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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Société - Table ronde autour du dialogue Les femmes handicapées revendiquent leurs droits (photos)

À une époque où les conférences se multiplient, une table ronde sur l’interaction entre le genre et le handicap, qui s’est tenue il y a quelques jours à l’hôtel Commodore, a bien mérité son nom. Le dialogue était le mot d’ordre de ces rencontres entre des femmes ayant subi une double discrimination : celle, souvent, résultant de leur condition de femme dans leurs sociétés respectives et celle du handicap physique. Cette réunion placée sous le signe du «Genre, handicap et revendication des droits» a été organisée par l’Union des handicapés du Liban, l’Association des jeunes non-voyants ainsi que par le Projet de liaison et d’information sur le genre pour la région du Machreq et du Maghreb. Assister à une séance de travail dans le cadre de cette table ronde pouvait recéler pour un observateur un véritable privilège. Penchées autour des tables, des femmes de différentes nationalités arabes et européennes sont occupées à rassembler des idées et à tirer leurs propres conclusions, avant de les partager avec le groupe entier. Les discussions sont animées et l’humour va bon train. Bientôt, tout le monde se rendra à l’évidence : de quelque horizon qu’on vienne, les souffrances se ressemblent et les visages de la discrimination varient peu. Cependant, pour les femmes qui étaient présentes ce jour-là, les obstacles n’auront fait que les confirmer dans leur volonté de sortir de l’ombre, de percer les ténèbres au vrai sens du terme. Si elles n’ont pas toutes réussi à s’imposer dans un environnement parfois hostile, du moins connaissent-elles leurs droits. Et elles n’oublient pas les milliers d’âmes encore dans l’ombre, fragiles… Dans les conclusions tirées par chaque groupe et lors des discussions qui ont suivi, il était fascinant de constater comment les questions concernant les femmes et celles spécifiques aux femmes handicapées s’entremêlent. Comme si les secondes répercutaient les premières, mais démesurément grandies. Et les idées se suivent : «La femme traitée en mineure, même adulte, ne pouvant choisir ses amis, son domaine de travail… », «l’enfant handicapé, objet d’une protection démesurée qui trahit le manque de confiance en ses capacités, la petite fille handicapée, souvent laissée sans éducation, ou confinée dans une institution spécialisée, loin de ses parents», «la priorité accordée au garçon, puis à l’homme, même discrimination entre handicapés», «des handicapés réduits à l’isolement de peur que leur état ne compromette le mariage de leurs sœurs», «la femme, confinée dans le rôle d’épouse et de mère, se voit marginalisée dans le cas où le handicap la met dans l’impossibilité de remplir ce rôle… ». Des souffrances mises en mots, matérialisées, démystifiées, en un mot partagées. Les effets de la discrimination se manifestent tôt, dans la famille, pour se poursuivre à l’école, sur les lieux de travail, dans la société… Cependant, certaines voix s’élèvent contre cette liste de discriminations évoquées par les participantes : le tableau n’est pas si noir. «Quelques fois, je pense que le handicap m’a rendue plus forte, constate l’une d’entre elles. La femme handicapée doit être beaucoup plus intelligente, plus éduquée et plus forte que les autres pour réussir». Une autre participante raconte son histoire peu commune : «Quand j’étais plus jeune, j’obtenais de bien meilleurs résultats que mon frère. Ma mère m’a demandé un jour si je pouvais échanger mes bonnes notes avec lui ! Toutefois, à force de détermination, je suis passée d’un isolement presque total à une présence incontournable au sein de ma famille». Agressivité et timidité Une troisième participante constate que l’impact psychologique sur l’adulte, ayant souffert de discrimination, le rend soit agressif envers le monde qui l’entoure, soit trop timide et passif. Une autre soutient que «même l’indépendance financière ne suffit pas; il faut changer les lois en vigueur dans le monde arabe pour soutenir la libération de la femme». Bref, d’innombrables idées, et des expériences partagées, durant plusieurs sessions qui ont duré trois jours. Des méthodes dynamiques ont été employées par Sylvana Lakkis, présidente de l’Union des handicapés, et Lina Abou Habib, coordinatrice du Projet de liaison et d’information. Pour Mme Lakkis, le séminaire s’inscrit dans les activités de préparation à l’application de la loi sur les handicapés, qui attend toujours d’être adoptée au Parlement, après avoir été approuvée en Conseil des ministres. «Les problèmes spécifiques aux femmes doivent être considérés séparément, estime-t-elle. La femme souffre plus que l’homme des différentes formes de discrimination. Ce séminaire contribuera à trouver des mesures susceptibles de pousser la femme handicapée à participer à la vie active». Selon Mme Lakkis, les étapes de cette table ronde se résument comme suit : – Une meilleure connaissance des participantes entre elles. – Une prise de connaissance des institutions, des points communs entre les systèmes, des problèmes et des moyens d’y faire face. – Une explication de la notion de «genre». – Le lien entre la situation des personnes handicapées et le développement. – La revendication des droits : techniques et moyens. «C’est la première fois que les questions relatives à la femme et au handicap sont traitées en même temps», souligne-t-elle. Elle évoque la possibilité de la création d’un réseau arabe dans l’avenir, à partir des contacts déjà établis, et dans le cadre duquel le Liban jouerait le rôle de catalyseur. Pour sa part, M. Amer Macarem, président de l’Association des jeunes non-voyants, considère lui aussi que «le sujet est nouveau». «Les gens en entendent parler, mais ne savent comment traiter ce genre de problèmes, poursuit-il. Cette participation rassemblant différentes associations et plusieurs pays est très enrichissante». M. Macarem reconnaît que «les femmes handicapées ont des problèmes spécifiques, parce qu’elles souffrent d’une double discrimination de la part de la société». «L’entourage de ces femmes tente de les affaiblir, s’enquiert rarement de ce qu’elles pensent, souligne-t-il. Leur intégration à la société se trouve par conséquent compromise. Or, il est crucial que cette catégorie soit capable de travailler et d’obtenir ses droits !». M. Macarem rappelle que son association avait organisé un congrès sur le sujet en 1997, en collaboration avec l’Égypte et la Suède. Un comité régional pour la femme non-voyante avait alors été créé, dans le cadre de l’Union internationale des non-voyants. Interrogé sur des cas précis de discrimination contre la femme handicapée rencontrés dans le cadre du travail de l’association, il cite quelques exemples : «Lorsque nous effectuions une étude à Nabatiyeh pour éclairer les aspects de la discrimination contre la femme aveugle, il s’est avéré que dans leur comportement, les familles se rendaient doublement coupables de cette différenciation. Les petites filles aveugles sont souvent laissées sans éducation, à l’opposé de leurs frères. À titre d’exemple, dans une même famille, un garçon et une fille étaient nés non-voyants. Le garçon a été intégré à une institution spécialisée, mais pas la fille. Toutes ses chances de s’intégrer un jour dans la société se sont envolées». Dans tous les cas, les histoires relatées par les participantes à cette table ronde étaient invariablement autant de leçons de courage.
À une époque où les conférences se multiplient, une table ronde sur l’interaction entre le genre et le handicap, qui s’est tenue il y a quelques jours à l’hôtel Commodore, a bien mérité son nom. Le dialogue était le mot d’ordre de ces rencontres entre des femmes ayant subi une double discrimination : celle, souvent, résultant de leur condition de femme dans leurs sociétés...