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Actualités - REPORTAGES

Festival d'Al-Bustan Cartin Anna Finch : ces notes éthérées et cristallines ...

Délicates, raffinées, éthérées sont ces notes jaillies d’un monde sonore lumineux, liquescent, cristallin… Délices de harpe pourrait être la paraphrase de ce concert donné au Crystal Garden, voué aux accords et accents éoliens et séraphiques. Officiant avec une grâce toute romantique sur une harpe au rideau de cordes pincées avec une maîtrise absolue, Catrin Anna Finch (19 printemps !) a offert aux mélomanes libanais une soirée aux sonorités suaves et célestes. Au programme des œuvres choisies (pour fins connaisseurs et amateurs avertis) J.S. Bach, Hindemeth, Fauré, Debussy, Paris Alvars, Benjamin Britten, Henshall, Houdy et Renié. Joli florilège allant du XVIIe au XXe siècle et reflétant une vaste gamme d’inspiration où la lyre dans toute sa pompe a le vent en poupe… Ouverture aux grandes arches lumineuses empreintes d’une certaine ferveur avec les Études n° 2 et 12 du Kantor transcrites par le harpiste français Marcel Grandjany. Non seulement «prouesse» et difficulté technique à déployer de la part de l’interprète (comme le prouve un peu le titre de ces œuvres où la pédagogie musicale est bien à l’évidence) mais beauté sonore et mélodique d’un musicien profondément croyant et qui n’a jamais perdu de vue la notion des élans du cœur et le sens de l’élévation. Changement d’époque et d’atmosphère avec Paul Hindemeth et sa sonate pour harpe composée (en dédication à l’harpiste Clelia Gatti-Aldrovandi) après avoir fui la tempête nazie en Allemagne. Œuvre reflétant certes cette célèbre retenue «spirituelle» de la sensibilité mais pleine de finesse et d’exquise douceur complétée par la suite en Suisse. Trois mouvements bien structurés avec une conclusion inspirée d’un poème de Holty. Beauté sonore Une châtelaine en sa tour, de Fauré, devait prendre le relais. Écrite expressément pour la harpe d’après un poème de Paul Verlaine, elle associe en des timbres ensorceleurs et bien impressionnistes grâce, amour courtois et charmante mélodie. Toujours dans un esprit français le Coin des enfants, de Debussy (narration transcrite ici à la harpe par Carl Swanson), parlant avec ingénuité, innocence et un certain humour du vert paradis des amours enfantines… Délicatesse et sensibilité sont les atouts majeurs de cette ronde où se profilent les touchantes préoccupations d’Emma, la «chouchou» de fille du musicien… Plus somptueuse et majestueuse est cette fin de partie de programme avec l’introduction, les variations et arias de la Norma de Bellini ramenée avec un faste «angélique» à la cadrature des cordes d’une harpe. E. Parish Alvars, surnommé le Liszt de la harpe, offre là aux auditeurs les mystérieux sortilèges d’une musique venue des ors et de la lumière de l’opéra mais dans un écrin étrangement diaphane et translucide comme du verre… Épurée et incantatoire est cette voix venue de très loin et pourtant si reconnaissable, si royalement familière… Après l’entracte, toujours dans le sillage un peu du bel canto, place à la narration pleine de vie et de lyrisme de Benjamin Britten (lui qui fit triompher sur scène après la Seconde Guerre mondiale son magnifique Peter Grimes) avec cette brillante «suite» aux cinq mouvements irisés d’une certaine brume galloise. Toujours dans l’esprit du pays de Galles, suprême représentant de la beauté sonore d’une harpe, «trois danses» de D. Henshall. Comme un écho à ces splendides sonorités jaillies des grasses pelouses, présence de la Bretagne profonde avec Pierick Houdy grâce à cette superbe sonate pour harpe dédiée à sa femme Ghilaine de Winter, harpiste professionnelle et inspirée. Les frémissements de la poésie sont l’âme même des vibrations d’une harpe. Pour terminer, les très parnassiens elfes de Leconte de Lisle animent les cordes de cette «légende» écrite par Henriette Renié, virtuose de la harpe. Romantisme ténébreux de ces notes pourtant claires comme une eau de source avec la pluie qui tambourine sur un Crystal Garden pris sous les cordes de la pluie… Atmosphère vaporeuse et enchantée d’une musique altière et aristocratique sur fond d’une captivante histoire où forêt profonde, preux chevalier, reine amoureuse, fantôme et elfes s’entrecroisent pour conter ces éternelles passions qui nous font tous rêver… Et comment résister à toutes «folies» quand c’est une harpe qui égrène toutes ces incroyables intermittences du cœur ? On cède alors sagement à toutes les tentations et l’on se laisse conduire et flotter dans ce scintillant attelage de notes cristallines comme dans un conte de fées où tout est possible. Nous faire rêver, c’est ça l’un des pouvoirs les plus toniques et les plus inexplicables de la musique. Deux bis généreusement honorés (une sentimentale mélodie traditionnelle galloise et un surprenant «minuit» jazz avec claquement sur le bois de la harpe) et le public semblait encore délicieusement perdu dans ces volutes sonores comme frôlées par les battements de l’aile d’un ange…
Délicates, raffinées, éthérées sont ces notes jaillies d’un monde sonore lumineux, liquescent, cristallin… Délices de harpe pourrait être la paraphrase de ce concert donné au Crystal Garden, voué aux accords et accents éoliens et séraphiques. Officiant avec une grâce toute romantique sur une harpe au rideau de cordes pincées avec une maîtrise absolue, Catrin Anna...