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Actualités - REPORTAGES

Liban-Sud - La Chambre s'est réunie hier à Bint-Jbeil Mobilisation et manifestations pro-Amal(photos)

«Nous ne saisissons vraiment pas où se situe la contradiction entre la résolution 425 et le déploiement de l’armée dans la bande frontalière». Ce cri, c’est le député Nassib Lahoud qui l’a lancé hier, de Bint-Jbeil, au Liban-Sud, pour inciter l’État à dépêcher les forces régulières dans la bande frontalière. Tel un leitmotiv, ce thème a été repris par plusieurs parlementaires qui ont fait écho au député du Metn, pour exhorter le gouvernement à apaiser les craintes des Sudistes en déployant l’armée dans leur région. Pour eux, c’est la sécurité, la pacification dans une région qui a vécu 22 ans durant dans la tourmente, qui priment, qui sont à même de préserver cette «victoire» qu’est pour le Liban le retrait israélien inconditionnel de la partie méridionale du pays. Mais tous les parlementaires ne partageaient pas le même point de vue et le message communiqué par le bloc parlementaire du Hezbollah à l’État libanais et aux instances engagées dans une médiation pour résoudre le conflit territorial entre le Liban et l’État hébreu au sujet des hameaux de Chebaa, est on ne peut plus clair : non à la diplomatie ; oui au jihad islamique pour récupérer ces bourgades. Les propos du chef du bloc parlementaire de fidélité à la résistance (Hezbollah), cheikh Ibrahim Amine el-Sayyed, font l’effet d’une bombe dans l’amphithéâtre de l’école secondaire de Bint Jbeil, transformé l’espace de trois heures en salle de réunion parlementaire. Non seulement ils sont à l’antipode de la position officielle du Liban qui privilégie la solution diplomatique au conflit sur Chebaa, mais ils dament le pion au mouvement Amal dont c’était, hier, «La» journée au Liban-Sud. De Msyaleh, lieu de résidence de son chef, le président de la Chambre, M. Nabih Berry, jusqu’à Bint-Jbeil, qui accueillait pour la première fois les représentants du peuple, les drapeaux d’Amal et les banderoles rendant hommage au «héros de la Résistance, le fils de l’imam Moussa Sadr, le président Berry» flottaient partout et éclipsaient ceux, pourtant nombreux, du Hezbollah. Rassemblés en petits groupes dans les villages traversés par le convoi du président de la Chambre, les partisans d’Amal suivront ce dernier jusqu’à Bint Jbeil, où une véritable fête est organisée sur la place de la ville. À croire que tous les habitants du Liban-Sud, petits et grands, se sont donné rendez-vous dans ce coin, pour danser la dabké au son de chants folkloriques et révolutionnaires et accueillir «le président». Pour l’occasion, toutes les écoles ont fermé leurs portes. Berry : Cheikh Nasrallah me représente et vice-versa Du coup, la réunion parlementaire qui est principalement sensée refléter la solidarité de la Chambre avec les habitants de la zone évacuée par les Israéliens devient l’occasion d’un immense rassemblement populaire à la gloire d’ Amal. Un rassemblement à connotation électorale quand même. Il ne faut pas oublier que les Législatives sont prévues dans moins de trois mois et qu’il est important, aussi bien pour Amal que pour le Hezbollah de montrer, chacun, qu’il bénéficie d’une assise populaire importante. S’agit-il d’une coïncidence ? Ce n’est que deux jours après l’imposant meeting oratoire organisé, vendredi dernier à Bint-Jbeil, par le Hezbollah, en présence de son secrétaire général, cheikh Hassan Nasrallah, que le président de la Chambre a convoqué une réunion parlementaire dans la même ville. «Je sais ce qu’on dit à ce sujet. Mais croyez-moi, cheikh Nasrallah me représente tout comme je le représente. Si j’ai tenu à ce que la réunion parlementaire ait lieu à Bint-Jbeil, c’est tout simplement parce qu’ à la demande du (Premier ministre israélien, Ehud Barak) le Parlement israélien avait tenu une réunion extraordinaire en Galilée», expliquera-t-il à Khiam, durant sa tournée des villages frontaliers. La réunion est consacrée au plan de développement du Liban-Sud. Prévue à 10h 30, elle commencera avec 40 minutes de retard. Arrivé à 10h à Bint-Jbeil, M. Berry a du mal à se frayer un chemin dans la foule qui ceinture son convoi. Des milliers de personnes sont là. Tous veulent l’approcher, lui parler, le toucher, l’embrasser. Quadrillé par des agents des FSI et des scouts d’al-Rassoul, M. Berry poursuivra à pied et sous une pluie de roses et de riz, le chemin en pente abrupte qui mène à l’école où une centaine de députés l’attendaient. Parmi eux, M. Habib Hakim qui fait une entrée très remarquée. Soupçonné de dilapidation de fonds publics dans l’affaire dite de l’incinérateur de Bourj Hammoud, le député a été récemment libéré sous caution. Affaibli, mais souriant, il embrasse ses collègues un à un avant de reprendre sa place dans les rangs des parlementaires. Les caprices de l’électricité La séance est ouverte à 11 