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Actualités - ANALYSE

Une déclaration aussi banale que le gouvernement

C’est une banalité peu banale, surtout en des temps aussi exceptionnels, qui marque les premiers pas du nouveau gouvernement Hariri. À l’image de sa composition même, pléthorique et creuse, la déclaration ministérielle qu’il a préparée paraît aussi emphatique que superficielle. La Chambre, qui en a reçu copie 48 heures à l’avance comme le veut l’usage, doit en entamer la discussion demain jeudi. En vue d’un vote de confiance massif qui ne fait aucun doute. Le chef du gouvernement s’est montré fort agacé par la publication anticipée du texte dans la presse. Il a diligenté une enquête pour identifier le coupable de la fuite. Qui a en fait réussi à passer à travers les mailles du filet : lundi soir, comme un surveillant sourcilleux, le président Hariri avait fait ramasser, après la séance du Conseil des ministres, les copies remises aux membres du Cabinet pour une première lecture. Comme on voit, la confiance règne au sein du nouveau gouvernement. Et il n’est pas étonnant, dès lors, qu’elle soit tout de suite trahie. Ce qui n’est pas de bon augure pour la suite. Toujours est-il que le journaliste qui a eu la primeur du paquet a dû se sentir déçu : la déclaration ministérielle n’a rien d’un scoop et ne dégorge que des clichés éculés. Elle ressemble à toutes celles que les précédents Cabinets Hariri avaient pu pondre. Les mêmes projets traités, les mêmes thèmes, les mêmes sortes de promesses. Comme prise de position, comme engagement, cette déclaration est loin d’être à la hauteur de la situation critique que traverse aujourd’hui le pays. C’est une rédaction bachotière de routine, très visiblement accomplie comme une simple formalité nécessaire pour parvenir sans encombre au vote de confiance. Et du côté des sujets épineux, c’est le flou. Les professionnels locaux relèvent de la sorte que le passage consacré aux relations avec la Syrie est truffé d’expressions vagues, qui peuvent donner lieu à de multiples interprétations. Par exemple, quand le nouveau gouvernement libanais juge que «la phase actuelle est appelée à traduire concrètement le principe de l’unité de destin et de parcours qui lie le Liban à la Syrie dans le cadre de l’indépendance et de la souveraineté de chacun d’eux». Qu’est-ce que cette tirade peut bien signifier ? Que les deux pays vont concrétiser sous peu leur «unité de destin», en fusionnant ? Mais non, puisque leur lien s’inscrit «dans le cadre de l’indépendance et de la souveraineté de chacun d’eux». L’osmose et la dissociation en même temps. Entre les deux volets d’une même équation il y a une flagrante contradiction. Ou, ce qui est sans doute plus juste, le reflet d’un amalgame maladroitement effectué par un pouvoir qui veut se sortir d’un dilemme difficile. Et qui veut éviter de mécontenter une opinion locale très largement hostile à la soumission, sans pour autant fâcher le tuteur. Mais puisque la déclaration parle de phase actuelle concrète, certains spécialistes de l’Est voient dans la rhétorique gouvernementale «la confirmation du fait que le Liban n’est toujours pas autorisé à envoyer son armée au Sud, pour y mettre un terme aux provocations et prévenir une dangereuse détérioration sur le terrain». Ces sources notent que «d’une manière qui ne s’explique que par le durcissement des décideurs, les autorités locales ont annulé les mesures interdisant l’accès de la zone frontalière, notamment à Fatima, aux manifestants palestiniens. Parce que la “phase actuelle” le commande, le Liban se voit obligé de jouer avec le feu». «De même, indiquent les opposants, le gouvernement ignore tout à fait les appels pressants d’une partie de la population concernant divers problèmes, aussi aigus et actuels pourtant que la phase dont il se réclame. Les Libanais attendaient des prises de position sur ces sujets et la déclaration ministérielle n’en fait pas état». En réalité, le pouvoir répond tacitement au manifeste de Bkerké en proclamant que ce pays «a toujours besoin du soutien de la Syrie comme de son armée. Dont la présence sur le sol libanais, dictée par des impératifs stratégiques convenus, est toujours aussi nécessaire que légale et temporaire. En même temps, poursuit la déclaration ministérielle qui s’engouffre une fois de plus dans les contradictions, la souveraineté et l’indépendance sont des éléments capitaux qui font l’unanimité des Libanais. Nous ne pensons pas, conclut le gouvernement, qu’aucun de nos compatriotes veuille brader ces deux principes, ni qu’il y ait des Libanais qui s’en montrent plus soucieux que d’autres». Encore que certains semblent mieux se rappeler les dispositions de Taëf prévoyant le redéploiement sur la Békaa au bout de deux ans. «Qui en sont devenus dix, et le reste à l’avenant», relève un opposant. Philippe ABI-AKL
C’est une banalité peu banale, surtout en des temps aussi exceptionnels, qui marque les premiers pas du nouveau gouvernement Hariri. À l’image de sa composition même, pléthorique et creuse, la déclaration ministérielle qu’il a préparée paraît aussi emphatique que superficielle. La Chambre, qui en a reçu copie 48 heures à l’avance comme le veut l’usage, doit en...