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Actualités - OPINION

Bloc-notes De Hariri à Jean XXIII

Elle était bien sympathique, cette photo montrant Madame Hariri en train de vaporiser d’encens son époux, en public et sans fausse pudeur devant l’objectif, pour lui épargner le mauvais œil, la jalousie et tous les méandres de l’âme humaine qui s’enroulent autour de la réussite. Mœurs simples de gens simples. Si cette authenticité marquait toutes les initiatives de cet ancien, et peut-être futur, Premier ministre, le pays suivrait sans doute son bonhomme de chemin, plus libano que séoudien (ces mots parce que la presse étrangère se croit tenue, aussitôt cité le nom de Hariri, d’ajouter «le milliardaire libano-séoudien»); il suffirait peut-être que l’homme modère son gigantisme et renonce à régner sur tous les secteurs de la vie publique à la fois. Mais cela irait contre tous les syndromes du self-made man à l’orientale et, de surcroît, au pouvoir. *** 1964. On apprend simultanément que le Nobel de littérature a été attribué à Jean-Paul Sartre et accueilli par un refus. Il coule des tonnes d’encre en France pour commenter l’événement (le refus, en l’occurrence), en grande majorité à la gloire de l’écrivain, de son intégrité intellectuelle et morale. Tout le landernau des sartriens et, plus généralement, les «intellectuels de gauche» célèbrent l’auteur des Chemins de la liberté. Vendredi dernier, on apprend que, selon un ancien membre de l’Académie suédoise, Sartre a réclamé onze ans plus tard l’argent de son prix. Pour quoi faire ? On le saura sans doute bientôt par quelque disciple soucieux d’honorer la mémoire de son ancien maître à penser. Ce qui reste le plus frappant pour qui a vécu les «années Sartre», c’est le travail de sape opéré par la postérité. Ses obsèques, en 1980, avaient attiré une énorme foule : vingt ans plus tard, les quotidiens parisiens ne lui consacrent qu’un entrefilet. Le monde ne pardonne peut-être pas à qui a voulu le penser... *** Les journalistes libanais se soumettent volontiers à une autocensure politique qui mérite le nom de prudence. Mais ce pays est diabolique. À peine se montre-t-on respectueux de la présence étrangère qu’il faut épargner, par exemple, les communautés religieuses. Ainsi en va-t-il pour les béatifications de Pie IX et Jean XXIII. Prendre parti serait suicidaire : les clergés catholiques risqueraient de nous tomber dessus, qui en faveur de l’un, qui contre l’autre. Quant à se mêler des affaires de l’islam, les chrétiens seraient aussitôt accusés de fanatisme et les musulmans d’hérésie. Alors il faut passer maître dans l’art d’enrober au risque de se rendre, comme certains chroniqueurs, incompréhensibles. Mais, que l’on se rassure, nous survivons quand même. Entre les lignes...
Elle était bien sympathique, cette photo montrant Madame Hariri en train de vaporiser d’encens son époux, en public et sans fausse pudeur devant l’objectif, pour lui épargner le mauvais œil, la jalousie et tous les méandres de l’âme humaine qui s’enroulent autour de la réussite. Mœurs simples de gens simples. Si cette authenticité marquait toutes les initiatives de cet...