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Actualités - CHRONOLOGIE

Société - Mauvais goût très sûr Un nain dans votre jardin

Les nains de jardin, dont 2 000 sont exposés ce printemps dans un château près de Paris, sont l’objet de toutes les convoitises, de la famille de banlieue au grand couturier, en passant par leurs «libérateurs». Ces derniers, regroupés au sein du «Front de libération des nains de jardin» à l’origine de nombreux «enlèvements» de nains dans les jardins, ont fait disparaître le week-end dernier 20 de ces homoncules. Ils veulent «déridiculiser les nains de jardin et les rendre à leur milieu naturel, la forêt qu’ils n’auraient jamais dû quitter». Simple blague de potaches au départ, le FNLJ a essaimé en France et à l’étranger depuis quatre ans et revendiqué plusieurs dizaines d’actions, allant du «suicide collectif» à un «lâcher de nains» ou leur alignement dans un stade juste avant un match de football. Cette fois, l’organisation a exigé «la fermeture immédiate de cette odieuse exposition» et «la remise en liberté sans condition des nains de jardin toujours détenus». Les sourires radieux des trolls et autres Tom Pouce sculptés qui envahissent le parc et le château de Bagatelle, près de Paris, jusqu’au 23 juillet, ne donnent cependant pas l’impression de souffrir de ce «milieu carcéral». Vautrés à travers le parc soigneusement entretenu et dans la célèbre roseraie, les personnages en plastique, en pierre ou en faïence, et même en buis, n’ont par l’air dépaysés dans ce château du XVIIIe siècle, plus habitué à accueillir dans ses murs des expositions de Henry Moore, d’art nouveau viennois ou de subtiles compositions florales japonaises. Choc visuel Les organisateurs ont sciemment misé sur un «choc visuel» entre ces personnages d’essence foncièrement populaire et une demeure aristocratique. Il reflète à leurs yeux l’engouement actuel pour ce genre de «sculptures, prisées par toutes les couches sociales», selon le commissaire de l’exposition Laurent Le Bon. Les nains de jardin ont en effet débordé des pavillons de province et de banlieue pour envahir la vie quotidienne des Français qui se délectent, avec une pointe de snobisme, de ce «mauvais goût très sûr», selon les termes d’une collectionneuse. Offerts en guise de canular, utilisés en signe de dérision suprême par les publicitaires, plantés dans les vitrines des magasins «in», les nains de jardin inspirent aussi les créateurs. Le couturier Christian Lacroix a ainsi confectionné un bonnet de petit compagnon de Blanche Neige destiné à être commercialisé, le créateur Jean-Charles de Castelbajac a célébré dans sa collection printemps-été le nain de jardin et le designer Philippe Starck a créé des «nains-sièges-tabourets» pour un hôtel londonien. Les enfants ne sont pas en reste : «1 000 héros de jardin» qu’ils ont réalisés s’étagent sur un escalier à Bagatelle comme pour une photo de famille. Aux côtés d’exubérantes figurines en plastique d’une criarde vulgarité, l’exposition retrace l’histoire des traditions de l’Égypte ancienne, de l’époque Han en Chine (de -250 av. J.C. à 220 ap. J.C.), baroque italien (XVIIe), kitsch bavarois (XIXe), des années 30 à nos jours, avec notamment deux personnages en aluminium de Jeff Koons. Si la France est loin derrière l’Allemagne, où un foyer sur dix possède un nain de jardin, avec une production de 600 000 sujets par an, le marché représente néanmoins un chiffre d’affaires de 3 millions d’euros. Génies bienveillants dotés d’une âme (ceux en céramique seulement) pour les uns, kitschs défigurant le paysage pour d’autres, les nains de jardin sont 30 millions en Europe, ont leur hymne international, leur site Internet et leur journal, «La Gazette des nains» éditée en allemand et en français à Bâle. Les «nanologues» ont consacré en 1998 à Hédé, dans l’ouest de la France, un très sérieux congrès international, le premier du genre, au phénomène de nain de jardin comme «révélateur social». Le prochain congrès est prévu en juin 2000.
Les nains de jardin, dont 2 000 sont exposés ce printemps dans un château près de Paris, sont l’objet de toutes les convoitises, de la famille de banlieue au grand couturier, en passant par leurs «libérateurs». Ces derniers, regroupés au sein du «Front de libération des nains de jardin» à l’origine de nombreux «enlèvements» de nains dans les jardins, ont fait disparaître le...