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Actualités - OPINION

Partie de billard

Après avoir paru s’éloigner à grands coups de rames des rives de la paix, que certains pourtant jugeaient accessibles au soir de son triomphe électoral, Ehud Barak serait-il en train de s’en rapprocher ? À suivre les petites phrases qui se multiplient ces derniers temps, on se reprend à espérer, sans aller toutefois, ô non, jusqu’à l’euphorie tant dans un passé récent furent nombreux, et douloureux, les échaudages. Brusquement hier, dans le landernau politique israélien, on se bousculait pour apporter une bouffée d’oxygène à un processus que l’on donnait pour moribond, sinon pour mort, depuis sept semaines. Dimanche déjà, devant son équipe au complet, le chef du gouvernement avait rappelé l’existence de la dette contractée en son temps par Yitzhak Rabin puis reconnue par ses successeurs, s’avouant dans l’impossibilité d’«effacer le passé». Quelques heures plus tard, c’était au tour du Haaretz de relayer l’engagement, réaffirmé presque au même moment par le ministre de la Justice Yossi Beilin et l’ancien conseiller politique de Netanyahu. À d’infimes nuances près, destinées à servir de piécettes d’échange dans le bazarlik à venir, le message destiné aux Syriens est celui-ci : d’accord pour un retour à la frontière du 4 juin 1967, exception faite pour quelques kilomètres carrés du Golan qui demeureraient sous contrôle de l’État hébreu ou bien confiés à la garde d’une force internationale. De là à dire que Damas et Tel-Aviv seraient à la veille de reprendre langue, à Shepherdstown ou ailleurs, il n’y a qu’un pas. Qu’il faudrait se garder de franchir trop allègrement car les embûches demeurent multiples sur la route du dialogue, ainsi que n’avaient cessé de le marteler d’ailleurs les go between américains, et Clinton en tête, à l’époque où les deux parties acceptaient encore de se parler autrement que par voie d’articles de presse, ici, et là sous forme d’obus largués sur le Liban-Sud. Dans un tel contexte fait d’expectative prudemment optimiste, les menaces quasi quotidiennes éructées par l’ex-colombe David Lévy, reconverti dans le jusqu’auboutisme depuis qu’il croit avoir perdu son chemin de Damas, prennent un éclairage tout neuf, moins cru dirait-on. Les «sang contre sang, enfant contre enfant» et autres «incendie de la terre du Liban», c’est son Delenda Carthago à ce Caton des temps modernes dont la mission, semble-t-il, est celle d’un faiseur d’écran de fumée destiné à apaiser autant l’ire des colons irrédentistes que le courroux d’une ultradroite qui refuse de désarmer. Sans compter, croyait-on chez les travaillistes, qu’il n’y avait aucun risque à accuser l’agneau libanais de tous les maux et même, à l’occasion, de lui détruire quelques ponts ou sous-stations électriques. On voit depuis quelque temps combien erroné aura été ce calcul. L’élan initié la semaine dernière par Hosni Moubarak n’est pas près de s’arrêter. Jeudi, ce sera au tour du prince héritier d’Arabie séoudite de visiter Beyrouth, où l’avait précédé son homologue koweitien, dans le même temps que, du Golfe à l’Océan, ne cesse de s’amplifier le tollé anti-israélien. Ce que la diplomatie libanaise n’a jamais espéré obtenir, la politique israélienne de la canonnière a pu l’accomplir, elle. Difficile dans la maladresse de faire aussi bien. La maladresse, Lionel Jospin sait ce que cela veut dire depuis son pavé du week-end dernier. Venu dans une région compliquée avec des idées simples – mais que n’a-t-il lu de Gaulle… –, il a vu sur la scène un bon et un méchant. L’ennui, c’est qu’il s’est trompé et de casting et de timing. Sans compter qu’il aura administré la désolante preuve d’une myopie politique dont on veut croire que la diplomatie française saura se remettre. Même si, pour l’heure, ils doivent être quelques-uns à s’en réjouir sur les bords du Potomac. Il reste à déplorer que, dans la partie de billard d’une incroyable subtilité qui se déroule sur le tapis vert proche-oriental, le carambole soit le Liban.
Après avoir paru s’éloigner à grands coups de rames des rives de la paix, que certains pourtant jugeaient accessibles au soir de son triomphe électoral, Ehud Barak serait-il en train de s’en rapprocher ? À suivre les petites phrases qui se multiplient ces derniers temps, on se reprend à espérer, sans aller toutefois, ô non, jusqu’à l’euphorie tant dans un passé...