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Actualités - CHRONOLOGIE

Education nationale Troisième session du bac du 16 au 19 novembre

Tout le monde parle des travailleurs syriens, mais nul n’évoque leurs compatriotes féminines. Elles sont pourtant des milliers, venues à la recherche du paradis libanais et devenues des «bassara», des mendiantes, des concierges et surtout des prostituées. Elles hantent nos rues le plus souvent à la nuit tombée, mais désormais aussi à la lumière du jour, traînant leur misère d’une région à l’autre, terrassées de peur à l’idée d’être renvoyées chez elles, car malgré des conditions de survie déplorables à Beyrouth et dans ses banlieues, l’enfer c’est encore cette patrie qui n’a rien à leur offrir. On les remarque à peine, de prime abord, tant elles se fondent dans le paysage miséreux d’Ouzaï. Mais l’œil exercé finit par voir qu’elles ne sont pas des bédouines comme les autres et que leurs yeux vifs et lourdement maquillés guettent les hommes seuls dans leurs voitures. La proie repérée, elles fondent sur elle sans la moindre retenue, se jetant littéralement devant la bagnole et regardant avidement à l’intérieur. Si, par malheur, elles découvrent une femme assise derrière, elles proposent des services «nobles» : lecture de l’avenir dans les lignes de la main et autres bobards du même genre. Mais si le chauffeur est seul, elles lui demandent sans détours combien il est prêt à payer pour une partie de «plaisir». Son prix sera le leur, elles ne vont quand même pas chicaner alors qu’elles sont à la recherche de ce produit rare et précieux : les billets de banque. Comme elles sont le plus souvent en situation illégale au Liban, elles sont aussi fuyantes que le vent et il faut les payer grassement pour que certaines d’entre elles acceptent finalement de parler. Des confidences sans doute truffées de mensonges pour attendrir et se donner le rôle de victimes. Ce qu’elles sont d’ailleurs, comme tous ceux qui n’ont pas la chance d’être nés «du bon côté». Le Liban pour éviter un mariage arrangé Hamdiyé n’a pas d’âge, ou en tout cas il est impossible de lui en donner un. De prime abord, elle a quelque chose de rebutant dans ses vêtements noirs, à la propreté douteuse. Ses yeux maquillés au kohl sont pourtant brillants, et ses dents, si on oublie les quelques pièces en or, restent très blanches. Hamdiyé est arrivée au Liban il y a deux ans environ. Elle a traversé la frontière par le Akkar, franchissant à gué un petit ruisseau et hop, le tour est joué. Ses parents, dit-elle, voulaient la marier contre son gré, comme c’est la règle dans son village du nord de la Syrie. Le prétendant qu’on voulait lui imposer, dit-elle, était vieux et ne voulait payer que deux chèvres en contrepartie de leurs noces. «Une honte, s’écrie-t-elle, mais mes parents très pauvres étaient prêts à accepter». Elle s’est donc enfuie au Liban, où elle croyait trouver un travail honnête. Dans le Akkar montagneux, il n’y avait pas grand chose à faire. Elle a donc préféré descendre vers la côte, plus riche et offrant plus d’opportunités. Mais, selon elle, toutes ses tentatives de trouver du travail dans les champs ou les usines se sont avérées infructueuses. Imitant quelques compatriotes rencontrées au hasard de ses recherches, elle s’est mise à hanter les cafés du bord de mer, proposant des services de voyance. «J’errais toute la journée pour me faire quelques milliers de livres par semaine. À peine de quoi survivre, en dormant à la belle étoile». La vie lui paraît si dure qu’elle ne sursaute pas lorsqu’une compatriote lui propose «de faire des passes». Elle commence par dire non, affirmant que si elle a refusé d’être vendue par son père, ce n’est pas pour se vendre elle-même. Mais l’autre insiste et la vie est décidément très dure. Elle s’intègre au groupe qui travaille dans le secteur de Nahr Ibrahim. Officiellement, les gains sont partagés mais la jalousie, la mesquinerie et le mensonge commandent les rapports «entre les partenaires». Le «boss», car