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Droits de l’homme - Les dossiers MTV et New TV continuent de susciter des réactions Cri d’alarme de la FDHDH : la liberté d’expression est en péril

Que reste-t-il des critères de l’État de droit au Liban, et en particulier de la liberté d’expression et de l’indépendance du pouvoir judiciaire ? C’est la question, cruciale, que s’est posée hier la Fondation des droits de l’homme et du droit humanitaire (FDHDH) dans le cadre d’une conférence de presse, avec la participation notamment du rédacteur en chef du quotidien al-Anouar, Rafic el-Khoury, de l’ancien gouverneur de la Banque centrale, Me Edmond Naïm, et du politologue et sociologue Charles Chartouni. Et en présence de Ghayyath Yazbeck, rédacteur en chef du journal télévisé de la MTV. L’occasion pour la FDHDH de stigmatiser les dernières violations flagrantes de la liberté d’expression : la consécration, le 27 décembre, de la fermeture de la MTV, et l’interdiction faite cette semaine à la New TV de poursuivre ses émissions satellites. C’est sur un constat amer que Waël Kheir, porte-parole de la FDHDH, ouvre la séance. Évoquant l’amélioration de la situation des droits de l’homme un peu partout dans le monde au cours des dernières décennies, M. Kheir a fait allusion à certains progrès à ce niveau dans quelques pays arabes : Bahreïn, l’Égypte, ou, à certains égards, la Syrie. « D’autres pays n’ont pas évolué. Mais un seul pays arabe a régressé dans le domaine : le Liban », a affirmé Waël Kheir. Selon M. Kheir, la liberté d’expression – garantie par l’article 19 – est en quelque sorte le pivot principal de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Puisque, sans elle, les autres droits énoncés dans la DUDH deviennent en quelque sorte caducs. Et de citer le rapport du Pnud sur le développement pour l’an 2002, selon lequel aucun développement économique n’est possible dans un pays si les libertés publiques, l’éducation et les droits de la femme n’y sont pas respectés. La liberté de la presse « Sans l’existence de libertés politiques, il est vain de parler de liberté de la presse. » Un deuxième constat amer énoncé par le journaliste Rafic el-Khoury. « La liberté de la presse dépend de la pratique démocratique et de l’existence d’une société civile vive », a-t-il estimé. « Or le Liban est une démocratie où le jeu démocratique est paralysé et où une loi électorale inique a abouti à une représentation faussée. En plus, le pouvoir voit dans le dialogue une menace qui aboutirait à sa délégitimation », a indiqué M. Khoury. Mettant l’accent sur la politisation de la justice, il a estimé, citant le cas de la MTV et de la New TV, que « le pouvoir gouverne en utilisant les lois ». « Le pouvoir tente de détruire la société civile, les partis, les syndicats et les ordres. Il est normal, dans cette optique, que les médias soient aussi frappés », a-t-il ajouté. Et de déplorer la pratique de l’autocensure : « Beaucoup de choses qui se produisent au Liban ne sont pas reproduites dans les médias et la presse. Il y a beaucoup d’obstacles à la liberté d’expression. » M. Khoury a ensuite évoqué les deux raisons d’être de la presse : informer et permettre aux citoyens de demander des comptes aux responsables. « Mais la presse libanaise n’arrive pas à remplir cette double fonction », a-t-il poursuivi. Et de conclure : « La presse doit continuer à défendre les libertés au Liban. On dit souvent que la liberté et le Liban sont des frères siamois. Force est de constater que le premier de ces jumeaux est à l’agonie et que le second est en passe de subir le même sort. » Le pouvoir judiciaire C’est ensuite au tour d’Edmond Naïm de s’exprimer. Me Naïm commence par apporter des précisions à l’expression « État de droit ». Selon lui, au Liban comme partout, il y a des lois qu’il faut amender ou annuler. L’application des lois n’est donc pas un principe essentiel à suivre puisque certains textes sont iniques et qu’il est nécessaire de les corriger. En d’autres termes, pour Me Naïm, l’État de droit ne saurait renvoyer à l’application des lois, du droit positif, mais à l’application du droit naturel, image d’un droit positif toujours perfectible. Il a ensuite mis l’accent sur le principe d’équité dans les décisions judiciaires. « Sinon, si les textes ou l’application sont iniques, la Charte