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Actualités - OPINION

Plaidoyer pour de véritables élections

Voilà donc que la routine électorale reprend ses droits. Les portraits des candidats, l’air confiant et suffisant, remplacent déjà les affiches publicitaires qu’on commence à regretter. Comme si de rien n’était. Comme s’il n’y avait jamais eu quinze ans de guerre, des centaines de milliers de morts, de blessés et d’émigrés, une économie en ruine… Tant qu’à faire, les résultats étant plus ou moins connus d’avance, quel est le candidat qui aura le courage de dire à son rival : «Le peuple se moque éperdument de ta mine réjouie. Donne à ton électeur une raison de rester au Liban et d’être concerné par la construction de son avenir». Le fait est que ce pauvre peuple est suffisamment lucide pour se rendre compte que les germes de toutes les guerres passées sont encore intacts ; que rien n’a encore été fait pour réaliser cette fameuse entente nationale dont on ne parle même plus. Les plus éclairés des responsables estiment en effet que le problème se limite désormais à quelques jeunes excités qui ne rêvent que d’une chose : rétablir Michel Aoun et Samir Geagea au pouvoir. La question est en réalité bien plus complexe. Le Libanais se demande toujours s’il peut fonder une famille sans trop de risques. En d’autres termes, il s’angoisse à l’idée d’une réédition des événements de 1840, 1860, 1958 et 1975. Pourquoi les communautés du pays persistent-elles à prendre les armes dès lors qu’elles se sentent en position de dominer ? Pourquoi aussi, à partir de 75, tant de Libanais se sont-ils engagés dans des milices en toute bonne foi, quitte à réaliser par la suite qu’ils s’étaient lourdement trompés ? La réponse à ces questions peut paraître dérisoire, elle n’en est pas moins cruciale : l’absence d’une mémoire collective, le fait que les Libanais souffrent d’une méconnaissance de leur histoire en tant que peuple. En effet, suivant la politique de l’autruche, l’État a toujours occulté les faits marquants dans l’histoire du pays sous prétexte d’éviter les dissensions confessionnelles. Les guerres druzo-chrétiennes du siècle dernier font ainsi l’objet de quelques lignes insipides dans les manuels scolaires, l’essentiel étant de n’incriminer aucune des deux parties au conflit. Et pourtant, comme dans toute guerre, les responsabilités sont partagées. Mais cela on ne le dira jamais, de peur d’offusquer telle ou telle autre communauté. C’est ainsi qu’avec leurs idéologies sectaires, les milices sont venues combler un immense vide dû à l’absence de données objectives sur le passé. L’anarchie prévaut dans l’enseignement de l’histoire et chaque instituteur chrétien, musulman ou druze la raconte à sa manière. Nous voilà donc exposés à tout moment à de nouvelles guerres civiles pour peu qu’une étincelle de l’extérieur vienne exacerber le sentiment d’appartenance confessionnelle des uns et des autres. La solution ne réside pas nécessairement dans l’élaboration d’un seul programme d’histoire mais peut-être dans la reconnaissance de l’histoire telle que perçue par chacune des communautés. En effet, en attendant d’abolir le confessionnalisme, ne vaut-il pas mieux légaliser un état de fait plutôt que d’en faire un instrument aux mains d’éventuelles milices plus ou moins bien intentionnées ? Évidemment, le problème des candidats est ailleurs et se résume souvent en quelques mots : «Ôte toi de là que je m’y mette». C’est de bonne guerre, mais à toi, électeur, de lui faire comprendre que là n’est pas ton principal souci.
Voilà donc que la routine électorale reprend ses droits. Les portraits des candidats, l’air confiant et suffisant, remplacent déjà les affiches publicitaires qu’on commence à regretter. Comme si de rien n’était. Comme s’il n’y avait jamais eu quinze ans de guerre, des centaines de milliers de morts, de blessés et d’émigrés, une économie en ruine… Tant qu’à...