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Actualités - REPORTAGES

I-Pour les agriculteurs, le blé est une culture sûre, mais qui rapporte peu

Fady Khoury cultive les terres de son père dans le village de Terbol, dans la Békaa. Comme lui, ils sont 1 100 agriculteurs à pratiquer une agriculture rotative et à vivre de leurs terres, supportant patiemment les caprices d’un climat aride et d’une terre dont le rendement n’est pas toujours celui escompté. Ce jeune ingénieur agronome a attendu que les conditions météorologiques soient satisfaisantes avant de semer 100 dounoms, soit 10 hectares environ. Il espère à présent que la pluie fera son apparition, comme prévu. S’il ne pleut pas d’ici à une dizaine de jours, il devra arroser ses terres, car la semence risquerait de s’abîmer. Fady Khoury envisage de planter encore 200 dounoms de blé, alternant les cultures sur ses différents terrains : ici du blé, là des pommes de terre, ailleurs de la betterave sucrière ou du maïs de fourrage, pour maximiser sa production et reposer le sol. «Je ne peux planter la même chose sur une terre durant deux années consécutives, explique-t-il, car je risque de fatiguer le sol, d’en diminuer le rendement et de voir des maladies ronger mes cultures». Une culture sûre, soutenue par le gouvernement Et pourtant, certaines cultures comme le blé et la betterave sucrière sont plus rentables que d’autres, en raison de la subvention que le gouvernement accorde aux agriculteurs et de son engagement à acheter toute leur production. En effet, l’Office des céréales et de la betterave sucrière (OCBS), dépendant du ministère de l’Économie, vend les semences aux agriculteurs à 625 LL le kilo et rachète leur production entre 400 et 480 LL le kilo, une production qui varie entre 350 et 600 kilos par dounom. «Le profit des propriétaires terriens cultivant le blé est faible, déplore M. Khoury. Quant aux agriculteurs qui doivent s’acquitter de frais de location de terrain, ils accusent souvent des pertes, vu le prix élevé du bail». «En effet, la location varie entre 80 et 100 dollars annuellement par dounom, alors que les frais d’entretien, d’engrais, de carburant pour pomper l’eau des puits et de main-d’oeuvre ne cessent d’augmenter et s’élèvent actuellement à 80 000 LL environ par dounom. En contrepartie, un dounom ne rapporte que 200 000 LL, quand la récolte est bonne et qu’il produit 500 kilos, regrette-t-il. Et si nous continuons à cultiver le blé, c’est que cette culture représente une sécurité pour les agriculteurs», ajoute-t-il. M. Khoury déplore la mauvaise qualité de la semence de blé que le gouvernement vend aux cultivateurs. Une variété très ancienne, qui donne une production limitée et n’engendre pas de gains importants, mais les agriculteurs n’ont d’autre choix que de la planter, car seule la variété vendue par l’OCBS sera rachetée par celui-ci. C’est pourquoi M. Khoury juge nécessaire que le gouvernement encourage la culture d’une variété de blé tendre qui donnerait une production supérieure en quantité à la variété de blé plantée au Liban et des bénéfices plus élevés, et conviendrait en même temps aux minotiers. Des prix qui sont loin d’être compétitifs Il y a quelques années, la famille Khoury pratiquait une culture plus diversifiée et exportait ses productions à l’étranger par le biais d’intermédiaires. Mais ces derniers ont accusé des pertes, selon le jeune ingénieur, car la production libanaise n’était pas concurrentielle. Quant au marché local, il était trop étroit pour englober tous les produits agricoles, en trop grand nombre. «Nous avons alors préféré nous diriger vers des cultures plus sûres, comme le blé, qui est soutenu par l’État, et dont nous sommes certains d’écouler toute la production. De plus, c’est une culture qui n’exige pas un travail harassant, explique Fady Khoury. L’important est de bien préparer la terre avant les semailles, de la nettoyer de ses impuretés et de compléter l’eau de pluie par quelques arrosages saisonniers. Quant à la fumigation de pesticides, c’est le gouvernement qui s’en charge». «Par ailleurs, ajoute-t-il, pour assurer la rotation et pour éviter des pertes, nous sommes à la recherche de cultures de substitution, comme le maïs de fourrage, qui semble être un nouveau marché à exploiter. Mais la production locale est chère, car les terres sont de faibles superficies, et nous ne pouvons rêver de concurrencer l’importation étrangère, dans aucun domaine. De plus, le rendement des terres varie chaque année, et nous avons plus de périodes maigres que de récoltes fructueuses. D’ailleurs, certains agriculteurs ont fait faillite et ils ont été contraints de vendre tout leur matériel et de se tourner vers un autre métier, se retrouvant parfois même au chômage». En tant qu’agriculteur, Fady Khoury est certes favorable à la politique de subvention du blé pratiquée par l’État. Mais il déplore que le gouvernement ne consacre qu’un budget restreint à l’agriculture et qu’il se contente de donner aux agriculteurs tout juste de quoi survivre, une raison qui pousse ceux-ci à planter différentes variétés de cultures, pour équilibrer leurs revenus. Et de citer quelques pays qui soutiennent efficacement leur agriculture, comme l’Arabie séoudite, qui achète le kilo de blé à 1 000 LL à ses agriculteurs, ou la France, qui donne des compensations financières aux agriculteurs dont les récoltes ont été abîmées par le gel ou les pluies. D’ici à ce que le gouvernement s’y mette... Anne-Marie El-Hage
Fady Khoury cultive les terres de son père dans le village de Terbol, dans la Békaa. Comme lui, ils sont 1 100 agriculteurs à pratiquer une agriculture rotative et à vivre de leurs terres, supportant patiemment les caprices d’un climat aride et d’une terre dont le rendement n’est pas toujours celui escompté. Ce jeune ingénieur agronome a attendu que les conditions...