heures en présence du président du syndicat des rédacteurs Melhem Karam et du vice-président de l’Ordre de la presse Georges Skaff et de plusieurs autres invités. Une minute de silence est observée à la mémoire des martyrs de la résistance avant que les chefs du Parlement et du gouvernement ne prononcent chacun son discours, dans une salle semi-obscure. L’électricité, assurée grâce à un générateur, est des plus capricieuses et les quelques vieilles lampes accrochées au plafond ne parviennent pas à éclairer le vaste amphithéâtre bondé. Lorsque le ministre de l’Intérieur Michel Murr prend la parole, le courant est rétabli. M. Murr explique le plan de sécurité mis en vigueur dans la bande frontalière. «Nous avons fait en sorte que le déploiement des FSI ne soit pas perçu comme une tentative de les mettre en situation de confrontation avec les habitants et la résistance.» Concernant les mines, les gendarmes sont chargés de tenir la population à l’écart des lieux à risque, poursuit-il. De son côté, l’armée a commencé les opérations de déminage au niveau des artères principales ainsi que dans les secteurs où les travaux d’infrastructure sont entrepris. M. Murr expose aussi le plan de travail de la commission qu’il préside et qui est chargée de parer aux besoins les plus pressants de la population au Liban-Sud : «Le plan d’urgence mis en place prévoit l’octroi d’avances d’un montant global de 50 milliards de livres aux Sudistes dont les habitations ont été entièrement ou partiellement détruites». Durant les prochains jours, l’eau sera assurée à la région grâce à des camions-citernes. Entre-temps un projet d’adduction d’eau à partir des sources et des puits de la bande frontalière sera en cours de préparation. Il permettra d’approvisionner la région pour une période d’un mois, mais ce n’est que dans trois mois que l’eau sera assurée normalement aux Sudistes. Prenant ensuite la parole, l’ancien chef du gouvernement Rafic Hariri, un des ténors de l’opposition, appelle le Cabinet à assumer pleinement ses responsabilités pour «préserver la victoire enregistrée sur Israël», avant de mettre en garde contre toute tentative «de faire prévaloir les intérêts personnels et communautaires sur l’intérêt national». Mais le point le plus important de son discours est incontestablement l’appel à la coopération entre les deux courants loyaliste et opposant. «Les opposants et les loyalistes sont tous deux les partisans et les défenseurs d’une même cause», dit-il. M. Hariri appelle au retrait de l’État hébreu des hameaux de Chebaa : «Aux Israéliens, nous disons qu’une occasion en or se présente à eux pour instaurer une paix globale». Le vice-président de la Chambre, M. Élie Ferzli, invite ses collègues à adopter une recommandation précisant expressément qu’une paix juste et globale ne saurait être réalisée qu’après le retour de tous les réfugiés palestiniens dans leur pays, alors que M. Nassib Lahoud axera son intervention sur le déploiement de l’armée dans la bande frontalière, auquel il appelle avec insistance. Le député du Metn se dit surpris par la «philosophie» du gouvernement, et note que les habitants de la bande frontalière vivent dans la crainte de lacunes au niveau de la sécurité et d’une dégradation de leur situation socio-économique. Il déplore le retard dans le déploiement de l’armée en même temps que la décision du gouvernement d’isoler, pour des raisons sécuritaires, cette région du reste du pays. À ses yeux, de telles mesures risquent de déboucher sur des résultats contraires à ceux escomptés : «Nous craignons que ces mesures n’approfondissent les craintes de la population, ne renforcent son sentiment de solitude et ne ralentissent le processus de retour à la normale» au Liban-Sud. Une contradiction ? Et d’insister : «Nous ne comprenons vraiment pas où se situe la contradiction entre les dispositions de la 425 et le déploiement des forces régulières dans cette région». Rappelant le texte de cette résolution du Conseil de sécurité, M. Lahoud indique qu’Israël s’est retiré sans confier les secteurs évacués à la Finul. «Il est de notre droit de nous interroger sur l’intérêt d’une décision qui consiste à attendre que les forces multinationales de paix confient aux forces régulières la sécurité de villages déjà libérés. Ce volet de la 425 est dépassé par les événements», fait-il valoir. Le même appel au déploiement de l’armée est lancé par MM. Khalil Hraoui et Boutros Harb. D’autres députés, qui n’ont pas eu le temps de prononcer leurs allocutions respectives, comme MM. Georges Kassardji, Camille Ziadé et Nayla Moawad, développent la même idée. Aucune réaction de la part du gouvernement. Outre l’envoi de l’armée au sud du pays, M. Harb abordera le dossier des membres de l’ex-ALS qui s’étaient rendus aux autorités. Tout en soulignant qu’il ne les défend pas, il estime que les conditions dans lesquelles les habitants de la bande frontalière ont