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Actualités - REPORTAGES

Campagne tous azimuts du pouvoir contre Joumblatt et Hariri 6h45 du matin, le Hezbollah confirme sa consigne : votez Elie Hobeika (photos)

Incroyable pays où les alliances contre-nature sont reines, où les coups de théâtre, peu ou prou prévisibles, vont jusqu’au bout. Incroyable pays où le pouvoir et la Syrie se mettent, concrètement – sur le terrain – au service de leurs candidats. Comment ne pas voir à court ou moyen terme – quatre ans ce n’est pas si long que cela – et se rappeler que c’est le (nouveau) Parlement 2000, celui qui se formera ces deux semaines, qui élira le treizième président de la République libanaise. Il faut ainsi, dans cette optique, garantir au maximum la «docilité» de la prochaine Assemblée. Et c’est ainsi que ce dont Tout-Beyrouth bruissait vendredi et samedi derniers s’est confirmé hier matin, un quart d’heure avant l’ouverture des bureaux de vote. Le Hezbollah, présent aux premières loges sur l’échiquier politique de Baabda-Aley – l’électorat chiite de la circonscription s’élevant à 32 036 voix –, a ainsi demandé à ce dernier de voter pour une liste complète, celle de Talal Arslane et de Pierre Hélou, soutenue par le pouvoir et qui avait laissé le troisième siège maronite du caza de Baabda vacant pour Élie Hobeika. La liste distribuée aux électeurs – «elle a été imprimée depuis plus d’une semaine», disent les partisans de Élie Hobeika et de Ali Ammar - comportait ainsi, au lieu des dix prévus, les onze noms. La consigne du Hezbollah – même s’il semble qu’elle n’a pas été suivie par toute la base populaire, chose inhabituelle pour un parti aussi discipliné – est d’autant plus spectaculaire que jusqu’à la veille de l’échéance électorale, son candidat, Ali Ammar, refusait catégoriquement d’entendre parler de M. Hobeika. Seule explication possible à ce revirement «miraculeux» : le pouvoir et la Syrie qui pèsent de tout leur poids contre la liste parrainée par Walid Joumblatt et appuyée par Rafic Hariri, ne voulant apparemment pas cautionner le nouveau discours politique du premier et «cohabiter» avec le second au Sérail. Hier donc, comme au Liban-Nord I et II, comme dans les trois autres du Mont-Liban, les 283 063 électeurs de la circonscription de Baabda-Aley, ont été appelés à voter. À 15h30, le taux de participation en moyenne tournait autour des 30 % – excepté dans la banlieue sud. Peu d’incidents ou d’irrégularité, à quelques exceptions notables près. L’humeur était même souvent bon enfant entre les différents délégués des listes et des candidats rivaux. Les Forces de sécurité intérieure d’une courtoisie exemplaire. Et étonnante. Carnet de route… 08h05, Hazmieh – Le fief du parachuté du caza, Élie Hobeika : une heure et cinq minutes se sont écoulés depuis l’ouverture officielle des bureaux de vote et seules quinze personnes ont rempli leur devoir de citoyen. Les partisans et les délégués de M. Hobeika sont en force et sur la liste qu’ils distribuent, celle de «L’entente et le renouveau», le nom de l’ancien ministre des Ressources figure en bonne place aux côtés des dix autres colistiers, dont Ali Ammar. À l’intérieur, tous les scrutateurs se partagent les croissants au chocolat offerts par la liste de «l’Union de la montagne», et parlent déjà du casse-croûte de midi que leur prodiguera la liste adverse, celle de «l’Entente et le renouveau». 08h30, Araya – Dans ce village chrétien, les familles panachent très peu, et les bulletins blancs sont assez nombreux. Il est l’heure de la messe, le chef du bureau de vote est limite paranoïaque avec les journalistes et les habitants citent volontiers le nom de Abdo Bejjani. 