Rechercher
Rechercher

Actualités - BIOGRAPHIE

PORTRAIT - Se battre pour une politique de santé Atef Majdalani : le rêve jusqu’au bout

À 50 ans, Atef Majdalani a gardé tout l’enthousiasme et l’idéalisme de ses années d’adolescence quand il rêvait déjà de devenir médecin pour alléger la souffrance des autres. Sensible à la douleur d’autrui, déçu par l’absence d’une politique de santé et révolté par les difficultés auxquelles ses malades les plus démunis sont confrontés lorsqu’ils doivent être hospitalisés, le neurologue, élu le 3 septembre au siège grec-orthodoxe de Beyrouth I, caresse aujourd’hui le même rêve, devenu seulement plus grand, plus général : l’accès de tous aux soins à la santé. Actif et entreprenant, c’est la tribune parlementaire qu’il a choisie pour réaliser, enfin, ses rêves. Avec Atef Majdalani on en arrive facilement à oublier l’objet de l’entretien – établir le profil du nouveau représentant du peuple – pour discuter de diverses questions. Loquace, le médecin a le courage de ses convictions et veut, sans s’imposer, convaincre son interlocuteur du bien-fondé de ses vues. Un bon point pour un parlementaire qui a un projet à défendre. Simple et pragmatique aussi, il reconnaît que son choix affectera sa carrière de médecin et qu’il ne peut plus se donner entièrement à ses malades, comme dans le passé. Mais le jeu n’en vaut-il pas la chandelle ? C’est lui-même qui répondra, dans quatre ans et huit mois, à cette question. Marié à Mme Gladys Amine Aour, le Dr Majdalani a célébré le jour même de la première réunion de la nouvelle Chambre, le 17 octobre – sans doute une date porte-bonheur pour lui – le premier anniversaire de son mariage. Aujourd’hui, il affûte ses armes et se prépare à la bataille qui doit déboucher, espère-t-il, sur un amendement des lois relatives au domaine de la santé. «Comme médecin, je suis toujours très proche des gens, de leurs problèmes, de leurs souffrances physiques, qui en cachent souvent d’autres, en rapport avec leur situation socio-économique. J’ai été souvent, et je suis toujours confronté à un problème crucial : l’hospitalisation des malades qui n’ont pas un tiers payant qui sont démunis et dont l’état de santé nécessite impérativement un traitement et un suivi à l’hôpital. C’est lorsqu’il s’agit de leur trouver un lit avec, comme tiers payant le ministère de la Santé, que les difficultés commencent. On assiste alors à une nouvelle forme de souffrance, celle de la dignité humaine. Les malades sont obligés de supplier le médecin, l’Administration de l’hôpital pour leur accorder le droit d’être hospitalisé aux frais du ministère de la Santé. J’intervenais et j’interviens toujours pour régler ce problème. C’est tout cela qui m’a poussé à me dire : pourquoi ne pas essayer d’aller plus loin et de contribuer à soulager la souffrance physique et morale des gens, à travers l’activité parlementaire qui se concentre sur l’établissement de nouvelles lois et de nouvelles politiques, surtout de santé, pour pouvoir instituer le droit à l’hospitalisation à toute personne qui en a besoin ?». Une famille politisée Il n’en demeure pas moins que le nouveau député ne se sent pas étranger dans ce nouveau monde où il vient de faire son entrée. «Je suis moi-même issu d’une famille politisée. On sait que Nassim Majdalani a été député pendant douze ans. D’autres membres de la famille étaient affiliés à des partis. Mon père, lui, a surtout travaillé dans le contexte social. La politique fait donc partie du cadre de ma jeunesse». Mais pas au point de lui dicter le choix de sa carrière. Qui a été motivé par un incident qui aura marqué Atef Majdalani adolescent : «J’avais un oncle maternel qui avait passé cinquante ans aux États-Unis et qui est revenu au Liban à l’âge de 75 ans. Il habitait chez nous et il était malade. Un soir, il était très mal en point. Il