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Actualités - REPORTAGES

Mission de Phénicie

J’arrivai à Beyrouth dans les derniers jours d’octobre. Je trouvai dans M. le général de Beaufort un empressement à seconder mes recherches qui ne devait pas un moment se démentir. Il décida qu’une compagnie serait attachée à chacune des fouilles que je voudrais entreprendre ; il me demanda des instructions pour les différents corps déjà répandus dans le Liban, il prit des mesures efficaces pour que notre entreprise fût réellement l’œuvre de l’armée française et centralisât tous les efforts scientifiques du corps nombreux et intelligent d’officiers qui l’entourait. Dans ma pensée, la mission, pour être complète, devait se composer de quatre campagnes de fouilles, correspondant aux quatre centres principaux de la civilisation phénicienne. Ces quatre campagnes étaient, en commençant par le nord : 1° celle de Ruad (Aradus), Tortose (Antaradus) et Amrit (Marathus) ; 2° celle de Gébeil (Byblos) ; 3° celle de Saïda (Sidon) ; 4° celle de Sour (Tyr). Chaque campagne devait se composer de fouilles exécutées sur les points les plus importants et d’une exploration, aussi complète que possible, de toute la région environnante. Comme appendice de ces quatre campagnes, je projetais d’un voyage de Palestine, ce pays étant dans l’histoire de l’art l’annexe de la Phénicie. Avant de fixer mon choix sur l’ordre où il convenait d’exécuter ces diverses séries de recherches, je crus devoir jeter un premier coup d’œil sur quelques-uns des points qu’il s’agissait d’explorer. Je fis ainsi deux voyages préliminaires, l’un de Beyrouth à Saïda, l’autre de Beyrouth à Gébeil, qui me fournirent d’abord un certain nombre d’observations et me permirent de tracer d’avance mon plan avec plus de sûreté. À Saïda, nous déterminâmes dès lors les terrains qu’il serait bon d’acheter. À Gébeil, nous préparâmes une installation qui, vu le total dénûment où la vieille Byblos est réduite, offrait beaucoup de difficultés. Du même coup, nous fîmes l’exploration la plus attentive du littoral qui s’étend de Gébeil à Saïda. Je résolus de commencer par Gébeil. Plusieurs jours furent encore nécessaires pour terminer les préparatifs. J’employai tous les moments de loisir qui m’étaient laissés à des courses aux environs de Beyrouth, et en particulier à Deïr el-Kala’a. Le samedi 1er décembre, la 4e compagnie du 16e bataillon de chasseurs à pied s’établit enfin à Gébeil. Je fixai mon séjour à Amchit, beau village, très florissant, situé à trois quarts d’heure de là, et où je trouvai une fort aimable hospitalité. Le lundi 3 décembre, les fouilles commencèrent. Elles furent continuées durant les deux mois de décembre et de janvier, sans autres interruptions que celles qu’amenaient les jours de pluie. Byblos n’offrant aucun endroit qui attire exclusivement la curiosité, les fouilles furent dispersées sur un très grand nombre de points dans la plaine qui environne la ville. On verra plus tard avec quel succès. M. de Lubriat, capitaine de la compagnie, et M. Sacreste, lieutenant, furent pour moi des collaborateurs pleins de zèle et d’activité. J’admirai la promptitude avec laquelle MM. les sous-officiers et les soldats se formèrent à ce genre de travail. Quelques-uns d’entre eux acquirent, en quelques semaines, un coup d’œil très exercé ; la compagnie tout entière sembla composée d’archéologues émérites. M. Sacreste me fit de bons dessins et un plan excellent de Gébeil et des environs. M. Lockroy, que j’avais dès lors attaché à la mission, me fit d’autres dessins et se chargea de la photographie. Durant toute la mission, j’eus pour règle d’explorer, pendant que les fouilles se faisaient, les régions environnantes. L’hiver ne me permettait pas de songer à l’exploration de la haute montagne, alors couverte de neige, qui domine Gébeil ; j’explorai la région moyenne et toute la côte de Gébeil à Tripoli, portant surtout mon attention sur Maschnaka et Semar-Gébeil. Je recueillis, en outre, une foule d’indications qui m’étaient fournies par les habitants sur les inscriptions dont, selon eux, les rochers de la haute montagne étaient couverts dans la région d’Akoura, de Kartaba et de Tannourin. Vers la fin de décembre, je sentis qu’il serait nécessaire, si je voulais remplir mon programme des quatre campagnes de fouilles, de les pousser simultanément sur plusieurs points à la fois. Des initiatives prises sans mes ordres à Saïda me décidèrent à envoyer M. Gaillardot sur ce point. Quelques jours auparavant M. le général de Beaufort avait placé une compagnie en garnison à Saïda. Parallèlement aux travaux de Gébeil, les travaux de Saïda marchèrent ainsi, sous la direction de M. Gaillardot, avec quelques interruptions, durant les mois de janvier, de février, de mars. Au moment où M. Gaillardot me quitta, M. le comte Bentivoglio, consul général de France à Beyrouth, voulut bien détacher, pour le service de la mission, M. Dominique Khadra, drogman auxiliaire du consulat, qui me rendit dans mes rapports avec les indigènes des services considérables. Le 7 février, je partis de Gébeil. Le temps que je pouvais donner à cet endroit était épuisé ; mais MM. de Lubriat et Sacreste, ayant prix goût aux travaux, me proposèrent de les continuer après mon départ. Je leur laissai les instructions et les moyens nécessaires pour cela, en sorte que, pendant près de deux mois, des recherches furent faites à Gébeil, d’une manière moins suivie, il est vrai, mais fructueuse encore. MM. Sacreste et Lockroy, durant ce temps, firent plusieurs plans, dessins ou photographies, en particulier à Semar-Gébeil et à Maschnaka. En quittant Gébeil, je m’arrêtai quelques jours à Sarba, près Djouni, pour terminer mon premier rapport à l’Empereur. Le 12 février, je rejoignis M. Gaillardot à Saïda. La direction qu’il avait donnée aux fouilles était si bonne que je trouvai inutile de rester près de lui. Après quelques jours employés à l’étude des environs de Saïda, étude dans laquelle M. Durighello, agent consulaire de France, me fut fort utile, je partis pour Sour, afin de fixer mes idées sur le plan de cette troisième campagne et d’en préparer l’établissement. Dès lors, j’explorai avec soin toute la région de Cana et de la Kasmie. Je revins à Saïda pour achever de régler tout ce qui concernait la campagne de Sour, et suivre encore durant quelques jours les travaux qui s’exécutaient. Ernest RENAN Mission de Phénicie,1860.
J’arrivai à Beyrouth dans les derniers jours d’octobre. Je trouvai dans M. le général de Beaufort un empressement à seconder mes recherches qui ne devait pas un moment se démentir. Il décida qu’une compagnie serait attachée à chacune des fouilles que je voudrais entreprendre ; il me demanda des instructions pour les différents corps déjà répandus dans le Liban, il...