08h50, Kahalé – Le fief de Abdo Bejjani, justement : ici, on parle beaucoup des listes truquées, celles des deux grandes rivales sur lesquelles vient se greffer le nom de Imad el-Hajj, la tête d’une «petite» liste, celle de «La décision indépendante». Les pronostics des Kahaliotes sont assez unanimes, «ici, les habitants se partagent entre Bejjani et Hobeika». La tête de liste de «l’Union de la montagne», Fouad el-Saad, interrogé par L’Orient-Le Jour, commentera la nouvelle alliance Hobeika-Hezbollah : «Ces derniers payeront, politiquement, la facture» - estimant que «les saloperies, genre listes truquées, vont continuer à aller bon train». 09h10, Bhamdoun-gare – Pas un chat dans les rues. Ici, c’est comme ailleurs, plutôt propre. C’est-à-dire que les électeurs vont seuls mettre leur bulletin dans la petite enveloppe beige, derrière le rideau qui sert d’isoloir de fortune, «il y a juste une femme de 80 ans qui a été accompagnée par sa fille», précise l’une des scrutatrices. Quant aux FSI, tout sourires, ils respectent volontiers la «frontière» entre leur chaise et le bureau de vote. Ici, on panache à tout-va, «ici, on ne vote que pour ceux que l’on connaît». 09h40, Chbéniyé – La ville de l’ancien chef de l’État, Élias Sarkis : le panachage, ici aussi, est roi. Karim Sarkis, qui devait figurer sur la liste de «l’Union de la montagne» en lieu et place de Abdallah Farhat, a donné comme consigne de vote, une liste mixte, «j’y vois bien Daccache, Honein, Antoine Ghanem, Hélou, Bejjani, Andraos, Chéhayeb». Sauf qu’à Chbéniyé, les dames bijoutées et maquillées aiment bien «le petit Farhat»… 10h10, Hammana – Le fief de Abdallah Farhat. Ce jeune cadre dynamique est très populaire dans la région. «Ici, les gens rentrent sans lunettes et les mettent pour signer», ironise l’un des scrutateurs. Comprenne qui pourra… Dans tous les cas, ce qui est sûr, c’est que les druzes votent beaucoup plus que les chrétiens à cette heure-ci, ces derniers sont à la messe. Les femmes caquètent et les délégués du «piégeur de listes», Imad el-Hajj, jouent des coudes, en force. 10h30, Kornayel – Le fief des Aawar, Ghaleb sur la liste de Talal Arslane, et Souheil, indépendant. Entre eux, la bataille fait rage et le Hezbollah est particulièrement présent. Pas de panachage, les femmes druzes plébiscitent Hobeika et Ghaleb Aawar, et dans l’un des bureaux de vote, on a demandé l’aide d’un élément des FSI. 10h50, Deir el-Harf – Village de déplacés chrétiens s’il en est. Peu de participation et panachage systématique. «Ici, on adore Salah Honein et Élie Hobeika». On a beau s’étonner, les habitants sont convaincus : «Honein, le candidat du cœur et Hobeika celui de la raison». Allez comprendre… 11h15, Sofar – Dans le brouillard : ici, c’est plutôt arslaniste, le taux de participation va croissant, et le panachage presque inexistant. Les habitants sont partagés entre les deux grandes listes. Les délégués du Hezbollah et de Hobeika sont sur les nerfs, ceux d’Arslane essaient de calmer le jeu. Grande popularité de Pierre Hélou, que L’Orient-Le Jour joint par téléphone. «Je ne crois pas à la patte blanche (de Walid Joumblatt), qu’il commence donc par mettre le drapeau libanais et avoir un peu de cohérence par rapport à ses alliances», assène-t-il, précisant que le Hezbollah, par son alliance avec Élie Hobeika, «affirme là son refus de Rafic Hariri». 11h40, Bhamdoun-ville – Toujours la popularité de Pierre Hélou et de Talal Arslane, et toujours le panachage. Samir Khaïrallah, le président de la municipalité, répète à L’Orient-Le Jour combien «les Bhamdouniens sont réputés voter selon leur conscience et leur conviction». Ici, c’est la grande foule, les télés sont high-tech, les isoloirs presque somptueux au regard de tous les autres, un des bureaux dispose même d’une pièce normale. 