il y en a toujours un, est soldat dans l’armée syrienne stationnée au Liban, ce qui lui permet officiellement de protéger ses «employées». Hamdiyé confie qu’il est violent et avare. C’est pourquoi elle décide de s’enfuir vers le Sud. L’aventure est très risquée pour cette femme seule, qui doit à la fois se cacher des autorités libanaises (puisque ses papiers ne sont pas en règle) et de ses compatriotes, son boss n’ayant sans doute pas apprécié qu’elle prenne la poudre d’escampette. Des mendiantes se prostituent Hamdiyé travaille donc à Ouzaï, où elle s’est fait quelques amies et n’était la peur d’être attrapée, elle ne se plaindrait pas trop. «Je travaille pour mon propre compte et je choisis mes clients à leur tête et à leur voiture. Naturellement, avec mon allure, je ne peux pas viser très haut. Mais je dois toujours me cacher et éviter de me faire voler. Les plus vilains sont encore les ouvriers syriens qui souvent ne veulent pas payer». Hamdiyé est catégorique : «Toutes les mendiantes que vous voyez dans les rues sont syriennes et font aussi de la prostitution. Mendicité et voyance ne sont que des couvertures». Les confidences de Fatmé sont encore plus difficiles à obtenir. Habillée elle aussi comme une mendiante, elle jette en permanence des regards furtifs autour d’elle. Tout semble lui faire peur, surtout son ombre. Elle affirme être venue au Liban à la demande de son mari qui sert dans l’armée syrienne. Elle a d’ailleurs, collés à ses basques, deux enfants en bas âge. «Il nous a installés dans un taudis et disparaît la plupart du temps, me laissant l’entière responsabilité de subvenir à nos besoins». C’est ainsi qu’elle a été contrainte de recourir «à ce moyen infamant» de gagner sa vie. Elle reconnaît qu’il lui faut au moins deux passes par jour pour pouvoir nourrir ses enfants. «Je n’ai pas de tarif fixe, dit-elle. Je me contente de ce qu’on me donne qui varie entre 5 000 et 20 000 LL». Selon elle, son mari doit bien se douter de la nature de ses activités. «Mais tant que cela rapporte de l’argent, il s’en fout». Pourquoi ne rentre-t-elle pas chez elle ? «Pour quoi faire ? Ici, je peux me livrer à cette activité dans l’anonymat. Dans mon village, je serai très vite bannie et rejetée. Sans compter le fait qu’il n’y a absolument rien à faire». Que font ses enfants lorsqu’elle est occupée ? «Je les confie à des amies». Car il existe quand même une forme de solidarité entre ces femmes sans espoir et sans avenir. Selon Fatmé, elles sont des milliers dans son cas, venues à la demande d’un ami, d’un frère ou d’un père, soldat ou simple travailleur soucieux d’arrondir ses fins de mois par des rentrées inespérées. Elles se retrouvent ainsi à faire le trottoir à Ouzaï ou ailleurs. Elles sont généralement sans papiers, ce qui rend leur situation encore plus précaire. Si leurs compatriotes masculins sont d’une certaine utilité pour l’agriculture et l’industrie libanaise, les milliers de Syriennes qui hantent les rues du Liban ne font que grossir les rangs des miséreux. Très peu d’entre elles ont un véritable travail : femme de ménage ou concierge dans le meilleur des cas. Les autres se contentent donc du trottoir, sans espoir de s’en sortir un jour. Malgré cela, elles ne veulent pas partir, et lorsqu’on leur demande pourquoi, elles se troublent craignant d’avoir affaire à des agents qui iraient rapporter aux Syriens le mal qu’elles pourraient dire du régime. Une situation sans issue dont d’ailleurs nul ne se soucie. Ces malheureuses-là ne bénéficient pas d’aides humanitaires ou de soins quelconques. Nul ne veut les reconnaître car la charité au Liban est aussi sectaire que le reste.
Tout le monde parle des travailleurs syriens, mais nul n’évoque leurs compatriotes féminines. Elles sont pourtant des milliers, venues à la recherche du paradis libanais et devenues des «bassara», des mendiantes, des concierges et surtout des prostituées. Elles hantent nos rues le plus souvent à la nuit tombée, mais désormais aussi à la lumière du jour, traînant leur...