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Actualités - CHRONOLOGIE

JUSTICE - Les avocats de la MTV et de RML ont demandé l’annulation de la décision de fermeture car elle est contraire à toutes les lois et à la Constitution La Cour de cassation prononcera son verdict le 27 décembre(photo)

« Le Liban vous observe, ne le décevez pas. » Ce cri du cœur, lancé par un des six avocats de la défense qui ont pris la parole dans l’affaire de la MTV et de RML, a résonné longuement hier dans la salle du tribunal, mais le président de la Cour de cassation, Afif Chamseddine, et ses assesseurs, Georges Haïdar et Mohammed Makki, sont restés imperturbables, comme l’exige leur fonction. Pour l’unique audience avant le verdict, avocats de la défense et représentant du parquet ont joué le jeu juridique à fond, soulevant les points de droit qu’ils considèrent en faveur de leurs thèses. Mais, au fond, l’opinion générale reste convaincue que la véritable clé de ce problème est ailleurs. La cour prononcera son jugement le 27, entre les deux fêtes, pour faire vite, selon la volonté des plaignants. Il fut un temps où la cause de la MTV et de RML mobilisait les Libanais. Hier, pour la première et dernière audience (avant celle du verdict) devant la Cour de cassation, les partisans étaient rares, découragés sans doute par le mauvais temps. Pourtant, même le service d’ordre ignorait la tenue de cette audience et aucune mesure spéciale n’avait été prise. Avocats, sympathisants, journalistes et même photographes, tous ceux qui le désiraient ont pu assister à l’audience, mais ils remplissaient à peine les premiers bancs. Il y avait bien sûr Gabriel Murr, souriant pour sauver la face, mais attentif aux moindres échanges juridiques, ainsi que ses enfants, entourés d’une dizaine d’avocats et de quelques employés des médias fermés depuis le 4 septembre. Ils paraissaient d’ailleurs assez seuls dans l’immense salle du tribunal, où pour cause d’absence d’accusés, les journalistes se sont installés dans le box. Un signe prémonitoire ? Les avocats s’expriment publiquement pour la première fois La défense ayant publié ses pourvois dans la presse et le procureur général près la Cour de cassation ayant fait de même, tout avait été déjà pratiquement dit avant l’ouverture de l’audience, et lorsque le président Chamseddine a donné la parole au représentant du parquet Mokhtar Saad, ce dernier s’est contenté d’appuyer le réquisitoire rédigé par M. Adnane Addoum qui réclame le maintien de la fermeture de la MTV et de RML pour « persistance du danger de crime », avec la menace contre la paix civile et la volonté de provoquer des dissensions confessionnelles. Les avocats de la défense ont préféré, eux, prononcer de nouvelles plaidoiries, puisque, depuis le 4 septembre, c’est la première occasion pour eux de s’exprimer devant les médias dans le cadre d’une audience. En effet, la première décision du tribunal des imprimés, alors présidé par M. Labib Zouein, avait été prise à huis clos, le 4 septembre, et celle du même tribunal, présidé toutefois par M. Samir Alyé, s’était déroulée sans les journalistes. Les avocats Chakib Cortbawi, Ramzi Jreige, Fouad Chebaklo, Roy Madcour, Ghassan Zeidan et Mounif Hamdane, malgré un effort réel pour se partager les tâches, ont repris des thèmes déjà connus, qui montrent surtout combien cette affaire peut par certains aspects paraître absurde. Me Jreige, ainsi que Me Hamdane ont ainsi insisté sur le fait que le tribunal des imprimés présidé par Labib Zouein a pris sa décision le 4 septembre alors que ce n’était pas son tour, en raison du système de permanences pendant les vacances judiciaires. De plus, l’un des assesseurs, Waël Mortada, étant absent, il a été remplacé sans respect de la procédure légale par M. Georges Rizk. Il s’agirait donc, selon les avocats, d’une décision illégale puisque le tribunal n’était pas légalement au complet. L’avocat général Mokhtar Saad a alors fait remarquer qu’il n’est plus possible d’évoquer la décision du 4 septembre, puisque le pourvoi actuel porte sur la décision du tribunal en date du 21 octobre. Ce dernier, présidé par Samir Alyé, avait rejeté