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Actualités - REPORTAGES

La grogne des minotiers contre la politique du gouvernement

Onze minoteries transforment aujourd’hui le blé en farine au Liban. À la Crown Flour Mills, l’heure est au pessimisme, et Paul Mansour traduit le malaise tel qu’il est ressenti par l’ensemble de la profession. Une profession qui n’est pas contre le principe de soutenir l’agriculture libanaise, mais qui met en garde contre la menace que représente la politique du gouvernement. «C’est notre industrie qui subit la politique du gouvernement, consistant à faire endosser aux minoteries et à toute la population la subvention accordée aux agriculteurs qui plantent le blé», annonce-t-il tout de go. Il estime que c’est d’une taxe qu’il faut parler et non d’une subvention. En effet, la subvention accordée par le gouvernement consiste à l’achat de la part de l’Office des céréales et de la betterave sucrière de toute la production de blé du pays, au prix de 450 000 LL la tonne. Par ailleurs, le gouvernement écoule ce blé acheté aux agriculteurs en le revendant au même prix aux minoteries, leur imposant d’acheter une tonne de blé local pour quatre tonnes de blé importé. Et c’est à ce niveau que les problèmes surgissent, car les minotiers paient la tonne de blé local 300 dollars, alors que la tonne de blé importé leur revient entre 140 à 150 dollars, frais de transport compris, soit deux fois moins cher. Ce qui entraîne un coût plus élevé de la farine et du pain, de l’ordre de 25 % environ. Quant à la qualité du blé local que le gouvernement impose aux meuniers d’acheter, «il est dur et ne convient pas à la fabrication de la farine de pain, de gâteaux, de viennoiseries et autres, mais sa fabrication se limite à la semoule, au blé concassé, à la pâtisserie libanaise et à quelques variétés de pain brun et de son». Et pour écouler ce produit dont ils ne veulent pas, les minotiers se voient contraints de l’utiliser pour la fabrication de la farine de pain, le mélangeant dans une proportion de 20 % au blé importé, qui est un blé tendre, mieux connu sous l’appellation de «bread wheat», alors que les proportions de blé dur ne devraient pas dépasser 5 à 10 % pour la fabrication d’une bonne farine. De cette contrainte, résulte un prix de revient élevé de la farine, et de tous les produits dérivés du blé, ce qui se répercute sur les prix du marché. De plus, reprend M. Mansour, aucune infrastructure n’est mise en place pour faciliter le transport et le tri de la production. En effet, 10 % du blé local est formé d’impuretés et de pierres et nous parvient dans des sacs que nous devons vider un à un dans nos propres silos et dont nous devons nous débarrasser nous-mêmes, alors que l’acheminement du blé importé vers nos minoteries est plus simple et plus rapide, et se fait en vrac, dans des camions-silos. Une surproduction de 70 000 tonnes cette année Cette année, le problème semble encore plus aigu, car la production de blé de la Békaa a atteint le chiffre record de 70 000 tonnes environ, alors que la production habituelle ne dépassait pas les 45 000 tonnes. «Le marché local englobe 5 000 tonnes de semoule. Quant au reste, nous ne savons pas vraiment comment l’écouler», déplore-t-il. Et d’ajouter : «Peut-être devrons-nous nous résoudre à le jeter…». C’est que aussi la concurrence se fait rude, et de nombreux produits importés inondent actuellement le marché, entraînant non seulement une baisse du travail des minoteries, qui fonctionnent aujourd’hui au tiers de leurs capacités, mais aussi de certaines industries alimentaires, comme celles de la fabrication des pâtes alimentaires, des biscuits, des baguettes et des gâteaux secs. À ce titre, Paul Mansour cite l’exemple du pain français précuit surgelé, dont l’importation a entraîné la fermeture de nombreuses boulangeries et pâtisseries locales. S’il est important d’aider le secteur agricole, c’est un secteur entier de l’industrie alimentaire qui est en danger, vu la cherté du prix de la matière première servant à fabriquer la farine. «À ce rythme, conclut-il, les minoteries fermeront leurs portes, l’une après l’autre, et l’État n’aura plus personne pour acheter son blé». A.M.H.
Onze minoteries transforment aujourd’hui le blé en farine au Liban. À la Crown Flour Mills, l’heure est au pessimisme, et Paul Mansour traduit le malaise tel qu’il est ressenti par l’ensemble de la profession. Une profession qui n’est pas contre le principe de soutenir l’agriculture libanaise, mais qui met en garde contre la menace que représente la politique du...