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Actualités - CHRONOLOGIE

DÉBAT DE CONFIANCE - « La livre ne sera pas dévaluée », affirme le Premier ministre Nouvelle vague ou beaucoup de bruit pour rien ?

Cinq jours et sept séances, avec à la clé, sur 118 votants, 95 oui, 17 abstentions et 6 non. Depuis Taëf, aucun débat de confiance au Parlement n’aura duré aussi longtemps. Les raisons sont simples : nouvelle législature, nouvelles têtes et 74 députés à avoir demandé la parole. Pourquoi tant d’interventions ? La télévision était constamment là, bienveillante et rapace à la fois – la télévision, c’est le tremplin idéal pour se faire connaître du plus grand nombre lorsque l’on a sa place, pour la première fois, au sein de l’hémicycle. Ce n’est, évidemment pas, la seule explication, encore moins la plus recevable. Évidence suprême : la conjoncture locale, l’«état des lieux», qu’il soit politique, social ou économique surtout, est aujourd’hui tellement alarmant qu’une très grande majorité des parlementaires, à tort ou à raison, a ressenti comme un besoin impérieux de s’exprimer. Sauf que la principale raison, qu’elle soit directe ou pas, de cette affluence à la tribune parlementaire a incontestablement été la première des interventions. Les mots du vieux lion... En brisant net un tabou place de l’Étoile – la présence syrienne –, Albert Moukheiber a divisé la Chambre, a divisé la rue et a déclenché une interminable polémique. Soixante-quatorze allocutions et la réponse du gouvernement, par la bouche de Rafic Hariri : des heures et des heures de discours, souvent lassants, tantôt inutiles, tantôt prépondérants. Et pourtant. Il est clair que le jeu en valait la chandelle – le temps seul confirmera. Et il n’y a aucune raison pour qu’il ne le fasse pas. 74 interventions et une réponse qui ont permis, à différents degrés certes, de tourner des pages entières de «faits accomplis», qui ont permis, avec plus ou moins de bonheur, d’apporter un peu d’espoir(s), le mot n’est aucunement usurpé, dans un quotidien oscillant constamment entre le gris le plus foncé et le noir total. Cinq jours, cinq thèmes Cinq thèmes majeurs – majeurs surtout parce que récurrents lorsque l’on réécoute l’ensemble des 74 voix – se dégagent de ces cinq journées, et ils le font presque naturellement. La présence syrienne donc, avec tous ses corollaires, avec surtout ce concept, primordial et urgentissime certes mais un peu fourre-tout, de réconciliation et d’union nationales. Deuxio, la notion de liberté, celle, surtout, de libertés, et tout ce qui en découle : les arrestations arbitraires – il y en a eu 889 en quelques semaines, ainsi que la relation entre l’Exécutif et le judiciaire. La situation économique ensuite, et là tout le monde est d’accord : c’est le désastre. La composition du gouvernement également : la présence de certains ministres, celle notamment de Fouad Siniora, mais aussi la représentation arménienne. Les régions enfin, parce que même si elles sont toutes plus ou moins logées à la même enseigne, elles concernent au premier chef et les électeurs, et les élus, et qu’au-delà, il y a cette loi électorale, loin d’avoir fait il y a quelques mois ou de faire aujourd’hui l’unanimité. Le Liban et la Syrie. D’offensives musclées en contre-offensives d’un niveau parfois plus que douteux – il suffit, pour comprendre, de lire l’inadmissible laïus de Assem Kanso, aux antipodes de la mesure d’un Moustapha Miro ou d’un Farouk el-Chareh, les partisans d’une révision – d’un rééquilibrage – des relations libano-syriennes et les défenseurs acharnés et dithyrambiques – haririens, berrystes, baasistes, PSNS et dans une moindre mesure Hezbollahi – de la présence sur le sol libanais des forces de Damas, se sont livrés à un véritable bras de fer qui tenait définitivement plus du dialogue de sourds que d’un véritable débat. Et la polémique qui en a découlé a pratiquement occulté la déclaration ministérielle, censée être le véritable objet du débat. Le député du Metn a, faut-il le répéter, brisé l’ultime tabou, place de l’Étoile, en demandant expressément et sans aucune complaisance au gouvernement le retrait des 35 000 soldats syriens du Liban, ainsi qu’un échange d’ambassadeurs entre les deux pays. Il a même «forcé» Nabih Berry, fait rare, à demander à Rafic Hariri de lui répondre sur-le-champ. Et pas plus tard que le lendemain, Walid Joumblatt, l’un des principaux «bâtisseurs» de cette union nationale encore au stade de chimère, sans aller aussi loin que Moukheiber, se prononce, pour la première fois dans l’hémicycle, pour un redéploiement des troupes de Damas. Donnant comme beaucoup d’intervenants chrétiens et d’une façon presque imparable – le discours clinquant d’un Nasser Kandil ne doit pas leurrer – raison à Bkerké, le chef du PSP a refusé les immixtions syriennes dans la vie publique libanaise. «Mon discours ressemble point par point à celui de Nassib Lahoud», a-t-il dit hier. Effectivement, l’intervention dimanche du député de Baabdate est venue à point nommé montrer, si tant est qu’il en était besoin, à quel point il n’avait pas varié d’un iota des positions qu’il avait prises lors de la campagne électorale. Même son