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Actualités - OPINION

Tribune Le Liban est-il dispensable ?

L’existence du Liban en tant qu’État indépendant et souverain est-elle menacée par la paix ? La plupart des Libanais en sont convaincus. Pour certains, le Liban est un prix de consolation donné à la Syrie pour les éventuelles concessions qu’elle serait appelée à faire sur la question du retrait israélien du Golan. Pour d’autres, la présence militaire syrienne au Liban est requise pour mettre au pas les extrémistes et maintenir la sécurité de la frontière nord d’Israël. Pour d’autres encore, l’État hébreu a un compte à régler avec le Liban et le meilleur moyen de le faire de mettre un terme à son existence en tant qu’État indépendant. Pour d’autres enfin, le pouvoir libanais, qu’ils considèrent être totalement inféodé à la Syrie, n’a de chances de se maintenir que s’il s’accroche à une présence militaire syrienne permanente au Liban. À l’appui de cette thèse, les arguments ne manquent pas. Le dernier en date est le fait que le Liban n’a pas été jusque-là appelé à participer aux négociations en cours. Il serait peut-être utile de prendre un peu de recul pour mesurer la portée réelle de la paix qui commence à se dessiner : – L’importance de la paix n’est plus aujourd’hui d’ordre militaire. La Syrie ne représente pas, de toute évidence, un danger pour Israël. Le Likoud, opposé à la négociation, le clame d’ailleurs sur tous les toits. L’importance d’une paix syro-israélienne et libano-israélienne réside dans le fait qu’elle met un terme définitif au conflit israélo-arabe et permet, de ce fait, la mise sur pied d’un nouvel ordre régional, véritable enjeu de la négociation en cours. – Une présence militaire syrienne permanente au Liban après l’établissement de la paix va à l’encontre de cet ordre régional en cours de formation, car elle signifierait une annexion de fait du Liban, ce qui constituerait un bouleversement radical dans les équilibres stratégiques de la région. Or, ni la Syrie, à supposer qu’elle le veuille, n’est en position de force pour imposer ce fait accompli, ni Israël n’est en position de faiblesse pour accepter la formation à sa frontière nord d’un bloc qui pourrait, à terme, s’avérer menaçant. – Le rôle que les forces syriennes seraient appelées à jouer dans la mise en application de la paix est un rôle nécessairement limité dans le temps et dans l’espace. Il s’agit pour elles de mettre au pas les éventuels fauteurs de troubles. Or, ceux-ci, contrairement à l’opinion répandue, ne sont pas nombreux. Les deux seules forces armées dans le pays sont le Hezbollah et l’OLP. Le Hezbollah ne devrait pas poser problème si l’on prend en compte les récentes déclarations de ses chefs. Quant à l’OLP, on voit mal, compte tenu de l’état des relations qui existent entre l’Autorité palestinienne et les États-Unis, pourquoi elle s’opposerait à une paix parrainée par les Américains. Les autres organisations libanaises et palestiniennes ne disposent d’aucun poids réel sur le terrain. – La paix va entraîner une modification dans la nature du régime syrien. Sa légitimité, jusque-là fondée sur la lutte contre Israël, devra être redéfinie sur de nouvelles bases qui seraient l’ouverture économique, la modernisation des structures étatiques, la dénationalisation du secteur public, la levée des mesures d’exception, etc. Ce changement nécessite un remodelage du paysage politique syrien dont l’annonce a déjà été faire par les dirigeants syriens eux-mêmes. – Les changements qui ne vont pas manquer d’intervenir en Syrie vont nécessairement modifier la nature des rapports libano-syriens. L’obsession de la Syrie, avant la reprise de la négociation, était de tenir la «carte» libanaise. Pour cela, il lui fallait avoir un contrôle quasi direct sur l’État et intervenir à tous les niveaux pour empêcher toute opposition à sa présence. Avec la paix, cette politique n’a plus de raison d’être car les enjeux ne sont plus les mêmes qu’avant. Avec l’entrée en jeu des Israéliens après la normalisation des relations, les Syriens ne pourront maintenir de «relations privilégiées» avec le Liban que si celles-ci se fondent sur des bases équilibrées et se font dans l’intérêt des deux parties. Dans cette perspective, est-il encore concevable de penser, comme le font les Libanais, que les Syriens pourraient entreprendre la «libanisation» de la Syrie pour l’adapter à la paix tout en poursuivant la «syrianisation» du Liban pour maintenir le statu quo actuel ? Ne serait-il pas utile de commencer à repenser les rapports entre les deux pays pour éviter que le Liban et la Syrie ne fassent ensemble les frais d’une paix régionale ? N’est-t-il pas plus intelligent avant d’entreprendre la normalisation des relations avec l’État hébreu de commencer par normaliser les relations déjà existantes entre le Liban et la Syrie ?
L’existence du Liban en tant qu’État indépendant et souverain est-elle menacée par la paix ? La plupart des Libanais en sont convaincus. Pour certains, le Liban est un prix de consolation donné à la Syrie pour les éventuelles concessions qu’elle serait appelée à faire sur la question du retrait israélien du Golan. Pour d’autres, la présence militaire syrienne au Liban...