12h00, Aley – Le domicile d’Akram Chéhayeb. Ici, l’on prévoit, évidemment, une grande victoire de la liste présidée par Fouad el-Saad. William Azzam, le bras droit de M. Chéhayeb, nous raconte qu’ici les affiliés à un parti (Hezbollah, Kataëb, PSNS, BN) ne panachent pas, contrairement aux indépendants. Il paraît aussi que la plupart des scrutateurs de Imad el-Hajj ont rendu leurs tabliers, «il ne les a pas payés…». La bataille politique, semble-t-il, est en train de se jouer entre Antoine Ghanem et Élie Hobeika. M. Azzam raconte également les irrégularités notées, comme par exemple, l’absence sur les listes électorales de certains noms présents sur les listes du ministère de l’Intérieur, comme aussi la distribution d’enveloppes non cachetées, «pour bluffer les électeurs», ou de «l’imprimerie de Catherine Wehbé, à Achkout, qui imprimait jusque tard dans la nuit de samedi, des cartes électorales». 12h35, Souk el-Gharb – Ville-martyr de la guerre libanaise : la participation est très faible et le panachage est de 50 %. 13h00, Choueifate – Les scrutateurs informent L’Orient-Le Jour qu’un émissaire du ministère de l’Intérieur a avisé vers 12h10 les différents chefs de bureaux que leur signature sur les enveloppes cachetées était indispensable. Et à Choueifate, c’est un petit panachage qui a eu lieu, selon les quelques personnes interrogées. Taux de participation à la mi-journée : 55 %. 13h40, Kfarchima – Le fief de Salah Honein et 13h45, Hadeth – celui de Pierre Daccache : dans les deux localités, le taux de participation n’est pas énorme. Les partisans des deux hommes, votants et scrutateurs, affichent leur optimisme. 14h00-15h00, Baabda et Hadeth – Où L’Orient-Le Jour rencontre successivement MM. Honein et Hélou. À Baabda d’abord, entre une jeune fille qui a perdu connaissance, les caméras de télévision et les centaines de délégués, l’on se rend compte que le taux de participation est minime et que le panachage faisait fureur. Salah Honein à l’école publique des filles de Baabda et Pierre Hélou à celle de La Sagesse-Brasilia de Hadeth sont assaillis de partisans. M. Hélou, dont des rumeurs autour de la démission de la liste de «l’Entente et le renouveau» circulaient bon train, affiche son dégoût devant «tant de méchanceté», rappelle que sa campagne «bat son plein», et qu’il a «bon espoir». 15h30, Furn el-Chebbak – Le fief de Antoine Ghanem : le taux d’abstention est de 75 %, les bureaux sont vides, l’ambiance entre les scrutateurs est au presque fou-rire. 15h45, Bourj el-Brajneh – C’est là que l’ambiance de campagnes électorales est à son paroxysme, les femmes chiites se sont mobilisées à fond, chacune défendant bec et ongles son chouchou – il y a même une espèce de M. Loyal en T-shirt blanc exhortant la foule à voter et pour Élie Hobeika et pour Ali Ammar. Le candidat de «l’Entente et le renouveau», Salah Haraké, joint par L’Orient-Le Jour au téléphone, résume bien la situation relative aux deux sièges chiites de Baabda : «Je pense que nous sommes presque à égalité, MM. Bassem el-Sabeh, Ali Ammar et moi-même». Quant à l’alliance Hobeika-Hezbollah, sa réponse est nette : «Je préfère que toute la liste passe». 16h15, Hamra – Siège de L’Orient-Le Jour… Les résultats définitifs seront pour demain.
Incroyable pays où les alliances contre-nature sont reines, où les coups de théâtre, peu ou prou prévisibles, vont jusqu’au bout. Incroyable pays où le pouvoir et la Syrie se mettent, concrètement – sur le terrain – au service de leurs candidats. Comment ne pas voir à court ou moyen terme – quatre ans ce n’est pas si long que cela – et se rappeler que c’est le...