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Actualités - ANALYSE

Un défi immédiat pour le Cabinet : les libertés

Subtil : alors qu’on l’attendait à la Chambre sur la question de la présence militaire syrienne, le président du Conseil a répondu en se faisant le chantre vibrant des libertés ! Une façon à peine voilée de dire que lui aussi, il refuse. Aussi ce n’est pas sans une curiosité teintée de tension que l’on attend aujourd’hui de voir ce qu’il va faire après son retour de Doha. En effet, au-delà du problème chronique de la crise économique, l’actualité la plus brûlante, la plus frappante se rapporte à ces libertés si facilement, si couramment foulées aux pieds, au double sens littéral et figuré de l’expression. Sans liberté, pas de Liban, l’équation est bien connue. Il est même le seul État de la région qui ne vive pratiquement que de ce pain-là. Sur un ton grave, mais engagé, le président Rafic Hariri a promis dans son discours à l’Assemblée que son gouvernement mettrait un frein à tous les abus, interdirait la répression aveugle du droit d’opinion ou d’expression, les arrestations arbitraires et les sévices. Pour faire respecter les principes que la Constitution de ce pays sacralise jusqu’à nouvel ordre. S’interdisant toute fausse diplomatie, M. Hariri a déclaré très nettement qu’il fera barrage à la transformation du Liban en un pays gouverné par les «fantômes», les services et les renseignements secrets. Il a martelé avec force que sous son égide, seule une démocratie des lois, lumineuse de transparence, doit régner, à l’ombre d’un État de droit et des institutions. Pour conclure que son gouvernement et lui-même n’hésiteront pas à combattre pour une telle cause. M. Hariri a été en quelque sorte entendu plus vite qu’il ne le pensait. Car l’encre de ses proclamations n’a pas encore séché qu’il se trouve confronté à de redoutables défis libertaires. La discrimination musclée autant que politique dont l’Est se plaint depuis dix ans s’étend brusquement à d’autres pans de la population. Et cela au moment même où, à part M. Hariri, des voix de députés de divers bords commençaient à s’élever plus clairement contre l’oppression et pour le droit à l’expression de tous, rivaux politiques compris. Ce qui rappelle le mot fameux de Voltaire, écrivant à un adversaire quelque chose comme : «Je ne partage pas du tout votre point de vue ; mais je me ferais tuer pour que vous gardiez le droit de l’exprimer». D’autres cependant s’illustrent sur la scène locale par une attitude tout à fait opposée. Ils parlent non pas de se faire tuer, mais de tuer celui qui parle ! Et qui ne cache plus qu’il se sent menacé de mort. Au-delà de ces stressantes péripéties, «il faut comprendre, souligne un parlementaire opposant, que ce qu’on cherche à nous imposer aujourd’hui par une terreur larvée, c’est le langage et la pensée uniques. Modèle possible ou acceptable ailleurs, en regard des intérêts nationaux, mais pas du tout chez nous. Pour un pays comme le nôtre, le moule uniformisé serait une chape asphyxiante mortelle. Il nous faut le dialogue, il nous faut l’opposition, il nous faut la préservation de notre pluralité. À part des mesures techniques ponctuelles, largement inefficientes puisqu’elles ne concernent que les services libanais, ce que le problème des libertés requiert, c’est un traitement politique de fond. Par la bande, c’est-à-dire par un dialogue national dont le pouvoir doit être l’organisateur. Un dialogue que le gouvernement doit avoir le courage de protéger des immixtions de torpillage». C’est sans doute trop en demander. «En tout cas, reprend cette personnalité, M. Hariri se trouve confronté à un sévère défi. Les développements survenus en son absence ont profondément choqué l’opinion, confortée dans ses réactions de réprobation par les déclarations en flèche de Bkerké, qui met le doigt sur la plaie. M. Gébrane Tuéni interdit de conférence à Zahlé, où un cordon sécuritaire a été installé autour de l’école où il devait parler, c’est déjà beaucoup. Mais que des barrages routiers se multiplient soudain au Chouf, notamment sur la route et aux abords de Moukhtara, au moment où de nouvelles menaces physiques sont adressées publiquement à M. Walid Joumblatt, c’est trop. Il est évident qu’on veut répéter au leader du PSP un message qu’il affirme avoir bien capté. Et qu’on veut aussi filtrer au maximum les innombrables délégations qui courent lui exprimer le soutien du pays entier dans son épreuve». «La plupart des Libanais ont sans doute compris maintenant que ce qui arrive à l’autre aujourd’hui peut fort bien leur arriver demain, souligne cette même source. C’est cela le totalitarisme. Si M. Hariri ne réagit pas, il aura moralement démissionné et perdra sans doute tout le crédit populaire gagné lors des élections. Il faudra que les responsables sécuritaires s’expliquent. Et précisent au chef du gouvernement pourquoi il leur a semblé bon de prendre des mesures spéciales au Chouf ou à Zahlé. Car le prétexte invoqué dans les deux cas était la préservation de la stabilité et de la sécurité. Il faudra que ces responsables disent en quoi le rapide passage de M. Tuéni à Zahlé et la présence de M. Joumblatt dans son palais de Moukhtara peuvent mettre la république en danger». Plutôt embarrassé, et en attendant que M. Hariri apporte ses propres réponses, un ministre explique que «le gouvernement est pour la liberté d’expression et respecte l’opinion, privée comme publique. Il prône le dialogue sous le couvert de Taëf. Mais il est aussi contre l’anarchie et doit veiller à la sécurité comme à la stabilité du pays». Philippe ABI-AKL
Subtil : alors qu’on l’attendait à la Chambre sur la question de la présence militaire syrienne, le président du Conseil a répondu en se faisant le chantre vibrant des libertés ! Une façon à peine voilée de dire que lui aussi, il refuse. Aussi ce n’est pas sans une curiosité teintée de tension que l’on attend aujourd’hui de voir ce qu’il va faire après son retour...