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Actualités - INTERVIEWS

Interview - Le ministre de la Défense compte assumer ses responsabilités jusqu’au bout Khalil Hraoui : L’armée est là pour protéger le régime et plus tard la paix

Les journalistes entrent désormais au ministère de la Défense comme une lettre à la poste : ni fouille ni mesures particulières, le nouveau ministre est très strict sur la question. Khalil Hraoui est un civil et compte bien le rester, même s’il est tout à fait conscient de la délicatesse de la situation et de la nécessité d’une coordination totale entre son ministère et l’armée, mais aussi entre l’équipe politique et le commandement militaire. Il affirme à L’Orient-Le Jour que son rôle ne se limitera pas à inaugurer les chrysanthèmes et que les prérogatives du ministre de la Défense sont plus étendues qu’il n’y paraît. Avocat de formation, Khalil Hraoui n’a pas eu à chercher pour trouver sa voie. À la mort de son père en 1964, il lui a fallu reprendre le flambeau politique, mais la guerre a quelque peu retardé sa vocation. Finalement, c’est en 1984 que le jeune Khalil a fait son entrée sur la scène politique, en participant à une commission zahliote parrainée par les évêques de la ville pour trouver une solution au problème des membres des Forces libanaises réfugiés dans la localité. «Ce fut un règlement à l’amiable, les miliciens originaires de Zahlé restant sur place et les autres retournant dans les régions est. Cette issue est d’ailleurs devenue un exemple des solutions pacifiques par opposition au règlement tripolitain qui avait vu le départ par la force de Yasser Arafat de la capitale du Nord». Depuis ce jour, Khalil Hraoui n’a plus quitté la scène politique. En 1991, il avait été nommé député puis il a été élu dans tous les scrutins, devenant président de la commission parlementaire des finances et réussissant à se donner une ligne politique claire et modérée. La constante, c’est son appui à la présence syrienne au Liban, mais il a réussi à se démarquer de son oncle, président de la République pendant neuf ans, en se créant une place à part à la fois critique et ouverte. Responsable administratif D’ailleurs, il estime aujourd’hui que c’est la clarté de sa position et ses bonnes relations avec tout le monde qui lui ont valu d’être choisi comme ministre de la Défense. «J’ignore qui a lancé mon nom en premier et je ne me considère pas comme le représentant au gouvernement de l’un des responsables. S’il faut parler régionalement, je représente bien sûr la Békaa, mais il y a aussi plus que cela : toutes les personnes concernées ont eu l’occasion de voir comment je travaille». Est-ce une promotion d’être ministre de la Défense alors que l’on croit généralement que ce poste est de pure forme ? «Je ne suis pas d’accord avec cette description du rôle du ministre de la Défense. Ce dernier est le responsable administratif de l’armée et du ministère. C’est lui qui signe les décrets et toutes les formalités. Finalement, comme dans tout poste de responsabilité, le rôle dépend de la personne. En ce qui me concerne, j’estime être là pour travailler. Même les questions purement militaires passent par le ministre. Personnellement, j’essaierais de ne pas trop m’en mêler, car les activités militaires sont aujourd’hui dictées par des critères précis, non par des intérêts, depuis que le général Émile Lahoud a réédifié la troupe et que le général Michel Sleimane respecte la même ligne. En tout cas, le ministre surveille et intervient lorsque cela s’avère nécessaire, mais il est aussi la face politique de l’armée». La politique n’est-elle pas déterminée par le Conseil des ministres ? «Certainement, mais le ministre de la Défense a son mot à dire concernant son ministère. Il participe activement à l’élaboration de la politique de défense et c’est lui qui est responsable de son exécution, en la transmettant au commandant en chef. Il n’y a pas au sein de l’armée une ligne politique indépendante. C’est pourquoi je considère qu’une coordination totale entre le ministre et le commandant en chef est indispensable et j’apprécie le travail du général Michel Sleimane selon la ligne tracée par le général Lahoud». Plus de communiqués de sources non identifiées Le président du Conseil a déclaré au Parlement que c’est la Syrie qui a réédifié l’armée et que sans elle, celle-ci n’existerait pas. «La Syrie a aidé à la réédification de l’armée en lui fournissant des équipements et en assurant la volonté politique de cette réédification. Elle a aussi facilité le