de cloche pour Salah Honein, également dimanche, et surtout pour Pierre Gemayel et Antoine Ghanem, qui, non contents d’avoir signé le retour, huit ans après, des Kataëb place de l’Étoile, ont chacun abondé dans le sens d’Albert Moukheiber. Et c’est là que, dans sa réponse, le Premier ministre a déçu et désillusionné tous ceux qui pensaient, sincèrement, qu’il allait pouvoir sortir, concernant le volet syrien, des sentiers battus et de la langue de bois en vigueur depuis des lustres. Mais tout concourt, au niveau de l’ambiance générale, à un apaisement momentané des passions avant que ne reprenne le débat, désormais bel et bien lancé. Idem pour l’union nationale, à laquelle ont exhorté moult députés, et notamment Omar Karamé, qui rompait là son boycottage parlementaire de quatre ans : «Cher président Karamé, ce congrès national auquel vous aviez appelé, eh bien, c’est ici même, dans cet hémicycle, qu’il se tient». Les mots de Rafic Hariri montrent ainsi comment il exclut de ce processus de réconciliation nationale tous les courants extraparlementaires. Et Dieu sait s’ils sont de taille... L’État-flic, c’est fini... Second point : les libertés publiques, les arrestations arbitraires. Et c’est là que la presque «divine» surprise a eu lieu, signée Rafic Hariri. Le Premier ministre s’est carrément enflammé contre la dérive de l’«État-flic», promettant de faire le maximum concernant la liberté d’expression et de manifestation, celle de la presse ou pour que cessent les écoutes téléphoniques, affirmant haut et fort qu’il n’hésiterait pas à démissionner si on l’empêchait de mener à bien cette croisade. Le message est clair, courageux, presque téméraire envers tous ceux, du simple fonctionnaire au plus grand des responsables, qui ont fait fleurir ce genre de pratiques. Et tous les députés, notamment chrétiens, Nayla Moawad en tête, ont applaudi. C’était un de leurs principaux chevaux de bataille. Surtout en faveur des jeunes. La situation économique. Pas un(e) Libanais(e) n’attend moins du gouvernement en général et de Rafic Hariri en particulier qu’ils ne fassent des miracles. Et les 74 interventions, sans exception aucune, se sont arrêtées sur ce thème, déplorant l’absence de tout élément concret quant aux mécanismes qui seront mis en place – et les députés Hezbollah ont été les plus véhéments. «Nous ne sommes pas un gouvernement économique, nous allons nous occuper de tous les secteurs qui touchent le quotidien de chacun». Soit. Rafic Hariri s’est engagé à ne pas dévaluer la livre – c’est là et sans aucun doute la hantise de trois millions ou presque de Libanais. Point majeur également : les privatisations telles que les a argumentées Salah Honein –, et le chef du gouvernement l’a bien répété, «aucun membre du gouvernement, moi-même inclus, ne sera actionnaire dans une future entreprise privatisée». Mais aussi, et surtout, les relations économiques avec la Syrie. Quant à la composition du Cabinet, un grand nombre de parlementaires en a critiqué le nombre de ministres, le trop grand élargissement, l’absence de représentativité arménienne. Le fait que les quatre députés arméniens du bloc Hariri se soient abstenus de voter, par solidarité sans doute, n’est pas anodin. Autre sujet récurrent : la nomination de Fouad Siniora, qui a scandalisé la plus grande partie de la rue libanaise. Boutros Harb l’a stigmatisée, une majorité de députés l’a approuvée, Rafic Hariri a statué : «S’il siège au gouvernement, c’est uniquement parce qu’il est innocent». Les régions enfin. Bon nombre d’orateurs en ont fait leur leitmotiv, et aucune partie du Liban n’y a échappé. Gebrane Tok et Kabalan Issa el-Khoury ont changé d’avis et accordé leur confiance, pour deux mois, «parce que Rafic Hariri a promis du changement pour Bécharré». Nicolas Fattouche a voté la défiance, entre autres, parce que Zahlé la melkite n’était pas représentée au gouvernement. Et tout à l’avenant. Concernant enfin la loi électorale, remise en question par une pléthore de députés, Rafic Hariri a déclaré que «si nouvelle loi électorale il y a, elle sera juste et équitable pour tous. C’est une condition sine qua non». Cela s’appelle l’aurore ? En résumé, en conclusion, une question. Et une seule. Est-ce que ces 74 interventions et la réponse de Rafic Hariri qu’elles ont générée sont-elles la promesse d’une véritable «nouvelle vague» – nouvelle façon de voir et de concevoir la politique interne, la démocratie, nouvelle étape franchie vers une réelle entente nationale, un renouveau économique ? Ou bien est-ce simplement un pétard mouillé, une étincelle sans suite, un espoir mort-né, bref, beaucoup de bruit pour rien ? Le temps. Lui seul le dira. Si tout cela est réellement l’espoir d’une nouvelle vague, c’est que cela s’appelle, enfin, l’aurore. Mais c’est si et seulement si. Ziyad MAKHOUL
Cinq jours et sept séances, avec à la clé, sur 118 votants, 95 oui, 17 abstentions et 6 non. Depuis Taëf, aucun débat de confiance au Parlement n’aura duré aussi longtemps. Les raisons sont simples : nouvelle législature, nouvelles têtes et 74 députés à avoir demandé la parole. Pourquoi tant d’interventions ? La télévision était constamment là, bienveillante et...