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Actualités - REPORTAGES

Frontières - 1200 familles attendent que leurs terres leur soient restituées Les fermes de Chebaa, un problème remontant aux années 60, méconnu des libanais (photos)

Les tractations politico-diplomatiques entreprises ces derniers jours au plus haut niveau international dans la perspective du prochain retrait israélien ont remis sur le tapis un problème épineux qui demeure en suspens depuis plus de trente ans : celui des fermes de Chebaa. Ce dossier a été l’un des principaux sujets de controverse apparu lors de la mission effectuée la semaine dernière par l’émissaire de l’Onu, Terjé Roed-Larsen. L’un des points soulevés par M. Roed-Larsen au cours de ses entretiens à Beyrouth était de savoir si la zone des «fermes de Chebaa» appartient au Liban ou à la Syrie. Une question longtemps négligée mais qui est, aujourd’hui, lourde de conséquences dans le contexte régional actuel, marqué par le processus de paix et le prochain retrait israélien. Le fait même de soulever la question de savoir si les fermes de Chebaa sont (historiquement) en territoire libanais ou syrien a sans doute surpris nombre de Libanais. En quoi consiste donc ce problème ? Quelle est son origine et à quand remonte-t-il exactement ? La localité de Chebaa et le secteur connu sous le nom des «fermes de Chebaa» sont situés dans la région du Arkoub, au Liban-Sud, plus précisément dans une zone qui est à cheval sur le Liban, Israël et la Syrie. Le terme «fermes» utilisé dans le cadre de cette affaire porte quelque peu à confusion. Il s’agit plutôt de «hameaux», si l’on se place dans la terminologie occidentale. Selon les habitants du Arkoub, l’ensemble de ces hameaux totalise une superficie de 200 kilomètres carrés. Cette évaluation est toutefois jugée exagérée par certains experts. La région en question était habitée par 1 200 familles, dont 600 seulement restaient sur place durant la période d’hiver. Les titres de propriété disponibles font état, d’autre part, de 1 000 autres familles qui faisaient gérer leurs terrains, essentiellement agricoles, par les paysans de la région. Les fermes de Chebaa initialement répertoriées sont au nombre de 14. Elles se situent dans le sud-est du Arkoub et leurs terres s’étendent du sommet de Zalka (2669 mètres d’altitude, soit le second plus haut sommet de l’Anti-Liban) jusqu’à la plaine de Houlé, au niveau d’un monticule appelé Tal al-Kadi . Cet espace fait (dans le sens nord-est et sud-ouest) près de 25 kilomètres de long avec une moyenne de 8 kilomètres de large. Il relie le village de Kfar Chouba, au nord, au village de Jabbanet al-Zayt, au sud. La zone englobant ces hameaux (qui appartiennent administrativement au caza de Hasbaya) est une région principalement agricole. Les flancs des collines sont couverts par d’importantes forêts de chênes, de chênes à galles, de pistachiers térébinthes et d’azeroles . Les habitants du secteur évoquent en outre avec fierté la forêt de Machhad al-Tayr qui veillait sur un ancien sanctuaire (détruit par Israël) qui avait été érigé, à en croire la rumeur populaire, en hommage au prophète Abraham . Cette richesse forestière avait permis aux habitants de ces hameaux d’entretenir un important cheptel comprenant des troupeaux de chèvres, de moutons, de bœufs et de chevaux. Les statistiques publiées par le comité de défense des citoyens d’Arkoub, formé au lendemain de l’occupation de 1967, indiquent que les chèvres, traditionnellement les plus nombreuses dans les montagnes libanaises, avaient atteint le nombre de 100 000 têtes dans la région en question, parallèlement à 5 000 moutons et boeufs et 1 500 chevaux . La région est également riche en vestiges archéologiques, avec de nombreuses cavernes et de multiples sarcophages parsemés un peu partout dans la nature. Le poste de gendarmerie syrien Avant la guerre de juin 1967, un poste de gendarmerie syrien se trouvait dans le secteur des fermes de Chebaa, sous prétexte de lutter contre la contrebande qui s’effectuait dans une région constituant un triangle frontalier, à cheval sur le Liban, Israël et la Syrie. Tout le problème posé actuellement par l’affaire des «fermes de Chebaa» trouve son origine dans l’existence de ce poste de gendarmerie syrien en territoire libanais. De fait, lorsque les Israéliens occupèrent le Golan en juin 1967, ils prirent position également, dans la foulée de leur offensive, dans ce secteur des fermes de Chebaa, à la limite de la frontière libano-syrienne. Depuis, l’État hébreu considère que ce secteur qu’il occupa en juin 1967 est un territoire syrien, puisqu’il était alors contrôlé par une unité de gendarmerie syrienne. En clair, le contentieux lié à cette portion de territoire devrait être réglé, aux yeux des Israéliens, dans le cadre des négociations israélo-syriennes et sur base de la résolution 242 du Conseil de sécurité et non pas conformément à la 425, puisque la région en question a été occupée en 1967 et non en 1978 (date de l’adoption de la résolution 425). Ce point précis a été au centre des derniers entretiens de M. Roed-Larsen avec le président Émile Lahoud et le Premier ministre Sélim Hoss, la semaine dernière. Le pouvoir a rejeté sans détours l’argumentation israélienne concernant cette affaire. Il a fourni à ce sujet des titres de propriété qui attestent que la zone des fermes de Chabaa était bel et bien située en territoire libanais. Le président Lahoud a d’ailleurs demandé à l’émissaire de l’Onu de se faire confirmer officiellement par les dirigeants syriens eux-mêmes que le secteur en question appartient au Liban et non à la Syrie. Dans le contexte régional présent, le pouvoir ne devrait pas avoir trop de difficultés à se faire restituer cette portion de territoire laissée aux oubliettes pendant plus de trente ans. Pour le Liban, il ne s’agit pas uniquement de recouvrer sa souveraineté sur cette région mais aussi, et surtout, de récupérer une vaste richesse forestière et des vestiges archéologiques inestimables dont l’intérêt ne manquera de se faire sentir lorsque la paix globale provoquera un boom touristique à l’échelle de la région.
Les tractations politico-diplomatiques entreprises ces derniers jours au plus haut niveau international dans la perspective du prochain retrait israélien ont remis sur le tapis un problème épineux qui demeure en suspens depuis plus de trente ans : celui des fermes de Chebaa. Ce dossier a été l’un des principaux sujets de controverse apparu lors de la mission effectuée la semaine dernière...