Diplomatie - Pas de conditions à l'aide de l'UE au Liban, assure Moratinos L'Europe parrainera une réunion de bailleurs de fonds pour le Sud

Le coordinateur de l’Union européenne pour le processus de paix au Proche-Orient, Miguel Angel Moratinos, a indiqué hier à Beyrouth avoir informé le gouvernement libanais que l’UE avait l’intention de parrainer bientôt une réunion de collecte de fonds pour aider à la reconstruction du Liban-Sud. M. Moratinos a assuré que les Quinze ne posaient «aucune condition» aux autorités libanaises pour octroyer cette assistance. Arrivé mardi à Beyrouth, l’émissaire européen s’est entretenu hier en matinée avec le chef du gouvernement Sélim Hoss et devait être reçu plus tard à Baabda par le président de la République Émile Lahoud. À sa sortie du Grand Sérail, M. Moratinos a indiqué dans une déclaration à la presse avoir informé M. Hoss qu’un pays membre de l’UE, sans préciser lequel, appellera les bailleurs à une réunion afin d’examiner le montant et la nature de l’aide qui sera apportée. À noter que la présidence tournante de l’UE est actuellement assurée par le Portugal et reviendra au 1er juillet à la France. «Notre principal objectif est de savoir comment contribuer à la nouvelle réalité au Liban-Sud notamment par le biais du financement de projets à court et à moyen terme, permettant à la population de la région de ressentir les changements sur le terrain», a déclaré M. Moratinos, qui a estimé que l’évacuation par Israël de la bande frontalière est un «pas en avant sur la voie d’une paix globale au Proche-Orient». Interrogé sur le point de savoir si l’UE posait des conditions pour octroyer cette aide, l’émissaire a répondu : «Absolument pas. L’Europe souhaite seulement examiner avec les autorités libanaises les meilleurs moyens d’employer (cette assistance). Elle a une volonté forte d’aider le Liban et son peuple en cette période cruciale de son histoire. Cela a été dit par tous les États membres de l’UE». «L’Europe a envoyé un message politique, elle est aux côtés des autorités libanaises et du peuple libanais et désire leur permettre d’aller vite après 22 ans de tragédies et de misères», a-t-il insisté. Au cours de l’entretien, M. Hoss a salué les relations entre le Liban et les États de l’UE et remercié cette dernière pour ses efforts en faveur de ce pays, a-t-on indiqué de source gouvernementale. Plus tard, après son entrevue avec le chef de l’État, M. Moratinos a réaffirmé «l’engagement politique, économique et financier de l’Europe vis-à-vis de la nouvelle situation au Liban». Il a indiqué avoir examiné avec M. Lahoud «les mesures que l’UE pourrait entreprendre pour faciliter une réhabilitation (du Liban-Sud) le plus rapidement possible». « Maturité des autorités et de la population » Émettant l’espoir que la confirmation du retrait israélien par les Nations unies intervienne d’ici à la fin de la semaine, l’émissaire s’est par ailleurs dit «satisfait» de la «maturité» dont ont fait preuve «les autorités, les groupes politiques et la population» après le départ des soldats de l’État hébreu, tout en faisant état de «quelques problèmes en suspens» retardant la pacification totale du Liban-Sud. En outre, M. Moratinos a indiqué avoir informé M. Lahoud des démarches qu’entreprend l’Union européenne pour «favoriser (la reprise) du dialogue entre Israël et la Syrie». «La paix globale reste toujours le principal objectif de la politique de l’UE dans la région», a-t-il souligné. Évoquant la question des réfugiés palestiniens au Liban, il a estimé que leur situation constituait «un élément qu’on ne doit pas oublier dans le nouveau contexte politique créé au Liban-Sud». Interrogé sur les priorités et les modalités de l’aide européenne au Liban-Sud, M. Moratinos a souligné la nécessité d’un plan susceptible d’assurer tout d’abord «les conditions minimales» répondant aux besoins de la population, c’est-à-dire les infrastructures, et ensuite de permettre des créations d’emplois et de fournir des opportunités d’investissements dans la région. À cet égard, a-t-il poursuivi, «il faut choisir les priorités, les secteurs qui feront appel au potentiel économique et humain» du Liban-Sud. «C’est dans cet esprit que l’UE et la commission européenne travaillent de concert avec l’Onu». «Efficacité, transparence et rapidité sont les trois éléments qu’on doit apporter à cette aide à la reconstruction et à la réhabilitation du Liban-Sud», a-t-il conclu. M. Moratinos, qui a par ailleurs rencontré l’ambassadeur des États-Unis à Beyrouth David Satterfield, devait se rendre par la suite au Liban-Sud pour une tournée comprenant notamment le quartier général de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), à Naqoura. L’émissaire avait annoncé mardi la «prochaine» venue à Beyrouth du représentant de la diplomatie européenne, Javier Solana, qui doit définir «l’importance de l’engagement de l’UE dans sa coopération avec le Liban à ce moment crucial de son histoire». M. Moratinos, qui doit encore se rendre en Israël, avait été précédé à Beyrouth par des experts européens venus évaluer les besoins de reconstruction du Liban-Sud. Au sujet de sa visite en Israël, l’émissaire de l’UE a déclaré hier à l’AFP qu’il allait y discuter notamment des détenus libanais, y compris cheikh Abdel Karim Obeid et Moustapha Dirani. Vingt Libanais sont détenus en Israël, selon le comité de défense des prisonniers libanais. Israël étudierait l’opportunité de les libérer. Dix-huit sont condamnés à des peines de prison. Les deux dirigeants chiites Obeib et Dirani, enlevés au Liban par des commandos israéliens respectivement en 1989 et 1994, sont en détention administrative. Les deux hommes sont gardés comme monnaie d’échange, Israël réclamant des informations sur le sort de soldats israéliens portés disparus au Liban dans les années 1980, parmi lesquels l’aviateur Ron Arad.