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Actualités - ANALYSE

Un système politique qui perd peu à peu de sa spécificité

Nostalgique, un vétéran regrette que «la vie politique ait tant régressé dans ce pays». À son avis, sans doute un peu oublieux de certains anciens abus, «la praxis démocratique, florissante jadis, est en voie de disparition. Le Liban se rapproche des modèles environnants au lieu que ce soit le contraire». À en croire ce vieux loup de mer, «aux premiers jours de l’indépendance, le jeu politique se pratiquait bien mieux qu’aujourd’hui. L’évolution s’est faite à rebours. Nous avons maintenant l’impression de nous retrouver à l’époque du mandat. Le haut- commissaire pouvait alors dissoudre la Chambre et suspendre la Constitution chaque fois que la majorité s’opposait à la volonté de la France. Mais les hommes de chez nous n’hésitaient pas, en ces temps-là, à tenir tête en bloc compact à la puissance mandataire. Au prix parfois de lourds sacrifices personnels ou familiaux. Aujourd’hui par contre, ceux qui tentent de résister à la mainmise extérieure ne constituent qu’une minorité, soigneusement marginalisée. Il n’y a pas d’élan véritablement national dans ce sens». Et de porter ensuite un jugement de valeur en affirmant que «la France, pour sa part, avait au moins la décence de choisir le dessus du panier local pour la gestion des affaires publiques. Les personnalités les plus compétentes et les plus probes étaient appelées à la barre, tant au niveau politique qu’à celui de l’Administration, qui était efficiente. Aujourd’hui, les parachutages les plus incongrus se font. Les affectations se font en fonction de quotas et de trafic d’influence. On a de la sorte souvent vu de la fraude dans les prétendues qualifications de postulants à des charges déterminées. Et quand cela ne suffit pas, on agite le bâton, on recourt à l’intimidation». Ce professionnel chevronné reconnaît ensuite qu’«à l’origine, les chancelleries occidentales intervenaient, à des degrés variables, sur la scène locale. Elles tentaient notamment de peser sur la balance en période d’élections, présidentielle ou législatives. Mais leur influence était limitée et, grosso modo, le Liban était libre de ses décisions. Par la suite, quand l’Occident a politiquement reculé au Moyen-Orient du fait d’une cascade de prises d’indépendances, des forces régionales ont commencé à se mêler de nos affaires intérieures. Mais jamais aussi ouvertement et aussi lourdement». Et de relever qu’avant Taëf, «la vie politique intérieure était active et passablement satisfaisante au plan des libertés démocratiques. Les législatives opposaient des listes effectivement formées par les leaderships locaux et non téléguidées de l’extérieur. Les résultats donnaient une majorité qui gouvernait et une minorité qui s’opposait. Il était rare qu’il n’y ait qu’un seul candidat réel pour la présidence du Conseil. Les consultations donnaient lieu le plus souvent à une compétition serrée. Dès lors, il n’était généralement pas possible de savoir d’avance à coup sûr qui allait être désigné ou quelle serait la forme du gouvernement. Il en allait de même pour la présidence de la Chambre que se disputaient généralement deux candidats, l’un loyaliste et l’autre opposant. Aujourd’hui, du fait du fameux mot d’ordre que la plupart des députés suivent toujours docilement, le jeu des pronostics devient facile, beaucoup trop même. Quant à la formation du Cabinet, elle constituait une opération ardue, justement parce qu’elle était libre. Il arrivait fréquemment qu’un Premier ministre pressenti dût se récuser, faute d’avoir pu monter une combinaison assurée d’une majorité parlementaire consistante ou d’une assise politique solide. Aujourd’hui, c’est la déliquescence. Et la seule liberté qu’on laisse aux acteurs locaux de la politique, c’est de s’entredéchirer pour obtenir plus d’avantages. La vie politique est devenue insipide et incolore». Peut-être bien, mais pas tout à fait indolore. Émile KHOURY
Nostalgique, un vétéran regrette que «la vie politique ait tant régressé dans ce pays». À son avis, sans doute un peu oublieux de certains anciens abus, «la praxis démocratique, florissante jadis, est en voie de disparition. Le Liban se rapproche des modèles environnants au lieu que ce soit le contraire». À en croire ce vieux loup de mer, «aux premiers jours de...