Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Vie politique Les activités de Gemayel (photo)

«Il faut prendre les choses au sérieux, car elles pourraient devenir dangereuses. La solution est d’en parler calmement, d’autant qu’il s’agit de questions nationales qui concernent tout le monde». Dans le décor serein de la faculté de théologie de Balamand, Mgr Ignace IV Hazim, patriarche grec-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient, livre quelques-unes de ses impressions sur la situation actuelle. Homme de science et de méditation, il cherche à se placer au-dessus des remous actuels tout en appelant à un dialogue franc et sincère, selon lui unique voie de salut pour le Liban, à une période particulièrement délicate où les juifs cherchent à s’approprier Jérusalem, Ville sainte au cœur de la foi chrétienne. Dès qu’il arrive au Liban, tout le monde veut le voir : personnalités politiques, hommes de religion, étudiants en théologie et simples citoyens soucieux d’obtenir sa bénédiction. À tous, le patriarche Hazim tient le même langage, celui de la modération, de la tolérance et de la foi. Mais cela ne l’empêche pas d’être parfaitement au courant de tous les détails de la vie au Liban. Rien n’échappe à ses yeux vifs et à son esprit sagace, même s’il cherche toujours à dépasser les petites considérations pour ne s’occuper que de l’essentiel : la survie du Liban, dans cette période de troubles. Mgr Hazim est conscient que le discours actuel des différentes parties libanaises peut paraître fanatique et violent, mais selon lui, les hommes de religion chrétiens n’en sont pas responsables. «Ils ne donnent pas d’instructions, mais dénoncent des problèmes qui ne concernent pas un groupe en particulier. Ils soulèvent des questions nationales. En vérité, l’homme de religion ne croit pas que la politique est son premier message». Pourtant, actuellement, les divergences entre chrétiens et musulmans semblent essentiellement politiques, et les positions ne font que se durcir. «Bien sûr il y a des divergences. Le Liban ne peut pas être monoforme. Il y a des différences comme dans tous les autres pays du monde. Ici, ce sont les religions, là-bas ce sont les partis ou les idées. On ne peut pas s’attendre à ce que tous les citoyens d’un même pays sortent d’un même moule. Mais si les positions se durcissent, c’est à cause de ce que l’on n’ose pas dire». Comment cela ? «Il faut avoir le courage d’affronter la réalité et de faire face aux difficultés. À mon avis, tout le monde veut vivre de la même manière, seules les pensées sont différentes. Il faut en parler franchement et je crois que la vision de 1943 ne doit pas être absente de nos consciences». Non aux mensonges «Ce qui compte, poursuit le patriarche grec-orthodoxe, c’est que chacun doit accepter l’autre avec ses différences. Il faut reconnaître la différence de l’autre et comprendre qu’en définitive, on ne peut pas être ici physiquement et avoir la tête et le cœur ailleurs. La formule de 43 était un contrat social, un engagement pour construire un pays main dans la main, en plaçant la patrie en tête de nos priorités». Certains disent que cette formule était un gros mensonge ? «Non, son intensité a peut-être diminué mais pas son esprit. Il faut organiser une rencontre nationale pour renouveler ce contrat qui doit devenir une sorte de Constitution morale, liant les Libanais». Aujourd’hui pourtant, on a l’impression d’être revenu à l’équation de départ : les musulmans accusent les chrétiens d’être avec Israël et ces derniers accusent les musulmans de s’aligner sur la Syrie. «Israël n’est pas avec les chrétiens. Les juifs ont tué notre Christ, comment pourraient-ils être avec nous ? De toute façon, si l’équation se présente ainsi, il faut en parler ouvertement et sincèrement. Comme dans un conflit au sein d’un ménage, il est important qu’il n’y ait pas de mensonges. Il faut commencer par dire que c’est notre pays et que nous voulons y vivre et ensuite chacun exprimera ce qui le dérange». L’accord de Taëf n’est-il pas censé avoir réglé cette question ? «Si nous en sommes là aujourd’hui, c’est que quelque chose n’allait pas dans cet accord et que certains ne disaient sans doute pas ce qu’ils pensaient. C’est pourquoi je propose aujourd’hui la création d’un organisme qui puisse regrouper tout le monde et qui serait chargé d’étudier comment les Libanais veulent et peuvent vivre ensemble. Cet organisme travaillerait aux côtés de l’État qui reste l’instrument exécutif». Parler de tout ce qui dérange Vos propos appelant à la liberté pour chaque citoyen de s’exprimer dans son pays ont été interprétés comme un appui au communiqué des évêques maronites. «En vérité, c’était un appui à tout le monde. Je ne