Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

Arts du feu - Après l'émail et le vitrail, la céramique L'atelier Chéhab : oeuvrer pour que vive l'artisanat (photos)

Amale et Joseph Chéhab travaillent l’émail depuis 26 ans. Dans leur atelier de Hadath, ils se partagent les tâches : elle crée et assure une présence à l’atelier ; il s’occupe de l’innovation technique et de la commercialisation. Membre de la Chambre syndicale des ateliers d’art de France depuis 1984, la maison vend ses produits dans 80 magasins français et, depuis peu, dans sa nouvelle boutique à Achrafieh. Mais depuis quelques années, l’atelier s’ouvre peu à peu à d’autres arts. Après une expérience dans le vitrail, c’est au tour de la céramique. Le couple démarre enfin son projet initial, mis en veilleuse depuis 1980 : devenir un centre d’apprentissage des arts du feu. Et pour eux, l’artisanat qu’ils essayent d’instaurer doit toujours se greffer sur un patrimoine local. Les arts du feu, c’est l’art de vitrifier un corps, tous ces métiers qui permettent de transformer une matière par le passage au feu. En 1997, l’atelier Chéhab se lançait dans la fabrication de plaques de rues, opérant alors une jonction entre l’artisanat et l’industrie. Pour Joseph Chéhab, ce lien est «très important, en ce sens que l’artisanat peut donner un peu de lettres de noblesse à l’industrie, indique-t-il, tandis que l’industrie peut prêter à l’artisanat des moyens, des raccourcis et l’aider à se lancer en lui offrant une assistance technique». Pour les plaques de rue, les Chéhab avaient collaboré avec une des plus grandes fabriques d’émail au monde, la société Bayer, qui avait été intéressée, pour sa part, par leur côté touche à tout. «Il s’est crée entre nous une sorte d’échange technique», indique Joseph Chébab, la société Bayer offrant la mise au point de matières premières, et l’atelier Chéhab expérimentant ces dernières et les affinant dans le but d’aborder les marchés. Après avoir réalisé deux vitraux d’église – toujours avec l’aide de Bayer –, les Chéhab se sont tournés vers la céramique. «Nous avions envie de gagner du volume, de sortir des surfaces toujours planes de l’émail», expliquent-ils. Par ailleurs, il existe une tradition du travail de la terre au Liban : Rachaya el-Fakhar, essentiellement, est la ville-mère des potiers libanais. Dans le village de Asia, au nord de Batroun, on continu à produire de la poterie utilitaire. Beït Chabab était très connu pour ses très grandes jarres qu’on utilisait pour conserver la «mouné». La poterie de Khaldé se caractérisait par l’utilisation de l’eau saline qui avait un impact sur la production. À Jamhour, Samir Muller continue de créer et tente de rénover ce métier en donnant des cours et en initiant les jeunes… Travailler en autarcie Au fond, ce qui séduit Amale et Joseph Chéhab, c’est cette nouvelle occasion de créativité qu’offre la terre. «Nous retrouvons le plaisir que nous avions, il y a 26 ans, à découvrir une matière première», disent-ils. Le plaisir d’apprivoiser des doigts une matière locale, très humble, puis de l’enrichir peu à peu par de nouveaux modèles, ou par le raffinement des matières rajoutées. Avec une exigence constante d’une certaine qualité, le couple crée ainsi de beaux objets, utilitaires ou simplement décoratifs. Une chose que la guerre a apprise aux Chéhab, et qu’ils appliquent ici : le travail en autarcie. Acheter des pièces toutes faites ne les intéresse nullement. «Dans notre atelier, tout rentre à l’état de matière première la plus brute possible et sort à l’état de matière finie, la plus finie possible», affirment-ils. Ils travaillent donc les pâtes, les formes et les volumes, mais aussi les couleurs. En prenant tout leur temps. Joseph Chéhab a mis neuf mois pour créer un photophore, dont il a gravé le moule à la main. Résultat : une petite merveille de pièce, tout en finesse et en symboles, sur le thème du millénaire. «Côté réalisation, c’est une folie», dit-il. Mais le plaisir a été le plus fort. «Pouvoir fabriquer une pièce “en biscuit”, c’est-à-dire sans couverture vitrifiée, pratiquement diaphane, translucide, c’est un plaisir incroyable». L’atelier Chéhab utilise tous les types de céramique : terre cuite, faïence, grès, porcelaine. Les fours sont fabriqués sur place, par Joseph Chéhab lui-même. «La matière isolante et les résistances changent selon la production», explique-t-il. Pendant deux années, il a enseigné «l’artisanat au Liban» aux étudiants en tourisme de la faculté des lettres et des sciences humaines de l’USJ. «J’ai essayé de faire découvrir aux jeunes la richesse d’un patrimoine passé et de ranimer l’espoir en expliquant qu’il est possible de restaurer un certain nombre de choses», dit-il. Joseph Chéhab a également donné cette année quelques cours à «L’Université pour tous». «J’ai voulu faire passer ce message : si les métiers de l’artisanat comprennent certainement une part de théorie, ils sont surtout de la création humaine», souligne-t-il. Rencontres autour de l’artisanat L’atelier Chéhab accueille, depuis trois ans, des groupes d’élèves pour une visite des lieux. «Dans les écoles, il faudrait que les classes de sensibilisation à l’art soient autre chose que du dessin», souligne Joseph Chéhab. «Il faut imposer une approche plus concrète, plus primitive, de l’art». Et d’ajouter: «Le public doit être averti pour ne pas risquer d’être trompé. D’autre part, il ne faut pas laisser l’artisanat mourir de mauvaises imitations». À Achrafieh, 44, rue Fernaïné, les Chéhab ont acheté, il y a peu, une boutique de 55m2. Pour le moment, il s’agit d’une simple salle de ventes, mais les propriétaires souhaiteraient que cet espace devienne un lieu de rencontre pour les artisans, et qu’il serve aussi à faire le lien entre l’art et l’artisanat. Discuter, faire naître des projets… «Nous ne demandons pas mieux que de collaborer avec d’autres artisans ou artistes, soulignent-ils. «Nous ne sommes pas des génies, mais nous avons des idées, un certain savoir-faire et beaucoup de bonne volonté. En temps qu’artisans, il est dans notre intérêt de voir se multiplier les artisans, ajoutent-ils. Sans marcher sur les plates-bandes les uns des autres, nous pouvons nous unir pour que vive l’artisanat, le vrai».
Amale et Joseph Chéhab travaillent l’émail depuis 26 ans. Dans leur atelier de Hadath, ils se partagent les tâches : elle crée et assure une présence à l’atelier ; il s’occupe de l’innovation technique et de la commercialisation. Membre de la Chambre syndicale des ateliers d’art de France depuis 1984, la maison vend ses produits dans 80 magasins français et, depuis...