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Actualités - REPORTAGES

Éducation - 23 milliards de livres consacrées aux plus démunis dans les écoles catholiques II - Aides et bourses grèvent les budgets des établissements scolaires

Dans nombre d’établissements scolaires privés, l’entraide n’est pas un vain mot. Désormais, et depuis la crise économique qui touche fortement le secteur éducatif, les aides s’organisent, face au nombre croissant de parents qui ne parviennent plus à payer la scolarité de leurs enfants. Les directions des écoles chrétiennes, musulmanes et même laïques ont créé des caisses de bourses, pour permettre à leurs élèves moins favorisés de continuer à avoir accès à un enseignement de qualité et leur éviter de changer d’établissement. L’année passée, le montant des aides scolaires a atteint le chiffre de 23 milliards de livres libanaises dans les écoles catholiques, plafond qu’il sera difficile, voire impossible, de dépasser, selon les estimations de Mgr Camille Zeidan, secrétaire général de l’enseignement catholique. Car les écoles privées donnent des signes d’essoufflement et n’en peuvent plus de devoir à la fois assumer les nouvelles augmentations du corps enseignant et les taxes et charges qu’elles versent à l’État, alors qu’elles ont gelé les écolages, jusqu’à nouvel ordre. Preuve en est la fermeture de quelques établissements privés (1). Désormais, les assistantes sociales ne chôment plus. Ce sont elles qui prennent en charge les dossiers d’aides et de bourses scolaires, ainsi que les écolages impayés, dans la majorité des écoles privées. Aussi, tout est pris en considération pour accorder une bourse scolaire aux élèves des familles démunies, et pour échelonner ou éponger une dette impayée. Chaque cas est traité individuellement, et une visite aux familles est de rigueur, alors qu’une liste complète de tous les avoirs est établie, mais aussi des rentrées mensuelles et des dettes contractées. Suite à l’enquête, les aides sont accordées aux élèves les plus touchés par la crise, afin de leur donner la possibilité de poursuivre leur scolarité, au même titre que les autres élèves. Au collège des Frères du Mont La Salle, où les aides scolaires se sont élevées à 500 millions de livres libanaises l’année passée, représentant près de 9 % du budget des scolarités, le frère Habib Zraïby déclare avoir engagé une assistante sociale pour s’assurer de la bonne foi des familles. «La situation devient intenable pour certains, dit-il, et les aides atteindront probablement 10 % du budget, vu le nombre croissant de parents confrentés à une situation financière dramatique. Et si certains parents d’élèves ont souvent honte de parler de leurs problèmes financiers et de demander des réductions ou des bourses scolaires, d’autres n’ont aucun scrupule à frauder. C’est la raison pour laquelle j’adresse toutes les demandes à l’assistante sociale, qui saura prendre la bonne décision, après avoir mené son enquête auprès des familles», explique le directeur. Évidemment, ajoute-t-il, l’assistante sociale sait parfaitement bien qu’elle ne doit pas se fier aux apparences, et sa décision ne sera prise qu’en fonction des rentrées financières réelles de la famille concernée. Au collège Notre-Dame de Jamhour, où un budget de 750 millions de livres libanaises a été consacré l’année dernière aux bourses scolaires, sans compter la prise en charge des enfants des 400 enseignants et employés du collège, certains parents rechignent à s’adresser à l’assistante sociale. Refusant de passer par une intermédiaire, ils préfèrent s’adresser directement au recteur. La crise touche de nombreuses familles de commerçants, d’industriels, mais aussi de médecins, alors que plusieurs employés qui ont contracté des emprunts connaissent parallèlement des réductions de salaires. «Certains pères de famille ont carrément honte de demander de l’aide, et s’ils viennent à moi, c’est qu’ils n’ont pas d’autre choix», explique le père Sélim Daccache. Et d’ajouter : «Je ne peux que les aider, car je sais que leurs professions ne leur permettent plus de joindre les deux bouts». Bourses totales ou partielles Une fois la décision prise, chaque établissement scolaire aide les élèves selon son budget. Il y a quelques années, les bourses scolaires constituaient 5 % du budget des écoles. Aujourd’hui, ce chiffre a doublé, voire triplé dans certains établissements, alors que les demandes de bourses ne cessent d’augmenter. Dans les écoles de l’association caritative de Amilyé, qui reçoivent 3 500 élèves, rares sont ceux qui paient intégralement la scolarité. Les aides atteignent 50 % du budget total, vu la vocation de bienfaisance de l’association. Ainsi, des réductions allant de 20 à 100 % de l’écolage sont accordées aux plus démunis, aux familles nombreuses, aux élèves brillants, aux orphelins, aux enfants malades ou à ceux qui ont un parent malade. Dans un collège laïc renommé, l’échelonnement de l’écolage est chose courante, alors que 400 élèves ont bénéficié l’année passée de réductions d’environ 40 %. Et pour apporter une aide aux élèves de tous les milieux, l’établissement a élaboré un programme intégrant chaque année dans ses établissements 18 élèves brillants venus d’autres écoles, moyennant des bourses partielles ou totales. C’est ainsi que le collège a consacré l’année passée 850 millions de livres libanaises aux bourses