de l’Onu donne le droit au peuple de se révolter contre l’oppression », a-t-il souligné. Me Naïm procède ensuite par comparaison : « Par le passé, les juges avaient une certaine culture juridique et prenaient des décisions justes. Aujourd’hui, les pouvoirs qui légifèrent élaborent des textes qui contiennent des vides. Les députés doivent savoir que, la plupart du temps, les textes qu’ils proposent ne sont ni justes ni rationnels. » Pour illustrer ses propos, il évoque l’affaire MTV et l’article 68 de la loi électorale. Un article qu’il juge confus, imprécis. « La MTV n’a pas eu le droit de se défendre. La cour d’appel et la Cour de cassation, de même que le procureur général Adnane Addoum, ont décidé que, malgré cela, elle devait être fermée. Comment un tribunal pénal peut-il fermer une société sans qu’elle puisse se défendre ? De plus, comment la Cour de cassation se permet-elle de dire qu’il faut respecter la procédure normale – c’est-à-dire reconnaître le droit à la défense – puis consacrer la décision du tribunal devant lequel la MTV n’a pu se défendre ? » s’est-il demandé. La solution, selon Edmond Naïm, réside dans un amendement immédiat par le Parlement de l’article 68 dans le sens de l’interprétation, sans ambiguïté, de l’article. D’autant plus, souligne-t-il, que la décision de fermeture de la MTV est « inexistante » parce que des règles fondamentales de procédure ont été violées durant le procès. Et, ajoute-t-il, il appartient à n’importe quel tribunal qui se saisirait de l’affaire de constater cette « inexistence » du jugement. « Les juges d’aujourd’hui ne sont plus à l’image de leurs prédécesseurs. Ils n’ont plus les moyens de se saisir complètement de leurs dossiers, de faire des recherches en profondeur. Il revient à l’État de faire en sorte que les juges ne fuient pas et se saisissent de leurs dossiers », a-t-il conclu. « Le déficit démocratique libanais » Charles Chartouni vient de rentrer d’Europe. Il y a quelques mois, il a été invité, en tant que membre de la FDHDH, par la commission des Droits de l’homme au Parlement européen, à Bruxelles, pour présenter un rapport détaillé sur la situation des droits de l’homme et des libertés au Liban. En vue de la ratification de l’accord de partenariat Liban-UE (qui comprend un clause importante relative au respect des droits de l’homme). Selon M. Chartouni, le Liban est « en proie à un déficit démocratique, qui gagne progressivement du terrain et touche tous les niveaux de la vie ». « Cet état de fait a été remarqué partout dans le monde. L’État de droit au Liban a été vidé de son essence. Le but de cette visite au Parlement européen était d’inciter l’UE à faire pression sur le Liban, à travers le partenariat, pour qu’il respecte les droits de l’homme », a-t-il affirmé. Prônant « le droit d’ingérence pour défendre la démocratie face au pouvoir qui réprime son peuple au nom de l’exercice de la souveraineté », il a condamné la fermeture de la MTV et l’interdiction faite à la New TV de poursuivre ses émissions par satellite. Deux mesures qui s’inscrivent, selon lui, dans le cadre d’une tentative de « faire taire toutes les voix qui n’ont pas adopté les positions officielles ». « Le grand problème au Liban réside dans la manière dont use le pouvoir pour gouverner », a-t-il ajouté. À noter par ailleurs que le Parti national libéral et l’ancien président de la République Amine Gemayel ont également stigmatisé le muselage de la New TV sur satellite. L’association Nouveaux droits de l’homme, qui avait saisi le bureau du haut-commissaire aux droits de l’homme de l’Onu pour l’affaire de la MTV, en octobre 2002, a affirmé pour sa part qu’« elle utilisera la même procédure pour l’affaire de la New TV ». « Nous considérons que le Liban est tenu plus que jamais de respecter ses engagements internationaux dans le domaine des droits de l’homme sous peine de se mettre en porte-à-faux vis-à-vis des donateurs de Paris 2 », a indiqué NDH-Liban. Michel HAJJI GEORGIOU
Que reste-t-il des critères de l’État de droit au Liban, et en particulier de la liberté d’expression et de l’indépendance du pouvoir judiciaire ? C’est la question, cruciale, que s’est posée hier la Fondation des droits de l’homme et du droit humanitaire (FDHDH) dans le cadre d’une conférence de presse, avec la participation notamment du rédacteur en chef du...