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Actualités - ANALYSE

Un renforcement relatif pour l'Est politique

Le retour sur la scène politique d’une figure de proue comme le président Amine Gemayel représente certes un événement. Mais bien évidemment, les rapports de force s’étant modifiés du tout au tout pendant ses 12 années d’absence, son come-back ne revêt pas d’ampleur vraiment nationale. Il aura été du reste, si l’on fait abstention des limites étroites dans lesquelles la guerre confinait son pouvoir, le dernier président à gouverner en monarque maronitique, suivant la formule de 43. Toujours est-il que pour l’Est politique, dont il fait encore partie, la présence du président Gemayel constitue un renforcement aussi certain que relatif. Certain parce que, globalement, le moral s’en trouve relevé, la fin de l’ostracisme frappant un tel leader pouvant signifier grosso modo la fin d’une longue traversée du désert pour ce camp politique. Et relatif parce que les cartes sont redistribuées à un moment particulièrement chaud, les élections. M. Gemayel en est conscient et il déclare à qui veut l’entendre ( pour le moment, tout le monde est à son écoute) qu’il aurait préféré débarquer dans une tout autre phase pour qu’on ne spécule pas trop sur la signification de son retour. L’ancien chef de l’État tient don apparemment à ne pas associer sa présence sinon aux développements électoraux du moins aux clivages, aux passions qu’ils suscitent. Il veut jeter de l’eau, pas de l’huile, sur le feu et son premier mot est «réconciliation». Une attitude apaisante qu’on peut d’autant mieux apprécier que son propre fils, Pierre, est candidat. Dans ce Metn effervescent où se livre, selon les poètes saddamiens locaux, «la mère des batailles». Mais le président Gemayel n’est pas en mesure d’empêcher certains d’essayer d’exploiter électoralement son retour. En insinuant sinon qu’il va s’allier à eux, du moins que sa présence est déjà une victoire pour les thèses qu’ils défendent. Une tentative de récupération tout à fait compréhensible. Car au Metn et dans les rangs Kataëb, tout compte fait, la stature Gemayel en impose. Faut-il rappeler, par exemple, qu’en un passage-éclair de quelques jours lors de l’édition de 92, l’ancien chef de l’État avait réussi à amener les Phalanges, très hésitantes, à se rallier au boycott ? Localement, dans sa région natale, sa présence en chair et en os a un fort impact électoral, aucun observateur n’en doute. Globalement aussi, il est possible que son retour redonne du mordant à une certaine frange de l’opposition anti-Taëf. Si tant est qu’il va faire de l’opposition, car son discours d’entrée en scène, au ton volontairement rassembleur, ne préjuge pas d’intentions hostiles au pouvoir en place. Ou aux décideurs. Sur le plan Kataëb, ce parti maintenant effiloché il faut bien le reconnaître, il est possible que M. Gemayel parvienne à remettre de l’ordre, à réunifier les rangs et à faire redémarrer la maison. Possible, mais nullement certain, car beaucoup trop d’eau a coulé sous les ponts et l’emprise Gemayel sur le parti, ou même sur l’ensemble des dissidents, n’est plus marquante. On aura ainsi noté ce non-geste extraordinaire : aucun cadre Kataëb de haut rang, aucun membre du bureau politique n’était présent à l’aéroport ou à Bickfaya pour accueillir le fils du fondateur ! Relancés à ce propos, certains militants expliquent que les apparatchiks en veulent à M. Gemayel pour le boycott de 92 qui les a privés du paradis parlementaire, auquel ils aspiraient, pour huit ans. Quoi qu’il en soit, l’initiative appartient maintenant à M. Gemayel. Certains Kataëb souhaitent que pour prouver sa neutralité, il prie son fils Pierre de retirer sa candidature. D’autres vont plus loin en priant pour que les voix que l’ancien président de la République peut encore contrôler au Metn aillent au chef du parti, M. Mounir Hajje, qui tente de décrocher un strapontin place de l’Étoile, éventuellement sur la même liste que le candidat PPS. Selon des tacticiens de salon, le prix à payer pour le retour de M. Gemayel serait le retrait de la candidature de son fils. Mais les proches des Gemayel jurent leurs grands dieux qu’il n’y a eu aucun bazar, aucune concession, aucune promesse pour permettre le retour. En laissant entendre que les autorités locales, après le couac des AE qui avaient cru pouvoir déconseiller à M. Gemayel de retourner, ont voulu se dédouaner en prouvant qu’elles n’avaient rien contre un tel retour. À ce compte-là, si on adopte la mode de la repentante tellement en vogue en Occident, il n’y a plus qu’à attendre le retour du général Michel Aoun. Les pouvoirs publics se laveraient ainsi les mains de toute accusation de discrimination politique.
Le retour sur la scène politique d’une figure de proue comme le président Amine Gemayel représente certes un événement. Mais bien évidemment, les rapports de force s’étant modifiés du tout au tout pendant ses 12 années d’absence, son come-back ne revêt pas d’ampleur vraiment nationale. Il aura été du reste, si l’on fait abstention des limites étroites dans...