Le pouvoir a voulu montrer sa capacité à maintenir l'ordre

Les derniers événements survenus dans la région de Denniyé et la réaction ferme de l’armée et des autorités étatiques n’ont pas manqué d’être relevés par les milieux diplomatiques à Beyrouth. Des diplomates occidentaux ont notamment souligné qu’en écrasant la rébellion des fondamentalistes sunnites du groupe al-Takfir wal-Hijra, au Liban-Nord, l’armée libanaise a voulu prouver son aptitude à jouer éventuellement un rôle dans les arrangements de sécurité liés à un retrait israélien du Liban-Sud. «Au moment où Israël, dans les négociations avec la Syrie, met en tête de ses priorités, la sécurité à ses frontières, le président Émile Lahoud a voulu, avant la relance probable des pourparlers libano-israéliens, démontrer que son pays avait les moyens de faire face à des désordres. Sous-entendu, ce qui a été fait au Nord peut-être refait au Sud», a estimé un diplomate, sous couvert de l’anonymat. «Le gouvernement libanais a également voulu montrer qu’en coordination avec la Syrie, il ne tolérerait aucun débordement», a-t-il ajouté. Les rafles lancées jeudi parmi des islamistes à Tripoli (Nord) en sont une autre preuve. Cela avait déjà été le cas en octobre, lorsque Beyrouth avait réagi très vivement au renforcement du Fateh, la principale composante de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), dans les camps de réfugiés palestiniens du Liban-Sud. Le représentant du Fateh au Liban, Sultan Aboul Aynaïn, avait été condamné à mort par contumace, et trois de ses adjoints arrêtés par l’armée dans le périmètre du camp de Rachidiyé, où l’armée libanaise est déployée en force. À l’époque, a déclaré à l’AFP une source haut placée des services de sécurité, «il s’agissait d’empêcher que le Fateh, par une reprise en main des camps de réfugiés, facilite à Israël un retrait unilatéral du Liban-Sud». Ce retrait éventuel sans accord préalable, annoncé par le Premier ministre israélien Ehud Barak, était alors perçu comme une forme de chantage exercé tant sur la Syrie que sur le Liban. Cette fois, la menace était de nature différente. «La Syrie comme le Liban entendent agir de manière préventive pour étouffer toute contestation interne radicale d’un éventuel accord de paix avec Israël», a estimé un diplomate. «L’affaire du Liban-Nord peut être une opération montée en liaison avec les rafles d’islamistes qui, selon des journaux arabes, ont commencé en Syrie dès la mi-décembre», a expliqué un autre diplomate. «Sachant que les groupes fondamentalistes ont peut-être des liens avec l’ennemi juré des Américains, Ben Laden, cela peut être aussi un geste vis-à-vis des États-Unis», qui dénoncent avec insistance tout foyer de terrorisme, a-t-il poursuivi, ajoutant : «Il s’agit peut-être aussi d’une réponse par avance aux critiques d’Israël sur l’incapacité du Liban à maintenir l’ordre chez lui». Quant aux circonstances, «il y a une tradition sunnite fondamentaliste dans la région de Tripoli. Mais ces groupuscules sont très fluctuants. Ils se font et se défont», a-t-il souligné. «Après une série d’attentats cet automne contre des églises grecques-orthodoxes, à cause de l’intervention russe en Tchétchénie, quelques dizaines d’extrémistes qui se sentaient menacés par la surveillance policière se seraient réfugiés dans la montagne, fin novembre-début décembre. Ils ont renforcé du même coup les bandes armées qui s’y trouvaient déjà depuis longtemps», a-t-il expliqué. Les autorités avaient décidé dès la mi-décembre de lancer une opération, mais un accrochage, vendredi soir, entre une patrouille de l’armée et des maquisards, a précipité son déclenchement, selon des sources des services de sécurité.