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Actualités - INTERVIEWS

INTERVIEW - Le plus jeune député du Parlement souhaite coopérer avec le gouvernement Émile Lahoud : « Voilà pourquoi j’ai refusé un portefeuille ministériel »

Le plus jeune député du nouveau Parlement prend son rôle très au sérieux. Sans renier l’influence paternelle, toujours présente même lorsqu’elle est très discrète, Émile Lahoud veut se bâtir une place à lui, basée sur les 37 500 voix obtenues aux élections. Le député de 25 ans se sent investi d’une mission importante. Ayant enregistré le score le plus élevé parmi les élus maronites de sa circonscription, il veut avant tout répondre à l’attente de ses électeurs, même si cela l’amène à adopter des positions en contradiction avec celles de la présidence. Simple, direct, il se veut ouvert à tous, notamment à la coopération avec le nouveau gouvernement. Mais il ne veut pas aller trop vite… Son nom a-t-il été sérieusement évoqué comme ministrable ? Bien qu’avare d’interviews, le jeune député n’hésite pas à répondre. Il a dû beaucoup entendre cette question ces derniers temps, lancée dans le cadre des bazars de portefeuilles ministériels. C’est pourquoi il insiste sur son refus de faire l’objet d’un deal. «On m’en a sérieusement parlé, dit-il. Notamment le président du Conseil Rafic Hariri, qui est entré dans les détails, et le président de la Chambre Nabih Berry, qui est resté dans les généralités. Le président du Conseil m’a proposé le portefeuille de ministre de la Jeunesse et des Sports, en m’affirmant qu’il trouvait normal de me faire une telle proposition puisque j’ai obtenu le plus grand nombre de voix pour les députés maronites du Metn-Nord dans un scrutin considéré comme honnête et que je suis moi-même sportif, tout en étant jeune et sensible aux problèmes des Libanais de ma génération. Je dois d’ailleurs confier avoir été très agréablement surpris par sa connaissance du dossier». Combler le fossé entre les électeurs et le gouvernement Le président Hariri a donc réussi à écarter les appréhensions du jeune homme qui avait cru au début qu’il s’agissait d’une tentative de l’intégrer à un partage des parts ministérielles. Il a toutefois refusé la proposition car il ne veut pas se disperser. «Aujourd’hui, ma priorité est à mon rôle de député. Je souhaite être à la hauteur de la confiance que les électeurs ont placée en moi. Dans ma circonscription, les gens sentent qu’il existe un déséquilibre politique dont ils sont les victimes. Mon rôle principal est donc de chercher à combler le fossé entre mes électeurs et l’État, notamment le gouvernement. Or, si je suis ministre, je ne peux plus accomplir cette médiation. De plus, si j’accepte le portefeuille ministériel, mon père devra être l’un de ceux qui signeront le décret et je ne souhaite pas alourdir, pour lui, le poids familial. Enfin, j’estime que j’ai la vie devant moi et je ne suis pas pressé. D’autant qu’avec la connaissance du dossier par le président Hariri je suis tranquille, la jeunesse et les sports bénéficieront de son intérêt». Émile Lahoud confie avoir pris sa décision sans consulter son père. «Depuis mon élection, nos relations sont assez formelles. Il me reçoit comme un député non comme son fils. Lorsque nous avons évoqué la proposition qui m’a été faite, il s’est contenté de me dire que le climat était positif et j’ai répondu que je préférais attendre». Le jeune élu insiste sur le fait qu’il ne représente pas son père au Metn, mais une ligne politique indépendante, nourrie, bien sûr, des valeurs défendues par sa famille. La défense des instances Est-ce pour cette raison qu’il a pris une position en contradiction avec celle de Baabda, concernant le fameux communiqué de Bkerké ? «J’ai donné mon avis, sans même savoir que, quelques heures plus tard, Baabda allait publier un communiqué. Il me semblait important de rappeler que certains points devaient être définis, et à mon avis, il est inacceptable que l’on s’attaque ainsi à Bkerké. Pendant les campagnes électorales, des slogans plus forts ont été lancés et nul n’a trouvé à y redire – au passage, je me demande ce que sont devenus ces slogans. Mais pourquoi donc, lorsque Bkerké s’exprime, cela devient-il inacceptable ? J’ai donc trouvé gênantes les critiques adressées au patriarche maronite. Si certaines parties ne peuvent pas s’exprimer, le Liban ne sera plus une démocratie. Je me sens obligé de prendre la défense des instances critiquées, qu’il s’agisse de Bkerké, de Baabda ou d’autres. À ce sujet, je voudrais rappeler que