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Actualités - ANALYSE

Un retour en force du courant haririen

 M. Rafic Hariri est bien le grand vainqueur politique de la double phase élections-gouvernement. Les chiffres sont là pour le dire : 18 députés sur 19 à Beyrouth. Et 8 ministres sur 30 dans le nouveau Cabinet. Sans compter les amis personnels qui n’appartiennent pas directement à son courant, mais n’ont rien à lui refuser. Sans compter, non plus, les couci-couça toujours prêts à se rallier à l’homme debout, comme on dit en bon dialectal. Si l’on considère la complexité de la mosaïque politicienne libanaise, qui oblige à beaucoup de concessions, et si l’on se rappelle que pendant deux ans, le milliardaire a connu une traversée du désert des plus pénibles, on reste étonné devant une aussi magistrale reprise en main de l’échiquier local. Pour tout dire, personne, même parmi ses supporters les plus fervents, n’avait imaginé une telle (re) montée en puissance. Il reste que l’effet de choc se trouve un peu dilué, pour ne pas dire altéré, par l’obésité du nouveau gouvernement. Les sources les mieux informées s’attendaient à une formule de 14 ou de 18 tout au plus. Et lorsque la presse avait évoqué une combinaison de 24, les spécialistes avaient mis cela sur le compte des ballons d’essai lancés par divers protagonistes, pour brouiller les pistes ou pour exercer une subtile pression sur les décideurs. Pour sa part, M. Hariri avait tout de suite fait savoir que ces pronostics étaient erronés. Jouant les sphinx, il n’en avait pas dit plus. Lors des consultations préliminaires auxquelles il a réglementairement procédé, il éludait toutes les questions-pièges que ses interlocuteurs députés pouvaient lui adresser. Il se contentait de recueillir leurs avis ou leurs demandes, sans aucun commentaire et sans dévoiler ses intentions. Une tactique suivie pour ne pas attiser le feu des tiraillements intérieurs, des bazars et des veto. Il faut cependant, à cette étape-charnière, souligner un point qui peut se révéler important par la suite. Les haririens soutiennent aujourd’hui en substance que «contrairement à ce que l’on a pu colporter, le président du Conseil a bel et bien formé lui-même son équipe. En tenant certes compte des desiderata, des positions ou des oppositions de diverses parties, mais sans que personne ne lui dicte la sélection finale». Un tel argument est à double tranchant. Dans l’immédiat, il souligne la plénitude du score politique marqué par le chef du gouvernement. Mais plus tard, il pourrait l’empêcher de se défausser sur d’autres d’un éventuel échec gouvernemental. Encore qu’il pourrait sans doute miser à un tel moment sur un renvoi d’ascenseur de la part des décideurs. Donc son camp veut présentement occulter l’immixtion. Les haririens ajoutent que leur leader «a réfuté dans les faits le bobard, répandu par ses détracteurs, que la formation du Cabinet avait précédé sa désignation comme président du Conseil». Ce qui n’est pas certain en réalité. Car, à part quelques retouches cosmétiques, le Cabinet se présente organiquement tel qu’on l’avait annoncé : monochrome et sans grand relief. Il est d’ailleurs douteux qu’une personnalité de l’envergure de M. Walid Joumblatt eût publiquement reproché aux autorités d’avoir tout cuisiné d’avance, comme il l’avait fait à sa sortie des consultations à Baabda, s’il n’y avait du vrai là-dessous. Il reste une certitude : M. Hariri revient en force et ramène avec lui ses lieutenants de l’ère Hraoui. Même ceux qui ont, depuis le précédent gouvernement, maille à partir avec la justice. Et on peut estimer d’ailleurs qu’il a fait exprès de réengager de tels symboles, pour gommer en quelque sorte la vindicte dont son camp affirme avoir été victime sous le Cabinet Hoss. On aura du reste relevé avec intérêt que le jour même de la formation du nouveau gouvernement, la Chambre de cassation se réunissait pour examiner l’exception soulevée par les avocats de M. Fouad Siniora. Qui soutiennent que leur client n’est pas justiciable, pour sa précédente gestion ministérielle, des tribunaux ordinaires, dont ils rejettent donc la compétence. Le retour aux affaires, et cette fois en tant que ministre de plain-pied, de l’ancien camarade de classe du milliardaire constitue plus qu’une surprise, un coup d’éclat. Un message qui veut dire : regardez à quel point je suis fort. Mais pour mieux impressionner, la formule Hariri aurait dû sans doute se révéler plus équilibrée. La représentation chrétienne y est incomplète, pour ne pas dire faible. Alors qu’on trouve des partis comme le PSNS, le Baas et Amal. Même les Kataëb de M. Hajj, qui pourtant ne s’est pas montré avare de déclarations loyalistes, n’ont pas eu droit à une miette du gâteau. Ce qui fait dire à un opposant : «M. Hariri n’écrit sans doute pas sous la dictée des décideurs, mais il sait parfaitement bien interpréter leurs souhaits. Qui sont des ordres». Ce à quoi un néoloyaliste répond en rappelant que «les radicaux de l’Est politique ont boycotté les élections et ne veulent donc pas participer au pouvoir. La rue chrétienne est pour sa part effectivement représentée au gouvernement par de brillantes figures. Quant aux Kataëb, les blocs parlementaires dont leurs députés font partie sont représentés. Et même avec une formule de 30, on ne peut contenter tout le monde». Philippe ABI-AKL
 M. Rafic Hariri est bien le grand vainqueur politique de la double phase élections-gouvernement. Les chiffres sont là pour le dire : 18 députés sur 19 à Beyrouth. Et 8 ministres sur 30 dans le nouveau Cabinet. Sans compter les amis personnels qui n’appartiennent pas directement à son courant, mais n’ont rien à lui refuser. Sans compter, non plus, les couci-couça toujours...