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Actualités - OPINION

Un patriote libanais

Pourquoi la mort de Raymond Eddé a-t-elle soulevé une émotion aussi profonde parmi les Libanais ? Comment expliquer le témoignage unanime qui lui a été rendu par ses concitoyens, toutes communautés confondues, le plus émouvant étant celui de Walid Joumblatt ? Que représentait donc cet homme qui est revenu dans son pays natal après 25 ans d’exil ? Un chef de parti ? Un leader charismatique ? Un démocrate convaincu ? Un homme de courage et de principe ? Raymond Eddé était avant tous un patriote libanais. L’expression peut sembler désuète à notre époque, celle de la fin des États-Nations et de la mondialisation. Mais dans notre cas qui est celui d’un pays dont l’identité nationale est constamment remise en question, y compris par ceux-là mêmes qui le gouvernent, le patriotisme est plus que jamais une qualité requise. Raymond Eddé était un patriote. – Il l’était parce qu’il avait compris que l’unité nationale était la condition essentielle au maintien de l’indépendance et de la souveraineté nationales et que toute atteinte à cette unité ne pouvait entraîner, à terme, que l’occupation du pays et la mise sous tutelle de l’État. Il avait également compris que cette unité nationale ne pouvait pas être imposée par la force et que seul le respect de la démocratie permettait de fonder la convivialité islamo-chrétienne sur des bases solides. Et c’est à cause de cette conviction profonde que le chef du BN s’est opposé à la création des milices et s’est retrouvé, de ce fait, en rupture avec le Front libanais qui représentait, à l’époque, le courant majoritaire au sein de sa communauté. – Il l’était aussi parce qu’il avait perçu la menace que représentait Israël pour l’avenir de la démocratie et de la convivialité au Liban. Il avait été un des rares à s’opposer à l’accord du Caire non pas tant par hostilité à la Résistance palestinienne, que pour ne pas donner aux Israéliens le prétexte qu’ils recherchaient pour déstabiliser le pays et provoquer son éclatement. – Il l’était également parce qu’il s’était opposé à la présence syrienne au Liban, mais sans jamais toutefois miser sur les Israéliens pour chasser les Syriens, faisant en permanence, même dans les moments les plus difficiles, la distinction entre l’occupation israélienne et la présence syrienne dont il avait été pourtant l’une des premières victimes. – Il l’était enfin parce qu’il avait toujours estimé que l’unité nationale, l’indépendance du Liban et la souveraineté de l’État étaient étroitement liées et qu’il était faux de penser qu’il était possible de réduire le patriotisme à la taille des intérêts personnels ou partisans en occultant une de ces trois dimensions qui le constituent. Le parcours de Raymond Eddé n’a pas été facile et l’hommage tardif des Libanais ne doit pas nous faire oublier que l’homme a longtemps été critiqué. Tout d’abord par ses coreligionnaires pour ne pas avoir cédé à la tentation de la violence et porté les armes. Ensuite par les hommes au pouvoir pour ne pas avoir fait preuve de «réalisme» et accepté le fait accompli de la «paix syrienne». Enfin par tous ceux qui, à la recherche d’un chef providentiel, voulaient le réduire au statut de meneur politique. Or, depuis longtemps déjà, Raymond Eddé n’était plus un homme politique. Il l’a été quand le Liban était encore une république indépendante. Mais depuis 1976 et durant un quart de siècle, il a voulu incarner la conscience malheureuse des Libanais – comme l’a souligné hier le patriarche Sfeir – et tenté d’exprimer à voix haute ce que l’ensemble de ses concitoyens ne savaient pas formuler ou n’osaient pas dire. Il a refusé de s’engager dans le jeu politique pour préserver sa mission de porte-parole d’une nation en lutte pour sa survie. L’homme a rempli sa tâche. Il l’a fait dans la solitude, avec la conviction jamais démentie que le droit doit primer la force. Cet homme juste peut désormais reposer en paix.
Pourquoi la mort de Raymond Eddé a-t-elle soulevé une émotion aussi profonde parmi les Libanais ? Comment expliquer le témoignage unanime qui lui a été rendu par ses concitoyens, toutes communautés confondues, le plus émouvant étant celui de Walid Joumblatt ? Que représentait donc cet homme qui est revenu dans son pays natal après 25 ans d’exil ? Un chef de parti ? Un...