la réponse de la présidence ne s’adressait pas au patriarche et aux évêques mais à tout le monde. Comme d’habitude, les pêcheurs en eaux troubles qui ne se sentent vivre qu’en créant des dissensions ont préféré voir les choses différemment… J’estime de mon devoir de préserver certaines limites, celles du respect des fonctions et de ce qu’elles représentent, indépendamment des personnes. Certains politiciens construisent leur carrière sur les insultes, provoquant l’admiration de leurs supporters et se rendant ainsi indispensables à leurs yeux. Mais ce genre de pratique nous éloigne de l’État de droit où les institutions doivent être respectées. Au contraire, plus on personnalise et plus on s’éloigne de l’institutionnalisation. La présidence de la République n’est pas un punching-ball. Je crois à l’éthique dans les rapports humains. Le message doit pouvoir passer sans recourir à des insultes. En tout cas, c’est ce que j’essaie de faire et tant pis si je ne sers pas ainsi ma promotion personnelle». Je ne cherche ni à me démarquer ni à m’aligner Le fait de se démarquer de son père n’entre-t-il pas dans le cadre d’une distribution des rôles entre lui et le président ? «Ceux qui disent cela cherchent surtout à se donner eux-mêmes un rôle pour qu’on leur demande d’expliquer leur point de vue et ils se sentent alors importants. Je le dis franchement, il n’y a aucune distribution de rôles, mais seulement deux fonctions différentes : il est président de la République, je suis député. Ceux qui ne veulent pas voir que je fonctionne de façon indépendante se trompent, mais je ne cherche absolument pas à les convaincre. Ce n’est pas ma priorité. Je souhaite d’abord faire mon devoir de député et les choses s’éclairciront naturellement». Le fait de se démarquer de son père n’est-ce pas aussi pour ne pas subir les critiques qui lui sont adressées ? «C’est peut-être difficile à croire, mais je ne cherche ni à me démarquer ni à m’aligner sur le président. J’entame une carrière politique que j’espère réussir et j’aspire à faire mon devoir, comme mon père l’a toujours fait. Ma priorité, c’est refléter les appréhensions et les aspirations de mes électeurs, faire parvenir leur voix aux gouvernants et, en même temps, leur transmettre le message du pouvoir exécutif». Que pense-t-il de la désignation du président Hariri pour la formation du nouveau gouvernement ? «Au cours de mes réunions avec le président du Conseil, j’ai senti que M. Hariri pouvait concrétiser les aspirations de mes électeurs. Que les gens ne se fatiguent pas à chercher des conflits entre nous et même entre Hariri et mon père. Même au cours de ces deux dernières années, il s’est rendu près de dix fois à Baabda, c’est dire que le contact n’a jamais été rompu entre les deux hommes. De plus, au cours de mes rencontres avec M.Hariri, nous avons parlé franchement et j’ai senti qu’il était tout à fait conscient de ses responsabilités et de la gravité de la situation, qui ne peut supporter des petites guerres et des rivalités personnelles. Cela m’a beaucoup rassuré et je lui ai déclaré que, dans ma modeste position, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour l’aider». Se sent-il lié par le bloc parlementaire auquel il appartient ? «Pour moi, il s’agit plus d’une alliance électorale entre trois personnes que d’un bloc parlementaire. D’ailleurs, on ne peut pas parler de bloc quand il n’y a que trois députés. Nous voulons surtout créer un esprit d’ouverture et élargir nos horizons. Nos électeurs ont de graves problèmes. Les aider doit être notre priorité». Pense-t-il que la nouvelle équipe peut réussir ? «La combinaison me paraît valable (l’entretien a eu lieu avant la formation du gouvernement), car elle regroupe des politiciens et des technocrates. Aujourd’hui, tout le monde veut faire des pronostics. À mon avis, il faut attendre l’action pratique. Les défis qui nous guettent sont énormes et la situation régionale est explosive, surtout que, malheureusement, le Liban n’est généralement pas épargné. Nous ne pouvons donc pas attendre de miracles, mais moi je souhaite coopérer avec la nouvelle équipe, surtout que le grand titre me paraît valable…». Scarlett HADDAD
Le plus jeune député du nouveau Parlement prend son rôle très au sérieux. Sans renier l’influence paternelle, toujours présente même lorsqu’elle est très discrète, Émile Lahoud veut se bâtir une place à lui, basée sur les 37 500 voix obtenues aux élections. Le député de 25 ans se sent investi d’une mission importante. Ayant enregistré le score le plus élevé...