suffoquait. J’ai passé la nuit à son chevet. Je voyais plusieurs médicaments sur sa table de nuit mais je ne savais pas lequel il fallait lui administrer. Lui les prenait comme d’habitude, mais je sentais qu’il avait besoin d’autre chose : soit qu’on les change, soit qu’on en augmente la dose. Cette nuit-là, il est décédé. Je me suis dit que si, à l’ékpoque, je comprenais quelque chose à la médecine, j’aurai peut-être pu l’aider». Pendant de longues années, il a été à l’écoute de ses malades. Sans interruption. Et n’a arrêté qu’un mois avant les élections, pour les besoins de sa campagne électorale. Aujourd’hui, il a repris le chemin de l’hôpital Saint-Georges où il exerce depuis 1992. Il sait pertinemment que son élection affectera son activité médicale mais il n’est pas pour autant près de renoncer à la médecine. Un de ses collègues est d’ailleurs disposé à l’aider et à prendre le relais lorsqu’il sera dans l’incapacité de répondre aux appels urgents. «Mais je tiens à poursuivre mon métier que j’adore», insiste-t-il. Ne craint-il pas d’être happé ou grisé par ses nouvelles fonctions, comme on peut être grisé par le pouvoir ? La réponse fuse, rapide : «Pour moi, le pouvoir est un moyen et non pas un but en soi». C’est peut-être pour cela qu’il croit fermement aux mérites du travail de groupe à travers lequel il sait qu’il peut, beaucoup plus qu’à titre individuel, réaliser les projets qu’il a en tête. «Le problème de la vie politique au Liban, c’est l’individualisme. C’est la cause essentielle de l’échec (qu’on constate). Au niveau économique et notamment commercial, c’est un atout. Mais pour que la publique débouche sur des résultats fructueux, il faut travailler au sein d’un courant ou d’un parti politique. Voilà pourquoi j’ai commencé ma vie politique au sein d’un groupe appartenant à un courant politique. J’espère réussir dans mes projets de réforme en matière de santé et faire passer les projets de loi que nous comptons élaborer dans ce cadre, grâce à cette action commune». Le Dr Majdalani fait partie du groupe parlementaire de M. Rafic Hariri, à qui l’on peut d’ailleurs reprocher de ne pas avoir accordé suffisamment d’importance au dossier de la santé durant les six années qu’il a passées à la tête du pouvoir. «Les années se suivent mais ne se ressemblent pas», réplique le parlementaire, qui défend vivement la politique Hariri, estimant qu’en 1992, date à laquelle ce dernier a été nommé pour la première fois à la tête du gouvernement, il fallait accorder la priorité aux travaux d’infrastructure. «La pierre est faite pour l’homme», insiste-t-il encore tout en faisant remarquer qu’à l’époque, les prestations du gouvernement dans le domaine de la santé étaient «de loin meilleures que celles qui ont été décidées par le Cabinet Hoss». « Des critères de justice » La carte de santé, instituée par le gouvernement sortant, s’assimile à ses yeux, à «un jeu d’enfant parce qu’elle ne peut être utilisée que dans trois hôpitaux (gouvernementaux) seulement : à Tannourine, Dahr el-Bachek et Nabatiyé, et parce qu’il suffit, pour l’avoir de présenter un document attestant que le bénéficiaire n’est pas inscrit à la Sécurité sociale». «Mais on peut avoir des millions et ne pas être inscrit à la CNSS, s’exclame-t-il. Il faut trouver des critères de justice pour les gens qui ont vraiment besoin d’avoir cette carte. Il faut aussi que les bénéficiaires puissent s’en servir à n’importe quel moment et partout. Maintenant que l’infrastructure a été créée, ou presque, je pense qu’en fonction du progrès économique qu’on espère réaliser grâce à notre plan économique, il est possible de préparer un nombre plus important de prestations sociales et médicales et régler le problème de l’hospitalisation des personnes démunies». Selon lui, il est possible au stade actuel, et avec les moyens de bord, de rationaliser