me permets pas de critiquer le patriarche maronite, mais je crois qu’au Liban, on réagit à la personne de celui qui s’exprime bien plus qu’à ce qu’il dit. Au lieu de le critiquer, que l’on discute les faits qu’il a avancés. Or, personne n’a dit que c’était faux. Le patriarche Sfeir a sans doute des raisons pour s’exprimer ainsi et il faudrait traiter les problèmes qu’il soulève». Si vous aviez assisté à la réunion des évêques maronites, le communiqué final aurait-il été le même ? «J’ai une grande confiance dans le patriarche maronite. Ce n’est pas un fonctionnaire de l’État. Il y a des troubles au sein de sa communauté, qui constitue un pilier du pays et qui forme la majorité des chrétiens. Il devait donc évoquer ce qui la dérange et pourquoi pas ? A-t-on peur d’entendre ce qu’il a à dire ? Au lieu de l’attaquer, que l’on dise si ses propos sont vrais ou faux. D’ailleurs, le patriarche n’a pas parlé de la Syrie en tant que pays, mais de la présence de l’armée syrienne au Liban. Or, il est évident que la présence d’une armée est toujours le signe que quelque chose ne va pas…» Certains ont critiqué le timing du communiqué, arguant du fait qu’il a provoqué une polarisation du pays entre chrétiens et musulmans ? «J’ignore les raisons de ce timing. Je sais seulement qu’il faut parler de tout ce qui dérange, loin des médias, franchement et sans peur». Pensez-vous que le climat troublé au Liban soit lié à l’intifada dans les territoires occupés et qu’en définitive, il s’agisse de faire passer les projets d’implantation ? «C’est possible. Mais implantation ou non, cela ne doit pas empêcher l’État d’agir. Sinon, à quoi sert un État, s’il ne veut pas aider les citoyens à s’entendre, et à quoi sert l’armée si elle ne peut pas protéger ces mêmes citoyens ? Au fait, combien avons-nous d’armées actuellement ?». Comment établir un dialogue alors que les positions semblent aux antipodes les unes des autres : le patriarche maronite insiste sur le fait que la guerre du Liban a été celle des autres et sayyed Nasrallah affirme qu’il s’agissait d’une guerre interne due au confessionnalisme ? «Il y a déjà un élément commun, la guerre. À partir de là, il faut commencer à parler. Je partage de nombreux points de vue avec sayyed Nasrallah, mais je ne suis pas d’accord avec ses interprétations des faits. Le patriarche Sfeir a, lui, évoqué une réalité indiscutable. Il faut donc discuter avec sayyed Nasrallah, en mettant une échelle des priorités : d’abord la famille ensuite les voisins et puis le reste du pays. Le plus dangereux est de croire qu’on est le seul à avoir raison». Reconnaître qu’il y a deux parties Quelle serait la solution, selon vous ? «D’abord regarder en face la réalité, ensuite reconnaître qu’il y a deux parties». Mgr Hazim insiste sur la nécessité de s’entendre, car «la perte de Jérusalem est plus grave pour les chrétiens que pour les autres communautés. Lorsqu’on touche à cette ville, c’est à notre foi que l’on porte atteinte. Jésus est né là-bas. Ce n’est le cas ni du Prophète Mahomet ni de Moïse». Pourquoi aucune autre voix chrétienne ne s’élève-t-elle pour réclamer Jérusalem ? «Le Vatican le fait à sa manière. Mais c’est nous qui sommes sur place et la cause palestinienne est essentielle pour nous. Comme nous n’avons pas d’État chrétien pour réclamer nos droits, nous espérons que les autres, écoutant leur conscience, les respecteront. Certaines voix palestiniennes évoquent les droits musulman et chrétien sur Jérusalem, mais ce n’est pas suffisant. Malheureusement, les pays étrangers ne s’en soucient pas. Seule compte leur politique. Ils ont créé un État et ont poussé les populations à l’exode pour servir leurs intérêts. Aujourd’hui pourtant, ceux qui meurent dans les territoires n’ont pas d’autre endroit où se réfugier. Ils sont attaqués dans leurs maisons, leur présence est menacée et ils luttent seuls. Les États ne sont pas des associations de bienfaisance…» Face à cette situation instable, le patriarche Hazim estime que les Libanais ont plus que jamais intérêt à consolider leur cohésion interne. Et cela ne peut se réaliser qu’à travers le dialogue. «Il faut prendre les craintes des uns et des autres au sérieux et oser en parler franchement. Le problème actuel est grave, il n’est pas provoqué, comme certains le laissent entendre, mais reflète une situation réelle.»
«Il faut prendre les choses au sérieux, car elles pourraient devenir dangereuses. La solution est d’en parler calmement, d’autant qu’il s’agit de questions nationales qui concernent tout le monde». Dans le décor serein de la faculté de théologie de Balamand, Mgr Ignace IV Hazim, patriarche grec-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient, livre quelques-unes de ses...