déploiement de la troupe dans certaines régions traditionnellement inaccessibles aux forces légales. Mais c’est le général Lahoud qui a unifié et homogénéisé la troupe». Quel est le rôle exact de cette armée ? «L’armée n’intervient pas dans la vie politique ; elle est là pour protéger le régime, issu de l’accord de Taëf. Elle représente sa sécurité». En tant que ministre de la Défense a-t-il un contrôle sur les services de renseignements ? «Certainement. D’ailleurs, le travail de cette direction est très réglementé. Depuis longtemps, il n’y a plus de communiqués de sources de sécurité non identifiées». N’a-t-il pas peur d’être doublé par les services ? «Non. Je ne crois pas qu’ils aient l’intention de le faire et je ne crois pas non plus être le genre de personne qui laisse passer les choses derrière son dos. Je le répète, tout dépend de la personnalité de celui qui assume les responsabilités. Personnellement, je crois être du genre à assumer mes responsabilités jusqu’au bout. Cela ne signifie pas que je doive nécessairement m’opposer à tout le monde. Je crois en la complémentarité». Pourquoi l’armée ne se déploie-t-elle pas au Sud, là où on a besoin d’elle ? «L’armée est la garante du régime et elle est édifiée pour protéger la paix future. Pour l’instant, il y a un profond malentendu : nous pensons que la résolution 425 n’est pas appliquée, Israël continuant à violer notre souveraineté, à occuper notre territoire et à retenir chez lui des détenus libanais. De plus quand il n’y a pas de paix, si l’armée est déployée, le moindre incident peut se transformer en affrontement et en acte de guerre, alors que s’il n’y a pas de forces légales, la dégradation ne dépasse pas certaines limites. Pour éviter une guerre, l’armée déployée à la frontière devrait convenir de mesures de sécurité avec les troupes ennemies qui lui font face, et on aboutirait ainsi à des arrangements de sécurité dans le genre de l’accord du 17 mai. Comme le Liban ne veut ni d’une guerre ni d’un arrangement de sécurité, il ne peut envoyer la troupe à la frontière sud, avant la signature de la paix». Le ministre rappelle à cet égard que, selon lui, le Liban devrait être le dernier pays à signer la paix avec Israël car il ne peut accepter un règlement sur base de l’acceptation de la présence palestinienne sur son territoire. Si c’est aussi clair, comment explique-t-il l’insistance de l’Onu à réclamer le déploiement de l’armée au Sud ? «Je souhaite que les Nations unies cessent d’aborder ce sujet. Le Liban coopère étroitement avec cette instance, et la présence des Casques bleus au Sud s’inscrit dans le cadre d’une solution globale. Si cette force se retire, il y aura des risques graves de détérioration de la situation». Avec l’Onu pas de menaces, mais un échange de vues S’agit-il donc de menaces adressées par l’Onu au Liban ? «Je ne considère pas qu’il s’agit de menaces, mais d’une opinion et nous la discutons. C’est un échange de points de vue». Que pense-t-il du débat actuel sur la présence syrienne au Liban ? «J’aurais souhaité que ce sujet ne soit pas abordé de cette façon. Lorsqu’on replace la présence syrienne au Liban dans une optique stratégique, on ne soulève plus la question de son retrait. Si on revient au passé, les troupes syriennes sont entrées au Liban pour empêcher la partition du pays et retirer le Liban de la politique de polarisation régionale. Le premier objectif a été atteint et le second ne l’est qu’à moitié depuis le retrait israélien du Sud. Il le sera complètement lorsque le retrait sera total. Par ailleurs, il faut rappeler que les deux armées libanaise et syrienne coordonnent entièrement leur action sur le terrain. Toutes les deux sont dans la même tranchée dans cet affrontement stratégique avec l’ennemi et chaque modification des positions syriennes se fait en accord avec le commandement libanais, non à cause de certaines pressions. Les deux commandements étudient ensemble les lieux où la présence syrienne est nécessaire et là où elle ne l’est pas. Si les citoyens ont à se plaindre des comportements de certains soldats syriens, cela peut se régler. À mon avis, il est temps de clore ce dossier». Scarlett HADDAD
Les journalistes entrent désormais au ministère de la Défense comme une lettre à la poste : ni fouille ni mesures particulières, le nouveau ministre est très strict sur la question. Khalil Hraoui est un civil et compte bien le rester, même s’il est tout à fait conscient de la délicatesse de la situation et de la nécessité d’une coordination totale entre son ministère et...