la politique de santé, et donc d’améliorer les prestations médicales, en groupant les différents budgets alloués aux services de sécurité et aux fonctionnaires de l’État. L’Ordre des médecins, rappelle-t-il, a élaboré un projet de loi en ce sens et c’est ce texte qui sera en premier présenté aux autorités dans le cadre du projet de réforme du système de santé, qu’il a préconisé. Le président de l’Ordre des médecins, le Dr Ghattas Khoury, fait partie comme on le sait du bloc parlementaire de M. Hariri qui comprend un troisième médecin, le Dr Bassem Yamout. Pour l’heure, M. Majdalani s’abstient de définir le rôle qu’il aura à assumer au sein des commissions parlementaires appelées à être formées, affirmant que toute décision concernant les candidatures aux commissions ou à des postes ministériels est prise au sein du bloc parlementaire auquel il appartient. Il ne cache toutefois pas qu’il aimerait bien faire partie de la commission de l’Environnement – en plus, bien sûr, de celle de la Santé –, «parce que je pense que l’environnement est étroitement lié à la santé». La démocratie au sein du groupe Mais ces concertations interparlementaires «contraignantes» ne sont-elles pas une arme à double tranchant ? Le député membre du bloc ne risque-t-il pas de perdre son autonomie ? «Les Libanais ne sont pas habitués au travail de groupe. Au sein d’un bloc, on peut discuter et présenter nos opinions, mais en fin de compte il faut qu’un point de vue soit retenu. Les membres du bloc doivent faire en sorte qu’une seule voix s’entende». Il rejette l’idée selon laquelle les membres du bloc Hariri sont en fait les porte-parole de l’ancien chef de gouvernement. «M. Hariri est toujours à l’écoute des différents points de vue et c’est au terme d’une discussion qu’une idée commune est dégagée». Au sein du groupe parlementaire, c’est la démocratie qui prévaut et c’est elle «qui doit prévaloir dans le discours national». Force est de constater que le député de Beyrouth ne s’est pas mêlé de la polémique politique qui a éclaté il y a quelques semaines. Le Dr Majdalani prône une modération qu’il souhaite voir appliquée à l’échelle nationale. «Pour que le Liban puisse avancer et qu’il ait sa place dans la communauté internationale, il faut respecter les quatre constantes suivantes : une vie démocratique, une liberté absolue de conscience, la tolérance et la modération dans les prises de position». Les différents problèmes qui se posent, tels que la présence syrienne au Liban, doivent être réglés, estime-t-il à travers les institutions de l’État. Il est farouchement en faveur des prises de position susceptibles de déboucher sur un consensus et de faire l’unamité des Libanais. «Je cherche à unir et non pas à diviser. Voilà pourquoi je suis, à titre d’exemple, en faveur d’un découpage électoral basé sur la circonscription unique». Pour lui, une loi basée sur une telle division ne peut que «favoriser, par un dynamisme de groupe, l’émergence de partis politiques représentatifs à l’échelle nationale» et contribuer ainsi à régulariser la vie politique dans le pays. «La bataille électorale ne sera plus celle de clans mais sera basée sur les idées et les programmes», fait-il valoir. Atef Majdalani est un homme actif. Le peu de temps libre que lui laissent sa carrière de médecin, et maintenant de député, il le consacre aux échecs ou à la lecture, ses deux passe-temps favoris. Mais rien ne supplantera la médecine. «Je resterai toujours médecin». Tilda Abou Rizk
À 50 ans, Atef Majdalani a gardé tout l’enthousiasme et l’idéalisme de ses années d’adolescence quand il rêvait déjà de devenir médecin pour alléger la souffrance des autres. Sensible à la douleur d’autrui, déçu par l’absence d’une politique de santé et révolté par les difficultés auxquelles ses malades les plus démunis sont confrontés lorsqu’ils doivent...