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Actualités - CHRONOLOGIE

PLACE DE L’ÉTOILE - Hariri pris à partie pour sa gestion de la privatisation Le cellulaire, vedette de la réunion parlementaire

À l’ouverture de la réunion parlementaire hier, le chef du gouvernement, Rafic Hariri, affiche un large sourire, qu’il distribue à la ronde, mais qui s’estompe progressivement, au fil des interventions parlementaires. