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Actualités - OPINION

Pour le prochain gouvernement, une urgence : redonner aux jeunes la confiance Moi, Karim K. 26 ans, oisif, à quoi boniste, désenchanté

Les jeunes du Liban. Génération de spectateurs. Nouveau Parlement, nouveau gouvernement et une priorité essentielle : réapprendre aux jeunes la chose publique. Leur cri tellement puissant qu’il en devient parfois muet. Parce que laissé dedans. Leur silence qui assourdit. Leurs bras baissés et ces trois mots : à quoi bon… Tellement laissés pour compte qu’ils finissent par trouver ça normal. «Ça» ? Se désintéresser, royalement, de tout ce qui a trait au pays. Tout. Tellement laissés pour compte qu’ils finissent par oublier que le futur d’une nation, son «à venir», c’est eux. Et seulement eux. Quinze années de guerre et dix de marasme, dix années de n’importe quoi, et eux qui ne savent plus, qui ne savent pas, qu’un pays, ça se construit jour après jour. Acte après acte. Par eux et pour eux. Civisme, citoyen, citoyenneté, des mots, pour eux, qui n’ont plus aucune espèce de sens, de portée, d’impact. Idem pour les trois autres qui finissent en té. Liberté, égalité, fraternité, ça, ils ne connaissent plus. Plus rien qui stimule, plus rien qui fait s’impliquer, plus rien qui permette de faire acte de citoyenneté justement. Plus d’envie(s). Les jeunes du Liban. Génération désenchantée. Eux… À qui la faute ? À eux d’abord. Sûrement. À leurs dirigeants. Surtout. À ces trois mots enfin, qu’ils répètent, forcés de répéter. À quoi bon… Eux. Eux qui s’agglutinent aux portes des ambassades, des heures durant, eux qui mendient leurs visas, et eux qui partent. Leur credo : comment et pourquoi se soucier d’un pays qui néglige jusqu’à leurs droits les plus évidents ? Ils le disent, haut et fort, qu’ils ont raison. Leurs raisons. Compréhensibles. Sauf que c’est dommage et dommageable. À leur decharge, ils ont fait un choix, ils ont pris une décision, posé un acte. Leur faute ? Ils ont abdiqué. Eux. Eux qui restent. Eux qui passent leurs journées dans les rues. Leurs nuits. Eux qui vivotent au fond d’une banque, d’une école, d’un garage, etc, etc. Incapables désormais – séquelles naturelles du m’enfoutisme officieux de tous leurs responsables, officiels eux – de se rappeler du verbe «agir». Du verbe «résister». Leur faute ? Suivre le courant, subir, accepter, attendre. Et bêler. Eux. Eux brimés, tus, lorsque leurs opinions, leurs certitudes dévient de la ligne directrice, dictatrice qui leur est imposée. Eux que l’on tabasse. Eux que l’on prend en otages, leur maturité politique toujours bloquée à 21. Et eux, installés à l’étranger, depuis des décennies, fiers envers et contre tout d’être Libanais. Et à qui l’on interdit de voter. Eux qui ne se supportent plus entre eux. Chrétiens, musulmans, musulmans, chrétiens… Puisque leurs «hommes politiques» le font, pourquoi pas eux ? Puisque leurs «hommes politiques» ont, selon toute vraisemblance, selon toutes les apparences, barré le mot Liban de tous leurs lexiques, pourquoi pas eux ? … et leurs «hommes politiques» Parlons-en de leurs «hommes politiques». La majeure partie d’entre eux plus occupée à satisfaire ses intérêts plutôt que ceux d’une nation, plutôt que ceux d’une jeunesse. La majeure partie d’entre eux qui foule à tous les pieds cette chose que l’on dit publique, la majeure partie d’entre eux bafouant les postulats les plus élémentaires de toute République. Leurs «hommes politiques» qui ne voient toujours pas qu’ils se meurent sans travail, sans éclats de rire, sans culture, sans rêves. Leurs «hommes politiques»… Et les jeunes du Liban sans modèle, sans référent. Une jeunesse sans référent politique, c’est-à-dire sans garants d’une certaine éthique, d’une éthique certaine, sans garde-fou, sans idéal, c’est une jeunesse qui va à vau-l’eau. Naturellement. Simplement. Les jeunes du Liban. Génération attentiste. Et leurs «hommes politiques», dans leur grande majorité, qui confortent cette attente, qui la cautionnent, qui – un chat, cela s’appelle un chat – l’encouragent. Alors il faut oublier cette tendance un peu méditerranéenne à faire confiance au temps. À croire aux miracles. Cette chose délicieusement et dangereusement libanaise qui veut que «l’on se jette du septième étage en disant mon Dieu rattrape-moi», il s’agit maintenant de l’oublier. Le mythe éculé et épuisé de l’homme providentiel, il s’agit maintenant, aussi, de l’oublier. Attendre ? Cela n’est plus possible : il y a urgence. Poser un acte de citoyenneté Les jeunes du Liban. Ou quand le(s) spectateur(s) décide(nt) de devenir acteur(s). Refuser l’atavisme, le bêlement. Bannir l’à quoi bonisme. Ne pas les attendre, les «hommes politiques». Pervertir le schéma : leur donner l’exemple. Ne pas attendre les grands décideurs. Quels qu’ils soient. Commencer, dans la rue, à faire acte. Le (rare) feu rouge que l’on respecte, les écorces de pistaches alépines que l’on garde pour quand il y aura une poubelle, attendre son tour au cinéma. Détails imbéciles s’il en est, mais… S’intéresser ensuite. À ce qui se passe ailleurs, aux autres jeunes du monde ce qu’ils font, ce qu’ils sont, ce qu’ils lisent, ce qu’ils bouffent. S’intéresser – cela ne veut pas dire, nécessairement, singer. Et puis dépasser l’individu, le chacun dans son coin, tendre au(x) groupe(s), s’arroger, légalement, la possibilité de faire pression. Devenir citoyen. Concerné. Voter par exemple… Blanc, rouge, vert ou noir, mais voter. Encore et toujours s’impliquer. Se fédérer. Réfléchir à deux jeunes, vingt jeunes, cent jeunes, trente mille… Et imposer. Ensemble. Toutes strates confondues. Cultiver l’antihéros Entrouvrir la porte pour pouvoir la laisser ensuite béante : (faire) évoluer. Les jeunes du Liban ? Génération XXL. Il est grand temps de se retrouver. D’agir. Maintenant. Le Liban n’a pas besoin de héros. Plus que jamais, il lui faut des antihéros. Un antihéros ? C’est un simple Libanais qui aura, quelque soit sa date de naissance, l’âge de tous les possibles. Un antihéros qui fait. Qui fait.
Les jeunes du Liban. Génération de spectateurs. Nouveau Parlement, nouveau gouvernement et une priorité essentielle : réapprendre aux jeunes la chose publique. Leur cri tellement puissant qu’il en devient parfois muet. Parce que laissé dedans. Leur silence qui assourdit. Leurs bras baissés et ces trois mots : à quoi bon… Tellement laissés pour compte qu’ils finissent par...