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Actualités - CHRONOLOGIE

Commémoration - Des milliers de personnes à Nabatiyeh Aachoura : trop de sang qui coule(photos)

«Haïdar, Haïdar, Haïdar….» scandaient samedi les pèlerins, tout de rouge barbouillés. Un rouge que l’on ne tarde pas à reconnaître à l’odeur dès lors que l’on approche de la grand-place de Nabatiyeh en ce jour de Aachoura. Cette commémoration, avec laquelle les Libanais sont désormais familiers, est devenue, au fil des années, le rendez-vous attendu des croyants, mais aussi des curieux venus observer cette célébration. La raison en est bien simple : il y a toujours trop de sang qui coule ce jour-là, trop de plaies grandes ouvertes, qu’une partie seulement des musulmans approuve tout compte fait. Ces démonstrations assez cruelles suscitent de plus en plus d’objections. Âmes sensibles s’abstenir. La cérémonie, à laquelle des milliers de personnes ont participé, a commencé très tôt le matin dans la husseynia avec les tout petits, ceux que leurs parents ont choisi d’initier au rituel, «parce qu’il faut les préparer très tôt». Vêtus d’un long drap blanc, bien serré à la taille, les enfants attendent craintivement leur tour. Autour d’eux, les parents s’agitent en leur prodiguant exhortations et encouragements, avant le moment fatidique où le rasoir va s’abattre, implacable, sur leur tête, incisant le devant du crâne. Le sang gicle suivi des applaudissements des grands. «Haïdar, Haïdar, Haïdar…» répètent les enfants. Et c’est parti pour la journée. Par ordre de taille, les fidèles se suivent, et ce sont les plus âgés bien entendu qui feront couler le plus de sang. Ils sont plus costauds, mais aussi plus conscients de leur acte mystique et délibéré. Une fois la tête incisée, ils s’en vont, par groupes de six ou sept, faire le tour de l’esplanade, en exhibant leur sang qui coule, «en mémoire du martyr l’Imam Hussein, tué pour sauver l’Islam», scandent en chœur, et avec une ferveur désarmante, les pèlerins. Ils sont venus nombreux, parfois de très loin, pour participer à ce moment «chargé de spiritualité», comme ils disent. Attroupés autour de ce spectacle, les gens regardent mi-admiratifs, mi-effarés. «C’est une tradition qui dure depuis plus de cent ans et que l’on doit perpétuer», disent les habitants de Nabatiyeh. Le souvenir de la souffrance de l’Imam Hussein, revécu dans leur chair, reste ainsi bien vivace. Ils viennent participer à «ce folklore de sang», déclare une jeune chiite, Salma, 14 ans, qui s’élève contre ce type de pratiques qu’elle considère inutiles et loin de représenter la foi réelle. Cela n’a rien à voir avec le souvenir même de ce qui fut en réalité un «moment de bravoure et un moment hautement symbolique de l’Islam. C’est une parade, dit-elle, de l’exhibitionnisme à bon marché». Pour elle, la nouvelle génération s’exécute beaucoup plus par frime, et en guise de démonstration de ce qu’elle croit être une preuve de virilité. «À celui qui fait couler le plus de sang ! Comme si nos jeunes qui combattaient au Sud n’avaient pas besoin de ce sang», dit-elle survoltée. C’est également l’avis de plusieurs personnes et formations politiques, en tête desquelles le Hezbollah. Cependant, et par-delà les considérations religieuses ou éthiques sur cette cérémonie de la souffrance, de plus en plus dénoncée par les chefs religieux, c’est la question d’hygiène qui semble préoccuper au plus haut point les membres de la Croix-Rouge, présents en grand nombre. Tout en s’abstenant de porter un jugement sur une manifestation qu’ils encadrent tous les ans, leur regard consterné en dit long sur leurs inquiétudes face aux épées et rasoirs qui s’abattent sur des centaines de têtes déjà ensanglantées et s’offrant aux lames aiguisées lors de ces sacrifices collectifs. «Une seule contamination suffit pour infecter toute la population de Nabatiyeh», affirme un responsable de la Croix-Rouge. Vers 14 heures, la scène était devenue apocalyptique. Epuisés, les fidèles tombaient les uns après les autres dans les bras des secouristes. Sur leurs visages, un sourire de satisfaction dédramatisait une scène que l’on aurait crue sortie tout droit d’un film d’horreur.
«Haïdar, Haïdar, Haïdar….» scandaient samedi les pèlerins, tout de rouge barbouillés. Un rouge que l’on ne tarde pas à reconnaître à l’odeur dès lors que l’on approche de la grand-place de Nabatiyeh en ce jour de Aachoura. Cette commémoration, avec laquelle les Libanais sont désormais familiers, est devenue, au fil des années, le rendez-vous attendu des croyants,...