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Actualités - ANALYSE

L'armée s'en tire avec honneur

Plus que les autres incidents qui ont émaillé le passage local du millénium, les événements de Denniyé ont mis en émoi les Libanais. Le pays s’est trouvé plongé, à son corps défendant, dans une psychose de guerre intérieure. Et si l’on peut se féliciter de l’unité nationale, fort heureusement manifestée en cette difficile circonstance, les interrogations n’en fusent pas moins toujours avec abondance. Sur un ton plus ou moins critique, les politiciens, qui font écho à bon compte aux préoccupations de l’homme de la rue, se demandent comment tout cela a pu arriver. Cela étant, l’unanimité se refait autour du rôle assumé par l’armée. Qui a prouvé, par le sang versé, que l’unité nationale n’est plus un vain mot. À travers l’épreuve sur le terrain, l’institution forgée par le général Émile Lahoud a gagné deux batailles : contre les fauteurs de troubles et contre les détracteurs d’un Liban maître de ses destinées. Il est désormais établi que les réguliers libanais sont en mesure de contrôler les situations les plus graves, qu’ils forment une troupe aguerrie tout à fait capable de gérer la stabilité intérieure. Ceci avec le soutien évident d’une population qui n’est plus du tout disposée à tomber dans les pièges des divisions provoquées par des factions déterminées. L’armée a étouffé dans l’œuf un mouvement de sédition d’autant plus dangereux qu’il prenait la religion pour couverture. Comparée aux années soixante-dix, l’évolution est très claire : l’armée n’a connu aucune défaillance. Elle est restée soudée devant le feu, devant le péril de mort. Aucun élément de la troupe ne s’est dérobé à son devoir. Et a fortiori aucun d’eux n’a déserté pour rejoindre les rebelles sous un prétexte d’empathie communautaire. L’état d’esprit a donc fondamentalement changé dans le pays. Ainsi, les premiers à avoir applaudi et soutenu la légalité sont les pôles de la communauté sunnite, même les religieux fondamentalistes qui n’ont pas hésité à condamner la dérive du groupe al-Takfir wal-Hijra. Un diplomate relève pour sa part la rapidité remarquable des réactions de Yarzé : 7 000 hommes étaient à pied d’œuvre dans le jurd en quelques heures quand les incidents ont éclaté. Malgré les intempéries et le relief accidenté du terrain, le mouvement rebelle a été démantelé au bout de petits deux jours. Mais un politicien, tout en félicitant l’État, lui recommande de ne pas en rester là. «Comme dans une infection, il faut éliminer tout de suite tous les germes, où qu’ils se trouvent, et leur ôter toute immunité. Il faut combattre l’extrémisme, qui est contraire à la nature même de ce pays. Il faut empêcher les fanatiques de semer la discorde. Et après le al-Takfir wal-Hijra, ce sont les camps palestiniens transformés en repaires qu’il faut mettre au pas», dit-il. Pour leur part, des notabilités du Nord, qui se sont rangées derrière la légalité, indiquent avoir reçu des menaces téléphoniques de la part d’interlocuteurs intégristes. Ces personnalités en déduisent qu’il reste nécessaire de procéder, en même temps qu’à une enquête approfondie pour appréhender les suspects, à une campagne d’information et d’éveil en direction de la population, pour la mettre en garde contre le danger que peuvent représenter les idées des propagateurs de haine confessionnelle. Reste une interrogation aussi importante que prosaïque : qui finance, qui manipule, les mercenaires intégristes ? Ces derniers, on s’en rend compte maintenant, disposaient de moyens relativement importants. En effet, non seulement ils étaient lourdement armés, mais aussi ils distribuaient des fonds dans une région particulièrement pauvre pour se gagner la population, s’en faire protéger et y recruter des jeunes. On a pu de la sorte entendre à la télévision l’un des prévenus appréhendés déclarer que son compte en banque était toujours alimenté. Il a affirmé ne pas savoir par qui, attribuant cette générosité à «la Providence». Il faut donc faire la lumière sur ce point. «Et il faut aussi, conclut un politicien, que le pouvoir et singulièrement le ministre de l’Intérieur éclairent vraiment les Libanais sur toute cette affaire, sur ses tenants et sur ses aboutissants. Nous avons le droit de savoir s’il y a d’autres groupes et à la solde de qui. Et nous avons le droit de savoir pourquoi, malgré la gravité des événements, le Conseil de sécurité intérieure n’a pas été convoqué».
Plus que les autres incidents qui ont émaillé le passage local du millénium, les événements de Denniyé ont mis en émoi les Libanais. Le pays s’est trouvé plongé, à son corps défendant, dans une psychose de guerre intérieure. Et si l’on peut se féliciter de l’unité nationale, fort heureusement manifestée en cette difficile circonstance, les interrogations n’en...