pour la forme le recours présenté par les avocats, car il a considéré que la décision de fermeture n’est pas un jugement gracieux, mais une mesure administrative de prévention, et elle est, par conséquent, sans appel. Les avocats ont évidemment protesté, précisant que les deux décisions consécutives sont liées, d’autant qu’elles sont contradictoires. Une condamnation à mort sans entendre le condamné Pour Me Cortbawi, la décision contestée ressemble à une peine capitale, dans laquelle le condamné n’a pas été entendu et n’a pas eu un droit à la défense, pourtant sacré. Cortbawi et ses collègues soulèvent aussi le fait que dans cette affaire, le parquet n’a même pas porté plainte, puisqu’il s’est contenté de faire le facteur, en transmettant la note de la Sûreté générale au tribunal. Comment, dans ce cas, peut-il se transformer en partie et prononcer un réquisitoire ? De son côté, Me Jreige a relevé les erreurs dans les deux décisions du tribunal des imprimés. Selon lui, la fermeture d’un média ne peut pas être considérée comme une mesure administrative et une mesure administrative ne peut pas être préventive, car il s’agit là d’une procédure pénale, dans laquelle les droits de la défense doivent être respectés. Toujours selon lui, l’article 68 de la loi électorale, qui est un texte d’exception, ne peut être appliqué en dehors de la période électorale, et en tout cas, il s’applique de manière restrictive. Et même, si dans ce cas précis, il pouvait être appliqué, il n’a pas été violé, car il faut faire une distinction entre la publicité électorale, dûment rémunérée, et l’information électorale. Me Fouad Chebaklo est le seul des avocats à avoir arraché un sourire au président Chamseddine. Dans un style simple et plein d’humour, il a évoqué le point soulevé par le procureur Joseph Maamari, devant le tribunal des imprimés, et qui consiste à considérer la MTV comme une menace contre la paix civile et l’entente interne. Sanction disproportionnée Selon lui, même si la MTV avait, par le biais de certains reportages, poussé aux dissensions confessionnelles, la LBC avait, lors des élections 2000, montré les mêmes scènes avec les naturalisés à Baalbeck. En tout cas, la sanction est disproportionnée au crime et il n’y a plus de danger maintenant, puisque, avec l’invalidation de la députation de Gabriel Murr, il n’y a plus d’échéance électorale en vue. Me Chebaklo et ses collègues ont réclamé une suspension de l’exécution de la sanction en attendant la fin du procès et le président Chamseddine a répondu que ce n’était probablement pas la peine. Avec son aisance légendaire, Me Mounif Hamdane a multiplié les exemples historiques, rappelant comment les magistrats pendant l’occupation allemande de la France ont été par la suite jugés pour avoir condamné des résistants. Ce qui a poussé le président Chamseddine à lui demander qui sont, selon vous, les Allemands et les résistants dans notre situation ? Et Hamdane s’est contenté de préciser qu’il rapportait un fait historique avant de reprendre les propos d’un juge étranger : « Peu m’importe la colère des rois, si ma conscience est tranquille .» C’est donc surtout à la conscience des magistrats que les avocats ont appelé, leur rappelant que l’affaire de la MTV est entrée dans le quotidien de tous les Libanais, comme un symbole du respect de la démocratie. « Les citoyens n’ont d’autrre recours que la justice, aidez-les à croire en elle et aidez le Liban à préserver les libertés », ont-ils pratiquement dit. La cour donnera sa réponse le 27 décembre, pour bien montrer qu’il n’est pas question de retarder le processus. Ce jugement sera cette fois sans recours. De lui dépend le sort des nombreux employés de la MTV et de RML, mais aussi d’une certaine image du Liban. Scarlett HADDAD
« Le Liban vous observe, ne le décevez pas. » Ce cri du cœur, lancé par un des six avocats de la défense qui ont pris la parole dans l’affaire de la MTV et de RML, a résonné longuement hier dans la salle du tribunal, mais le président de la Cour de cassation, Afif Chamseddine, et ses assesseurs, Georges Haïdar et Mohammed Makki, sont restés imperturbables, comme l’exige...