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Actualités - REPORTAGES

Gisèle Azaour : la peur de cet autre qui me ressemble

Comment expliquer cette hostilité envers les homosexuels (les) ? Pourquoi se sent-on en Orient tellement menacés par cette communauté dont «l’unique délit» est d’être née avec des orientations sexuelles différentes, un phénomène qui ne date d’ailleurs pas d’hier. Encore moins dans le monde arabe, où tabous sexuels et abstinence constituent un facteur prédisposant à l’homosexualité, aux dires des experts. «Il ne s’agit certainement pas d’une mode. On ne devient pas homosexuel par hasard, on l’est ou on ne l’est pas», affirme Gisèle Azaour, thérapeute comportementaliste. «Il n’y a qu’à remonter l’histoire de l’humanité pour voir à quel point ce phénomène est omniprésent». La mode, dit-elle, c’est de parler plus ouvertement de sa sexualité et d’essayer de paraître tel qu’on est. Or, ce n’est pas le cas pour l’homosexualité, qui est un phénomène mal vu dans notre société. Il n’y a pas de quoi s’afficher. Rappelant que le refus de l’homosexualité par les «hétéros» est un phénomène quasi universel, Gisèle Azaour explique pourquoi, au Moyen-Orient, la réaction est plus virulente et le rejet catégorique. «C’est tout simplement parce qu’il est question de sexualité, et que tout ce qui se rapporte à la sexualité en Orient est tabou, y compris la sexualité dite normale. C’est avant tout un problème culturel», note-t-elle. Mais, ajoute-t-elle, le rejet de l’homosexualité comporte d’autres dimensions, à savoir une dimension psychique et sociale. «Nous vivons dans une société patriarcale, où la masculinité et la virilité sont extrêmement valorisées. D’où un refus plus prononcé pour l’homosexualité masculine que pour l’homosexualité féminine». Comment expliquer que cette dernière soit plus acceptée ? «La femme n’a rien à perdre sur le plan de la virilité. Elle n’a rien à prouver. Et même lorsqu’elle perd en féminité, cela reste moins scandaleux que dans le cas de l’homosexualité masculine», note la thérapeute. Selon elle, la majorité des Libanais sont des homophobes. Ils ont peur de l’homosexualité non seulement parce qu’elle menace leur propre masculinité, mais parfois, parce qu’inconsciemment elle suscite chez eux un mécanisme de défense contre leur propre sexualité. «Certains hommes sont d’autant plus agressifs envers les homos, qu’ils peuvent eux-mêmes cacher un désir latent pour les personnes du même sexe», affirme Mme Azaour. Conséquences pratiques : se sentant marginalisés, repoussés par les hétérosexuels, les «homos» y perdent en estime de soi et sombrent souvent dans des dépressions aiguës. «Beaucoup d’homosexuels viennent en thérapie, parce qu’ils sont précisément rejetés, et souffrent du regard négatif, condescendant que leur porte leur entourage. Certains viennent apprendre à mieux s’adapter à leur réalité, d’autres pour essayer de changer dans l’espoir de pouvoir un jour se marier. D’autres, enfin, viennent simplement pour traiter leur angoisse et apprendre à mieux vivre leur situation». Toute sa vie durant, l’homosexuel cherche à «sauver la face», à jouer un rôle qui soit adapté socialement, explique Mme Azaour. «Ils vivent leur réalité de façon névrotique, dans la mesure où ils sont en perpétuel conflit entre leurs propres pulsions et ce que la société attend d’eux. Ils vivent mal cet écart entre l’image qu’ils essayent de donner à leur famille et celle qu’ils vivent à l’intérieur d’eux-mêmes». Mais si l’homosexualité féminine est mieux acceptée, comment se fait-il qu’elle reste plus dissimulée que l’homosexualité masculine ? Aucune femme (lesbienne) n’a accepté de donner son témoignage durant l’enquête, aucune n’a voulu admettre son homosexualité. «La femme orientale est plus inhibée du point de vue sexuel, quelle que soit sa tendance et même si l’homosexualité féminine est, dans l’ensemble, plus tolérée». Bref, le malaise existe des deux côtés : d’un côté, les hétéros qui rejettent, par peur ou par «dégoût», une orientation sexuelle qu’ils considèrent «déviante». D’un autre côté, les homos qui, en plus de leur singularité, subissent le poids du regard qui pèse sur eux. Là, une remise en question s’impose. Et la tolérance semble être, une fois de plus, le remède par excellence à cette société en mal d’être.
Comment expliquer cette hostilité envers les homosexuels (les) ? Pourquoi se sent-on en Orient tellement menacés par cette communauté dont «l’unique délit» est d’être née avec des orientations sexuelles différentes, un phénomène qui ne date d’ailleurs pas d’hier. Encore moins dans le monde arabe, où tabous sexuels et abstinence constituent un facteur prédisposant...