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Actualités - REPORTAGES

Développement - Les problèmes écologiques s'accumulent et les instances concernées lancent un cri d'alarme Quelle protection pour les superbes sites du Liban-Sud ? (photos)

Des hectares de forêt ont été détruits par le feu des combats, le sol et le sable volés, les terres fertiles et les belles plages souillées, les carrières du fait accompli ont défiguré plusieurs secteurs du Sud libéré du joug de l’occupation israélienne. Mais il n’empêche : la brutale ouverture de cette zone au reste du pays a révélé des étendues de beauté sauvage, demeurées inexploitées dans une région généralement défavorisée, comme beaucoup de contrées lointaines, et transformée en zone de danger durant vingt-deux ans. Les problèmes environnementaux existent évidemment dans l’ex-bande frontalière, comme partout ailleurs. Mais la beauté naturelle de bien des endroits et la diversité écologique offrent des paysages à couper le souffle, avec ce zeste de nature sauvage qui devient si rare dans un Liban fortement urbanisé : des montagnes rocheuses et nues de Chebaa aux plaines interminables de la Békaa-Ouest, de la dense forêt de pins de Jezzine aux eaux encore limpides du Litani (au sud de Qaraoun), de la verdure de Marjeyoun aux plages serpentines de Naqoura, des terrains vagues, offerts à toutes les possibilités, aux oliviers sagement rangés en ligne presque droite… Le potentiel écologique de la région est considérable et le développement une nécessité. Faut-il plaider pour que le second s’inspire du premier au lieu de l’écraser à son profit ? «Le danger proviendra principalement du manque de planification, si celui-ci se confirme, estime Ali Darwiche, de l’association écologique Green Line. Une grande partie des habitants de la région, longtemps tenus à l’écart de leur ville ou village d’origine, voudront retourner chez eux et reconstruire leurs demeures. Sans plan directeur, on risque d’observer dans cette région les mêmes constructions chaotiques qu’ailleurs au Liban». Mais les constructions sans planification ne constituent pas, selon lui, la seule menace sur les belles étendues vertes de la région. «Un grand nombre de localités, à l’instar de Hasbaya (Békaa ouest), sont de nature rocheuse, poursuit M. Darwiche. La tentation est très grande d’y installer des carrières beaucoup plus nombreuses que celles qui défigurent déjà le paysage. Sans plan directeur et règles strictes, on risque le pire». Ses craintes sont fondées : à Habbariyé, au sud de Hasbaya (Békaa ouest), une carrière, bien visible par la route, aurait poursuivi, selon M. Darwiche, ses travaux, même après la libération et le retour de la légalité. Les travaux ont déjà gravement entaillé la montagne, mais l’Office de l’agriculture de Nabatiyé a pris une décision d’y interrompre les travaux, en raison de l’abattage illégal d’arbres (un grand nombre de pins a été coupé). «Les travaux n’ont apparemment pas cessé malgré la contravention, poursuit M. Darwiche. Si la situation était chaotique avant la libération, pourquoi l’État est-il toujours absent aujourd’hui ?». Ailleurs au Sud, de nombreuses carrières dans les régions rocheuses ont creusé des trous béants dans les montagnes surexploitées. Le plan directeur qui attend être appliqué dans le reste du pays s’étendra-t-il à la partie libérée du territoire ? Créer des réserves Une des mesures à prendre pour protéger les régions concernées, résiderait dans la classification de ces zones en tant que réserves. Pour l’instant, des initiatives se profilent à l’horizon. M. Nabih Hammoud, caïmacam de Jezzine (qui fait également office de président de municipalité), a annoncé son intention de demander la classification de quelques très belles régions de Jezzine. «Notre localité est encore très verte et elle est appréciée à ce titre», souligne-t-il. Il précise également qu’un plan directeur pour la ville de Jezzine et de certains villages voisins est au stade final de préparation. La forêt de pins de Bkessine (l’une des plus grandes au Moyen-Orient) est déjà classée zone protégée, selon lui. Il ne lui manque qu’un plan de gestion. Cependant, les problèmes écologiques existent bel et bien. La guerre et les combats qui se déroulaient quotidiennement dans l’extrême sud du pays ont indubitablement laissé leurs traces sur la terre. Malgré les beaux espaces verts qui recouvrent toujours une partie de cette région, des milliers d’hectares de forêt sont partis en fumée. Çà et là, les habitants montrent des plaines envahies par de mauvaises herbes