la formation d’un cabinet. Il convient, toutefois, de préciser que le Premier ministre dispose, en cas de crise, d’une certaine marge de manœuvre, ou plutôt d’un pouvoir de nuisance, susceptible de lui permettre non pas de régler une crise, mais de tenter de faire prévaloir ses vues. Ainsi, si le chef de l’État n’a pas le droit de convoquer le Conseil des ministres à une réunion extraordinaire, le chef du gouvernement, lui, peut le faire. Or, s’il décide de s’abstenir, personne d’autre n’est habilité à prendre une telle mesure, et l’Exécutif risque de cette manière de s’en trouver paralysé. Élias Hraoui, premier président de la République sous la Constitution de Taëf, s’était, en son temps, expliqué sur les trop grandes limitations que les réformes institutionnelles avaient, selon lui, imposées aux prérogatives présidentielles et avait proposé un certain nombre de mesures pour rétablir l’équilibre, non seulement avec le Premier ministre, mais aussi entre l’Exécutif et la présidence de la Chambre. À l’époque, l’hostilité du chef du Légistatif avait empêché le président de soumettre ces mesures à l’examen. Aujourd’hui, 12 ans après l’adoption de Taëf, on en est toujours à débattre de ce qui pourrait mettre un terme à l’impasse institutionnelle. Dans les milieux politiques, deux propositions, assez différentes l’une de l’autre, font actuellement leur chemin. La première consiste à faire du Liban une démocratie présidentielle, à l’instar des États-Unis, ou semi-présidentielle, comme c’est le cas en France. Sous un tel régime, on continuerait à élire un président maronite, tant que le système confessionnel ne serait pas aboli, mais – la différence ici est fondamentale – l’élection se ferait au suffrage universel pour un mandat de quatre ans, renouvelable une seule fois. Les tenants de cette proposition soulignent qu’avec ce type de suffrage, il n’y a pas de risque que le président élu ne soit pas satisfaisant aux yeux des musulmans, puisque ces derniers forment la majorité de l’électorat. Et même si, le cas échéant, le chef de l’État finissait par déplaire à cette communauté, il ne serait naturellement pas procédé au renouvellement de son mandat. L’autre idée qui circule aujourd’hui propose aussi une élection au suffrage universel, mais pour désigner à la fois le chef de l’État et le Premier ministre. L’élection se déroulerait à listes fermées, c’est-à-dire que chaque liste comporterait un candidat maronite à la présidence de la République et un autre sunnite à la présidence du Conseil. Les défenseurs de cette proposition pensent qu’une telle formule est susceptible de lier, pendant la durée du mandat, deux personnes qui ont décidé de mener ensemble la bataille électorale. Émile KHOURY
De nombreux leaders politiques chrétiens et musulmans ont acquis la conviction que la Constitution de Taëf est incapable d’assurer l’entente entre les responsables au pouvoir, et plus particulièrement entre le président de la République et le chef du gouvernement. L’ancienne Constitution ne favorisait pas la participation au pouvoir de toutes les fractions, dans la mesure...