Russie Le patron de presse Vladimir Goussinski inculpé pour escroquerie

Le magnat de la presse indépendante russe Vladimir Goussinski, en conflit avec le Kremlin et dont l’arrestation a fait scandale, a été officiellement inculpé pour «escroquerie» et assigné à résidence à Moscou, a annoncé hier un responsable du parquet cité par Interfax. M. Goussinski, incarcéré depuis mardi soir, est accusé d’avoir détourné plus de 10 millions de dollars lors d’une opération de privatisation remontant à 1997. Les défenseurs de M. Goussinski s’étaient déclarés confiants, hier matin, dans la libération prochaine de leur client, affirmant même que «les enquêteurs allaient le supplier de quitter la prison», après que le président Vladimir Poutine eut désapprouvé son arrestation, la jugeant «excessive». Des dizaines de journalistes et de photographes ont attendu la sortie du magnat de la presse devant la prison Boutyrki à Moscou, alors que les enquêteurs lui notifiaient formellement son inculpation. Plusieurs personnalités du monde politique étaient également présentes avec d’énormes bouquets de fleurs pour fêter sa libération attendue. Une amnistie votée en mai, qui concerne notamment les détenteurs de certaines décorations, permet à M. Goussinski, titulaire de l’Ordre de l’amitié entre les peuples pour son rôle à la tête de la branche russe du Congrès juif mondial, d’être libéré, selon ses avocats. Les défenseurs de M. Goussinski, qui considèrent l’homme d’affaires comme un «prisonnier politique», ont qualifié l’inculpation de «délirante». «C’est une attaque flagrante contre la liberté d’expression en Russie et sans précédent depuis le début de la perestroïka (1985)», a estimé Egor Iakovlev, rédacteur en chef du journal Obchtchaïa Gazeta. Le président russe a pris ses distances avec cette affaire, déclarant jeudi à Berlin, où il se trouvait en visite officielle, qu’elle n’était «pas de son ressort» et soulignant qu’il ne souhaitait pas influencer le cours de la justice. «Poutine a parlé de l’indépendance du parquet et ce dernier a voulu montrer qu’il l’était», a estimé Me Reznik. Le maintien en détention de M. Goussinski a poussé les rédacteurs en chef de son groupe Media-Most à demander audience à l’ex-président Boris Eltsine, dont le nom devient peu à peu synonyme des anciennes libertés actuellement «menacées».