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Actualités - OPINION

Le lapin du chapeau

 Revoir, corriger, et adapter pour le Liban la définition du mot «baffes» : c’est lorsque le plus élémentaire principe de démocratie se fait fouler à tous les pieds. Voilà. Cela étant dit, ce n’est pas parce qu’il y en a trois millions à qui l’on a donné la sale habitude de se prendre, régulièrement et sans broncher, une ou deux paires de «baffes» au quotidien qu’il faut nécessairement en faire une règle d’hygiène générale. Avec le partage du gâteau, déjà pas mal ratatiné, avec la distribution des gros maroquins, maigres accessits et ridicules hochets aux trente – plus on est de fous, plus on rit – membres du tout nouveau tout beau gouvernement, c’est à deux «baffes» magistrales que les Libanais(es) ont eu droit. Et à part une poignée de véritables masochistes, à part ceux-là qui tendent la joue gauche une fois la droite éclatée par une paume rageuse, et deux ou trois dizaines de centaines de rapaces, ils en ont marre les Libanais(es). Marre des «baffes». Mais en recevant, hier, ces deux-là, c’est béats d’admiration qu’ils sont restés : «Ils ont osé !», ont-ils (presque) tous dit. Ils ont effectivement «osé». La première de ces «baffes», pas trop cuisante encore, a claqué au moment où Monsieur le secrétaire général de la présidence du Conseil, Sélim Ladki, a énoncé, sans ciller, le nom du nouveau ministre des Finances, l’un des portefeuilles-stars s’il en est. Personne n’a oublié que Fouad Siniora est toujours sous le coup d’une procédure judiciaire, on lui reproche d’avoir signé un accord qui a entraîné une dilapidation certaine de biens publics. Cela concerne l’affaire dite de l’incinérateur de Bourj-Hammoud. Il n’empêche, en le nommant à la tête d’un des quatre ministères-clés, l’Exécutif, de facto, l’innocente, le lave de tout soupçon et gifle, sans aucune espèce d’état d’âme, le Judiciaire. Quel maestria... Et quelle «leçon» de citoyenneté, assénée magistralement à trois millions de Libanais. Il n’empêche, c’est au 28e nom, pratiquement scandé par Sélim Ladki, que la quasi-totalité des téléspectateurs et des auditeurs ont sursauté. Le ministère (roi) de l’Intérieur échoit à un certain Élias Murr. Le plus objectif des êtres humains, la personne la moins dénuée d’a priori, ont, eux aussi, eu l’impression d’halluciner. Ils ont alors ouvert leur petit dictionnaire à la lettre H, juste à côté du mot hérédité, ils ont lu, «transmission des caractères normaux ou pathologiques d’une génération aux suivantes». Tout est dit. Ça laisse des traces, une «baffe» – parfois même, elles sont indélébiles. Ce n’est pas avec cette nomenclature, cette espèce de lapin à 30 pattes qu’ils ont sorti de Dieu sait quel chapeau, que les présidents Lahoud et Hariri entreront dans l’Histoire. Et le problème avec l’Histoire, c’est qu’elle repasse rarement les mêmes plats. La gueuse... Ziyad MAKHOUL
 Revoir, corriger, et adapter pour le Liban la définition du mot «baffes» : c’est lorsque le plus élémentaire principe de démocratie se fait fouler à tous les pieds. Voilà. Cela étant dit, ce n’est pas parce qu’il y en a trois millions à qui l’on a donné la sale habitude de se prendre, régulièrement et sans broncher, une ou deux paires de «baffes» au quotidien...