vécu 22 ans durant doivent être prises en considération durant, leur jugement. Quelques minutes plus tôt, cheikh Ibrahim Amine el-Sayyed, critiquait vivement les autorités judiciaires, sans les nommer, parce qu’elles ont récemment libéré sous caution 30 éléments de l’ALS. «La Résistance n’a pas tenté de se substituer aux autorités. Si elle a épargné les collaborateurs, c’est par respect pour l’État. Nous demandons maintenant à l’État de se respecter et de ne pas faire preuve de clémence, mais de justice», tonne-t-il. Après avoir indiqué que la Résistance restera «aux aguets» à la frontière le député du Hezbollah, souligne que «ce n’est pas la diplomatie qui libérera les hameaux de Chebaa». «La Résistance se poursuivra par “le Jihad islamique” pour libérer cette terre. L’Onu et ses résolutions n’ont rien à voir dans cette affaire. Du moment que le gouvernement a annoncé que ces hameaux appartiennent au Liban, cette région sera donc le dernier champ de bataille de la résistance», dit-il presque en hurlant, le poing levé. Il s’en prend ensuite avec une virulence particulière au gouvernement, fustigeant son plan de développement envisagé pour le Liban-Sud : «La population de cette région mérite mieux. Ce que vous proposez est valable pour un village. Nous ne sommes ni des sans-abri ni des mendiants. Ce que nous voulons c’est un programme de développement global qui s’étende du sud au nord du pays, en passant par la Békaa». Le député a d’autres revendications : il souhaite que l’État verse une pension aux familles des détenus dans les prisons israéliennes et des martyrs de la Résistance. Il espère aussi que le programme de retour des déplacés englobe également ceux du Liban-Sud. Les allocutions se suivent et ne se ressemblent pas. Au nom du bloc parlementaire de M. Walid Joumblatt, le député Akram Chéhayeb, appelle à la création d’un ministère du Liban-Sud et juge nécessaire la création d’un Fonds international pour le développement du sud du pays. La liste de députés qui doivent prendre la parole est longue, mais le temps presse. La séance est levée à 13h40, sur cette promesse du président de la Chambre : tenir une deuxième réunion consacrée au Liban-Sud. Mais on n’a qu’une idée en tête : demander au chef du gouvernement de commenter les propos du député Ibrahim el-Sayyed sur Chebaa. Pour toute réponse, M. Hoss hoche la tête et fait un signe de la main pour dire qu’il ne veut pas parler. Alors que les membres du gouvernement regagnent Beyrouth, M. Berry, accompagné d’un groupe de parlementaires et de journalistes, entame sa première tournée dans la bande frontalière après le retrait israélien : Aytaroune, Blita, Mays el-Jabal, Houla, Adayssé dont les terres auraient été grignotées par les Israéliens ; Kfar Kila, Qlaya, Khiam, Marjeyoun, Jezzine. On apprend que partout où il est passé, le chef du Parlement a été accueilli en «héros de la résistance». En effet, il n’a pas été possible aux journalistes qui l’accompagnaient d’assister à l’accueil que les villageois lui réservaient. Et pour cause : faute de coordination entre les organisateurs de la tournée et faute d’avoir une escorte – deux motards et une Jeep des FSI accompagnaient partout le bus des journalistes et leur ouvrait le chemin – originaire de la région, les correspondants de presse ont été tout simplement emmenés sur des routes dans le sens contraire à celui emprunté par le chef du Législatif. Ils réussiront à le rejoindre à Khiam où il est resté presqu’une heure. Une foule au bord de l’hystérie l’acclame, brandissant les drapeaux d’Amal et des portraits de l’imam Moussa Sadr. «Marche, marche, Nabih, nous te soutenons pour libérer le pays». De nouveau perdus, les journalistes le rattraperont une deuxième fois à Jezzine où il prononce un discours dans lequel il appelle à la suppression des permis d’entrée à la bande frontalière, pour que le Liban ne forme plus qu’une seule unité. M. Berry exhorte ensuite les anciens soldats de l’ALS qui se sont réfugiés en Israël à rentrer au pays. «Le Liban est plus clément et plus juste. Il sera plus fort en votre présence», déclare-t-il sur le perron de l’Hôtel de Ville de Jezzine, derrière étape de sa tournée. Il avait lancé le même appel à Marjeyoun où il s’est entretenu avec l’évêque grec-orthodoxe, Mgr Elias Kfoury. Partout où il a été, M. Berry a harangué la foule, plaidant en faveur de la consolidation de l’unité nationale :»Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. N’oubliez pas que si l’ennemi a pu s’introduire chez nous, c’est parce qu’il avait réussi à nous diviser»
«Nous ne saisissons vraiment pas où se situe la contradiction entre la résolution 425 et le déploiement de l’armée dans la bande frontalière». Ce cri, c’est le député Nassib Lahoud qui l’a lancé hier, de Bint-Jbeil, au Liban-Sud, pour inciter l’État à dépêcher les forces régulières dans la bande frontalière. Tel un leitmotiv, ce thème a été repris par...