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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Génie civil - Un expert franco-libanais explique les avantages du code parasismique Séismes : comment éviter les pertes en vies humaines(photos)

«Un séisme, c’est avant tout la mort d’un grand nombre de personnes. Est-ce trop que de payer un pourcentage pour rendre les bâtiments conformes à la norme parasismique ?». Cette vérité toute simple a été évoquée par M. Wolfgang Jalil, expert et président du groupe de rédaction des règles parasismiques françaises, invité par la société de consultants indépendante Socotec (dont il fait partie) à donner une conférence sur la prévention des risques sismiques. «Ce n’est pas le séisme qui tue l’homme, c’est l’homme qui se tue lors des séismes, par les constructions qu’il a érigées», a-t-il fait remarquer. En marge de la conférence, M. Jalil a accordé une interview à L’Orient-Le Jour, dans laquelle il a notamment évoqué le cas du Liban, qu’il connaît bien, et des règles de base de la prévention sismique. Qu’est-ce que la normalisation sismique ? «C’est rendre les constructions neuves et parfois anciennes conformes à une réglementation de protection parasismique», dit M. Jalil. «Ce travail comporte deux étapes. Il s’agit, d’une part, de participer avec l’équipe des architectes et des maîtres d’œuvre dès le début du projet pour initier une qualité parasismique, de manière à minimiser le coût de cette protection. Une intervention tardive coûte en effet beaucoup plus cher. Et, d’autre part, il convient de s’assurer que l’exécution sur le chantier est conforme à ce qui est prescrit dans les normes parasismiques». Ces normes, quelles devraient-elles être ? «La norme libanaise, tout comme les autres, prévoit deux grands chapitres», répond M. Jalil. «Le premier concerne l’architecture parasismique. Cela veut dire que les architectes doivent faire des constructions plutôt compactes, symétriques, avec des masses bien réparties. Au niveau de la prévention, pour les ouvrages en béton armé (comme c’est le cas le plus souvent au Liban), il faut ajouter ce qu’on appelle des chaînages, c’est-à-dire des armatures de béton aux extrémités des murs, de manière à rendre ductile (qui ne casse pas facilement) ce qui est fragile». Cela veut-il dire que cette méthode empêche les murs de tomber d’un coup ? «Le phénomène est plus complexe que cela», souligne M. Jalil. «Cette ductilité permet de dissiper de l’énergie, c’est-à-dire d’enlever une partie de l’énergie communiquée par la terre et de la “piéger” dans la fissuration du béton armé. Cela réduit les effets sur le bâtiment lui-même». Un pays à risques Par ailleurs, M. Jalil (dans le cadre de Socotec) a participé à l’élaboration d’un code parasismique au Liban. Depuis combien d’années ce code existe-t-il ? «Nous avons collaboré avec les personnes représentant l’Administration libanaise», précise-t-il. «J’en ignore l’application aujourd’hui sur le plan législatif». Ne lui a-t-on pas demandé de vérifier l’application sur le terrain ? «Cela fait partie du contrôle technique», dit-il. «Chaque fois qu’il y a un contrôle effectué sur un chantier, nous respectons de toute évidence les règles parasismiques». Mais ce contrôle est-il systématique ? «Malheureusement non», déplore-t-il. «Cependant, je peux vous dire que la plupart des gratte-ciel qui ont été construits à Beyrouth ont respecté les règles parasismiques. Je me rappelle même que lors de la réalisation de la tour Murr, qui est l’une des premières à Beyrouth, j’ai moi-même effectué les calculs qui vérifient sa conformité avec les règles parasismiques». Sur les risques sismiques au Liban, M. Jalil déclare : «Le Liban est malheureusement une zone exposée aux séismes. Il a connu dans son histoire des tremblements de terre qui ont détruit Beyrouth sept fois dans l’Antiquité. Ces secousses étaient accompagnées de raz-de-marée énormes. Ce qui est un peu préoccupant, c’est que, malheureusement ou heureusement, il y a très longtemps qu’il n’y a pas eu de séisme majeur, c’est-à-dire assez puissant. Il vaudrait mieux qu’il y ait régulièrement de petits séismes qui ne tuent pas beaucoup de gens plutôt que d’avoir un jour un séisme destructeur comme en Turquie». Quelle importance revêt la nature du sol dans la prévention parasismique ? «Dans la majorité des cas, le sol ne pose pas de problèmes particuliers», souligne le spécialiste. «Mais il existe des exceptions : en bordure de mer, sur des sables fins, gorgés d’eau. Il faut éviter de se placer dans des zones susceptibles d’être liquéfiées, c’est-à-dire qui peuvent se transformer en boue lorsqu’elles sont sujettes au séisme. C’est ce qui s’est passé entre autres à Izmit, en Turquie». Une histoire de séismes Par ailleurs, au cours de la conférence qu’il a donnée devant un public d’ingénieurs et d’architectes, M. Jalil a rappelé que «les bâtiments construits selon les règles de la prévention parasismique supportent très bien les séismes majeurs, comme l’a prouvé l’expérience». Selon lui, placer des poteaux et des poutres en perpendiculaire et remplir les espaces vides donnent un résultat qui expose le bâtiment à davantage de destructions lors d’un tremblement de terre. Or ce genre de constructions est très prisé au Liban et dans d’autres pays à risques sismiques. Les bâtiments qui sont plus solides dans de telles circonstances ont comme particularité, entre autres, d’avoir un système de murs qui s’allongent sur toute la hauteur de l’immeuble (le rez-de-chaussée inclus). Autre idée : il faut garder une distance minimale entre les bâtiments afin qu’ils ne se heurtent pas. M. Jalil fait également remarquer que «ce n’est pas la force d’un séisme seule qui provoque la destruction d’un bâtiment, mais une série de facteurs». Ces facteurs sont la distance du bâtiment par rapport au foyer du séisme, la nature du sol et la qualité de la construction. Les codes parasismiques assurent donc la meilleure prévention possible. «Un code vise en premier lieu à sauvegarder des vies, en deuxième lieu à préserver le patrimoine et, enfin, à maintenir le secteur industriel en marche», explique M. Jalil. Il fait remarquer en effet que l’industrie présente des risques considérables en cas de destruction de dépôts contenant des matières dangereuses ou en cas d’incendies (qui suivent souvent les séismes). Un code sismique existe donc au Liban. Mais il est douteux qu’on ait cherché à l’appliquer dans la totalité des cas pour les nombreuses constructions de l’après-guerre. Y a-t-il une logique dans cela ?
«Un séisme, c’est avant tout la mort d’un grand nombre de personnes. Est-ce trop que de payer un pourcentage pour rendre les bâtiments conformes à la norme parasismique ?». Cette vérité toute simple a été évoquée par M. Wolfgang Jalil, expert et président du groupe de rédaction des règles parasismiques françaises, invité par la société de consultants indépendante...