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Actualités - OPINION

Regardez-les comme ils sont beaux

Le député débarque place de l’Étoile tout fier de sa victoire. Version Rastignac. Tous les espoirs lui sont permis. C’est-à-dire, pour commencer, un ministère aux voies navigables. Version Bovary : il porte sur ses épaules tous les malheurs – impôts, conflits, chômage et fausses factures. Sa personne a pris un poids considérable et sa majesté s’en trouve dilatée. Durant quatre ans, on va le voir pontifiant, sorte d’Atlas portant le monde et incarnant le Liban éternel, c’est-à-dire beau , spirituel, inventif, supérieur. Il se transforme en justicier, en globe-trotter ou en journaliste. Le plus doué écrit des livres, paraît à la télé, donne dans le ton moralisateur afin de se faire remarquer. Place de l’Étoile, on lui remet les insignes de son nouveau pouvoir : la plaque d’immatriculation bleue dont on fera des duplicatas pour que toute la famille en bénéficie. Un chauffeur. Un garde du corps. Une ligne téléphonique gratuite. Une voiture sans droits de douane, des primes d’assurance pour les écoles, les universités et la santé des enfants … Une enveloppe mensuelle de 8,5 millions de livres libanaises qu’il empochera dès qu’il fera ses premiers pas dans les couloirs et les bâtiments de l’Assemblée, haut lieu de la cohabitation. Il découvre avec ravissement son bureau concocté par Nabil Azar, puis il ira frimer à la buvette de la place, ou chez Casper et Gambini qui affichent des prix imbattables (merci les contribuables) avant d’aller déchanter devant la pile des documents, qui rapidement s’entassent sur sa table : les rapports de la commission à laquelle il appartient (rarement celle qu’il aurait souhaitée ; cela ne s’obtient qu’à l’ancienneté). Les projets du gouvernement truffés de commentaires, car chaque ministre veut laisser sa marque, donc sa trace historique dans les débats du Parlement. Les chiffres budgétaires plus destinés à embrouiller qu’à éclairer. Le courrier proprement monstrueux dont l’abreuvent galeries de peinture, salons d’automobiles, clubs sportifs et vie mondaine … Ce n’est pas tout. Comme il faut être capable, le jour venu, de produire des états de service à l’intention des électeurs, Monsieur le député, en bon ouvrier, va plancher sur sa propre prose. Destinée évidemment à l’éternité. Histoire de suggérer : «Je me suis bien battu mais nos éminences n’ont rien entendu … L’essentiel est que je n’ai pas piqué un somme !» N’en faites pas un drame. Il y a peut-être en vue un maroquin. Cela aide à vivre ou à se faire réélire. Car comme le cancre de Prévert, le député dit (parfois) non avec la tête … Mais toujours oui avec le cœur.
Le député débarque place de l’Étoile tout fier de sa victoire. Version Rastignac. Tous les espoirs lui sont permis. C’est-à-dire, pour commencer, un ministère aux voies navigables. Version Bovary : il porte sur ses épaules tous les malheurs – impôts, conflits, chômage et fausses factures. Sa personne a pris un poids considérable et sa majesté s’en trouve dilatée....