jaunâtres racontant qu’elles étaient recouvertes d’arbres, jadis. Quelquefois, les explications sont inutiles : des moignons d’arbres calcinés renseignent sur la tragédie qui leur a coûté la vie. Souvent, les incendies étaient provoqués, au dire des habitants, par les forces d’occupation pour tenter de freiner l’avancée des résistants à travers les bois denses. Au village de Sojod, entièrement détruit par l’artillerie israélienne (les maisons ne sont plus qu’un tas de ferraille et de béton), un habitant revenu sur place raconte qu’il a eu de la peine à reconnaître la région tellement le paysage naturel avait changé. «Le poste israélien de Nabi Sojod se trouvait sur la colline d’en face, raconte-t-il. Les Israéliens ont brûlé tous les bois aux alentours pour empêcher les combattants du Hezbollah de s’y cacher. Des chênes très vieux ont été arrachés à l’aide de bulldozers». Les bois ne sont pas les seuls à avoir souffert de l’occupation. Des champs agricoles, abandonnés par leurs propriétaires, qui ont dû s’exiler à un moment ou à un autre, ont succombé à la négligence. Un autre facteur, de taille, a contribué à la dégradation des ressources forestières : les mines. Celles-ci jonchent de larges étendues, empêchent l’accès aux forêts, rendant impossible la lutte contre d’éventuels incendies. Arrêtez l’abattage chaotique des arbres ! Parallèlement, l’abattage des arbres risque de prendre de l’ampleur si le niveau de vie des habitants du Liban-Sud ne s’améliore pas. Un adolescent rencontré à Rcheif, un petit village de la zone centrale de l’ex-bande frontalière gravement endommagé par la guerre et l’abandon, raconte : «Des habitants de Beit Lif (un village voisin frappé par la pauvreté) abattent régulièrement des arbres aux limites de notre localité. Je les ai vus. Ils en ont besoin pour vivre». Selon certains habitants de Beit Lif, néanmoins, les forces de l’ordre seraient déjà intervenues pour empêcher les contrevenants de poursuivre leur activité. Il y aurait même eu un appel, dans la mosquée, pour la pénalisation des personnes coupables d’abattre des arbres. Selon eux, cette activité aurait cessé. Les incendies et les mines ne sont pas les seuls problèmes d’ordre écologique causés par l’occupation. La terre et même le sable des plages auraient été volés pour être transportés en Israël, comme l’affirment les habitants du Sud depuis longtemps déjà. Sur les plages de Naqoura, les traces de la subtilisation du sable sont bien visibles. Il faudra aujourd’hui songer à les préserver d’un autre danger : le développement anarchique qui a englouti le reste des plages du pays. D’autres rumeurs, non confirmées, font état de l’existence de déchets toxiques abandonnés par les Israéliens au Liban-Sud. En attendant de s’assurer de la vérité d’une telle rumeur, il est d’autres déchets, domestiques ceux-là, qui sont très facilement repérables. Çà et là, parfois au beau milieu d’un superbe paysage sur une route de montagne, un dépotoir sauvage, qui s’étend sur un flanc de colline, agresse le regard. Comme tous les Libanais, les Sudistes n’ont pas d’alternative acceptable pour se débarrasser des ordures qu’ils produisent quotidiennement, ce problème menaçant de devenir une source majeure de pollution. L’absence de solution satisfaisante affecte tout le pays, mais la question des déchets ne peut que s’amplifier avec l’augmentation prévue du nombre d’habitants au Liban-Sud. Les déchets et les réseaux d’égouts souvent inexistants menacent les ressources hydrauliques, particulièrement abondantes au Sud. Les villages sudistes (à part la ville de Jezzine et quelques rares régions) n’échappent pas à la règle : les eaux usées sont souvent évacuées par le biais de puits et finissent dans les nappes phréatiques. Une partie des fonds qui seront réservés au Liban-Sud serviront-ils à la création d’un réseau d’égouts, l’infrastructure dans notre pays se limitant souvent aux routes ? L’ex-bande frontalière s’est libérée d’une occupation de vingt-deux ans. Les problèmes écologiques n’y sont peut-être pas encore d’une extrême gravité. Cependant, qui pourra garantir que cette région ne se transformera pas, comme tant d’autres au Liban, en une vaste forêt de béton ?
Des hectares de forêt ont été détruits par le feu des combats, le sol et le sable volés, les terres fertiles et les belles plages souillées, les carrières du fait accompli ont défiguré plusieurs secteurs du Sud libéré du joug de l’occupation israélienne. Mais il n’empêche : la brutale ouverture de cette zone au reste du pays a révélé des étendues de beauté...