scolaires, alors que la direction prévoit d’atteindre un budget de un milliard de livres cette année, cela pour répondre à l’augmentation des demandes. «Mais, explique la direction, une telle décision est liée aux performances de l’élève. Et il est important qu’il réussisse». Contraintes de jongler avec les scolarités impayées et d’alimenter les caisses d’entraide, les écoles privées ne parviennent plus à appliquer le budget élaboré par l’État, qui consacre 65 % des scolarités aux salaires des enseignants et 35 % aux frais d’entretien et d’équipements, sous peine d’accuser des déficits considérables. L’heure est aux économies et les directions d’établissements doivent se résoudre à faire des choix souvent difficiles. Ainsi, à l’école de Zahret el-Ihsan, qui est rattachée à l’archevêché grec-orthodoxe de Beyrouth, le montant des bourses scolaires s’est chiffré à 650 millions de livres libanaises l’année passée, représentant 20 % des scolarités. «Nous ne pourrons pas continuer de la sorte, cette année, déplore Hala Skaff, directrice de l’établissement, car nous avons dépassé nos possibilités, alors que nos rentrées sont limitées». «Malheureusement, ajoute-t-elle, la crise survient au moment où les établissements scolaires doivent investir dans de nouveaux équipements pour appliquer la réforme de l’enseignement». Et si l’établissement a pu s’équiper du matériel nécessaire à l’application des nouveaux programmes, il a fallu faire des économies au niveau de l’entretien des bâtiments qui sont centenaires, explique Mme Skaff. Les dons dans les milieux aisés Heureusement, la solidarité s’organise. Et malgré la crise économique, les aides affluent dans les grands collèges. La majorité d’entre eux compte sur les anciens élèves, réunis en amicales, en mutuelles ou en associations pour alimenter les caisses de bourses scolaires. Soirées, tombolas et activités sont organisées pour réunir le plus de fonds possibles, durant toute l’année. Aussi, le collège Notre-Dame de Jamhour donne-t-il aux parents le choix entre trois montants de scolarité, les tarifs B et C étant supérieurs au tarif A de 20 et 40 % et servant à alimenter la caisse des bourses scolaires. Et de manière étonnante, dit le recteur, les réponses positives aux tarifs d’entraide sont légèrement plus importantes cette année que l’année précédente, alors que nous nous attendions au pire. En effet, 20 % des parents d’élèves se sont engagés à opter pour l’un des deux tarifs d’entraide, alors qu’ils n’étaient que 17 % l’année passée. Au collège du Mont La Salle, la direction fait appel à ses anciens qui débordent d’ingéniosité pour recueillir dons et aides. Mais les temps sont durs et les donateurs sont souvent moins généreux qu’avant. Seuls quelques établissements peuvent compter sur des donateurs aisés, alors que d’autres cherchent désespérément un moyen de renflouer leurs caisses de bourses. À Amilyé, où la majorité des élèves sont issus de la classe défavorisée, l’école ne peut compter sur aucune aide extérieure. «Trois sources servent au financement de l’établissement et des fonds de bourses, explique le directeur de l’établissement, Mohammed Hamadé : les scolarités qui plafonnent à 2 millions de livres dans les classes terminales, les subventions que nous recevons pour nos deux écoles gratuites et le loyer que nous paie le ministère des Finances dont les bâtiments sont la propriété de l’institution». Malgré cela, l’établissement accuse un déficit de 2 milliards de livres. Et les enfants dans tout cela ? De même que leurs parents, confrontés à des situations financières difficiles, ils vivent un stress permanent, d’après Hala Skaff, directrice de Zahret el-Ihsan. «Nous sentons ces enfants négligés par leur famille, car les deux parents travaillent dur pour tenter de joindre les deux bouts. Et l’enfant vit mal cette privation. Le danger de l’éclatement de la famille guette notre société, ajoute-t-elle, c’est pourquoi il est préférable de s’occuper pleinement de l’enfant plutôt que de chercher à assurer toutes ses demandes matérielles». D’où la nécessité pour les parents de réaliser qu’il doivent apprendre à réduire leur niveau de vie, lancent à l’unanimité les 5 directeurs d’écoles que nous avons rencontrés. Car de nombreux parents ne réalisent pas encore qu’ils ne peuvent rouler en voitures grosses cylindrées et s’abstenir de payer les scolarités de leurs enfants ou réclamer des aides scolaires, alors que d’autres familles vivent réellement dans la misère la plus totale. Si les établissements scolaires que nous avons visités pratiquent une politique active d’aide aux familles touchées par la crise économique, il n’en est pas de même s’agissant de toutes les écoles privées du pays. En effet, certaines institutions ouvrent leurs portes à des fins commerciales et renvoient systématiquement les élèves qui n’ont pas versé leur scolarité rubis sur l’ongle, retenant le livret scolaire de ceux qui n’ont pas réglé la totalité de leur écolage. (1) Voir «l’Orient-Le Jour» du mercredi 11 octobre.
Dans nombre d’établissements scolaires privés, l’entraide n’est pas un vain mot. Désormais, et depuis la crise économique qui touche fortement le secteur éducatif, les aides s’organisent, face au nombre croissant de parents qui ne parviennent plus à payer la scolarité de leurs enfants. Les directions des écoles chrétiennes, musulmanes et même laïques ont créé des...