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Justice - Trois incidents successifs et de nombreuses questions Ahmed Mansour, Khalil Sinno et Hussein el-Khalaf auraient-ils un lien entre eux ?

Trois incidents en quelques mois, à la Caisse des indemnités des enseignants d’abord, au Palais de justice de Beyrouth ensuite et, enfin, dans une caserne de Dékouané, il y a de quoi alerter les moins sceptiques. Y a-t-il donc un vaste complot visant les institutions publiques et destiné à en expulser les chrétiens pour augmenter leur malaise et détruire ainsi les fondements de l’État libanais ? La question se pose dans plus d’un milieu poltique et social, mais les réponses, pour l’instant, ne se fondent pas sur des éléments précis. Une source judiciaire autorisée estime pourtant que, si un tel plan existe, les trois incidents n’en font pas nécessairement partie et seul le dernier aurait, selon les enquêtes effectuées, des connotations confessionnelles. Nul n’a oublié cette terrible journée du 31 juillet 2002, lorsque Ahmed Mansour a tué onze de ses collègues, pour la plupart chrétiens, à la caisse des indemnités des enseignants du secteur privé, près de l’Unesco. Sous le choc de cette tragédie, nul n’a d’abord pensé à un crime à motivation confessionnelle, d’autant qu’entre le tueur et la plupart de ses victimes il y avait un contentieux financier. Les interrogatoires successifs de l’inculpé, ainsi que l’enquête menée auprès de ses proches et après consultation d’experts en psychologie ont montré que le coupable présumé jouait au notable dans son village du Sud. Il avait contracté un prêt de la caisse pour s’acheter une grosse Mercedes, pour lui, signe évident de la réussite sociale. Mansour a dérouté la cour de justice Lorsque les pressions de ses chefs l’ont contraint à rendre la voiture, il s’est senti dépouillé de son vernis de dignité. Il a même cru perdre sa raison de vivre et il aurait alors décidé de se venger, trouvant normal de régler ses comptes personnellement, en raison de son passé milicien et de la quasi-démission des institutions publiques au Sud. C’est du moins ce que tout le monde a cru, magistrats y compris, jusqu’à sa comparution devant la cour de justice. Sans frémir ni montrer la moindre émotion, Ahmed Mansour avait alors déclaré au président Nasri Lahoud qu’il avait agi par motivation confessionnelle, donnant une toute nouvelle dimension à son horrible crime. Pendant quelques minutes, la cour ne savait plus quoi dire, mais le mal était fait et avec les comptes rendus des journalistes, tout le pays a pu lire les dépositions de Mansour. Pourtant, la source judiciaire précitée estime que Mansour a menti, dans une tentative de gagner la sympathie de la rue musulmane et croyant s’attirer ainsi les circonstances atténuantes, en devenant lui-même la victime d’un climat général, hérité de la guerre et aggravé par la situation actuelle. Mais, toujours selon cette source, tous les faits confortent la thèse des mobiles financiers et du sentiment d’avoir tout perdu en perdant sa façade de notoriété. Le 23 décembre, un autre incident a rappelé à tous les esprits la tuerie de l’Unesco. Un ancien détenu, libéré en octobre, se rend au Palais de justice et tire sur un juge en train de siéger. Le juge est chrétien, le criminel un musulman. Ce dernier avait été emprisonné à Roumié pendant 5 ans et avait pu ainsi être en contact avec le noyau des islamistes de Denniyé. Pourtant, l’acte d’accusation publié mardi n’évoque que des mobiles personnels et parle d’un acte individuel, le coupable présumé ayant nourri, au cours de ses années de détention, un profond sentiment d’injustice et un désir de se venger de la magistrature. Pas de liens avec les noyaux islamistes La source judiciaire interrogée en est quasiment certaine, Khalil Sinno, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’a eu aucun lien avec les groupes islamistes, il n’a aucune appartenance partisane ou confessionnelle et il a agi seul. Et si demain, il donnait, au cours de son procès, une tout autre version ? « L’enquête a été poussée dans toutes les directions, et chaque piste a été creusée jusqu’au bout et aucun lien de ce genre n’a pu être établi. S’il évoque des plans islamistes lors de sa comparution devant le tribunal, c’est que quelqu’un lui aura conseillé de le faire, dans l’espoir de mieux s’en tirer. Mais, pour l’instant, rien de tel ne semble plausible », déclare la source judiciaire. Elle est par contre plus hésitante concernant l’incident de la caserne de Dékouané. Apparemment, il pourrait bien s’agir là d’un acte à connotation confessionnelle et, pour en avoir le cœur net, le parquet a demandé une enquête, alors que généralement, lorsque le tueur, en l’occurrence Hussein el-Khalaf, meurt, le ministère public n’intervient plus. Les premières investigations montreraient en tout cas que l’assassin était islamiste et que ses compagnons se moquaient de lui, pendant qu’il procédait au rituel de la prière. Ce qui l’aurait mis hors de lui et l’aurait poussé à s’emparer d’une arme et à tirer sur eux. Hussein el-Khalaf se serait ensuite enfui du côté de Kfarchima, puis il aurait lui-même appelé les forces de l’ordre pour leur indiquer où il se trouvait, comme s’il avait réellement pris la décision de mourir. D’ailleurs, lorsque ces forces sont arrivées, il les aurait insultées et aurait tiré sur elles, pour qu’elles ripostent. Ce qu’elles ont fait, provoquant sa mort. Ce serait en gros le déroulement des faits et tout porte à croire qu’il s’agit d’un crime confessionnel. Mais sans aucun lien avec les deux précédents. La source judiciaire reconnaît que toutes ces coïncidences sont troublantes, mais cela ne signifie pas forcément qu’elles soient le résultat d’un vaste plan de déstabilisation du Liban. Si celui-ci existe, ce qui est tout à fait possible, estime la source, le chef de l’État ayant lui-même donné à plusieurs reprises l’alerte contre de tels desseins chez les ennemis du Liban, ni Ahmed Mansour ni Khalil Sinno n’en seraient les instruments. Il faudrait, dans ce cas, les chercher ailleurs, peut-être du côté de la campagne de dénigrement des institutions publiques... Scarlett HADDAD
Trois incidents en quelques mois, à la Caisse des indemnités des enseignants d’abord, au Palais de justice de Beyrouth ensuite et, enfin, dans une caserne de Dékouané, il y a de quoi alerter les moins sceptiques. Y a-t-il donc un vaste complot visant les institutions publiques et destiné à en expulser les chrétiens pour augmenter leur malaise et détruire ainsi les fondements...