Carthage, « la nouvelle ville »

 Son nom phénicien Qart-Hadasht signifie «la nouvelle ville». Située au fond du «Sinus uticensis» (aujourd’hui le golfe de Tunis) et protégée à l’est et à l’ouest pas ses deux caps, elle était bâtie en partie sur une sorte de promontoire. La légende attribue sa fondation à des Tyriens conduits par Élissa, fille du roi de Tyr, Mattan, qui fuyait la tyrannie de son frère Pygmalion. La tradition connaît Élissa sous le nom de Didon (la fugitive). Peu de documents nous permettent d’accepter ou de repousser ce récit. Il semble cependant que la fondation de Carthage, qu’on peut placer vers la fin du IXe siècle (environ 814), n’eut pas lieu contre la volonté de Tyr, car nous voyons la nouvelle ville adopter l’attitude de vassale envers la métropole. Chaque année une ambassade allait sacrifier à Tyr au temple de Melquart, et portait une offrande égale, à l’origine, au dixième des revenus du nouvel État. Ce n’est qu’à partir du VIe siècle que l’histoire véritable de Carthage commence ; c’est en effet le moment où la puissance de Tyr est abattue par Nabuchodonosor (604-561). Carthage reprit à son profit la politique colonisatrice de Tyr et de Sidon, soit qu’elle rangeât sous son hégémonie les anciennes colonies phéniciennes, soit qu’elle en fondât de nouvelles. Vers 650, les Carthaginois s’installent dans l’île d’Iviça, bon port sur le trajet de la Sardaigne à l’Espagne par les Baléares. La protection accordée par Carthage aux colonies phéniciennes de l’ouest et son hégémonie sur elles s’expliquent par l’éloignement de la mère-patrie, son incapacité à les secourir. Macrobe et Justin rappellent brièvement les attaques qu’eurent à subir les Phéniciens de Gadès de la part des Espagnols, leurs voisins. Tyr était trop loin pour agir, et la décadence était son lot ; à la courte période d’indépendance des villes phéniciennes, avaient fait place les luttes contre les Assyriens et les Perses, où succombèrent Tyr et Sidon ; à partir de ce jour, leur activité se trouva forcément limitée. Georges CONTENAU, «La Civilisation phénicienne».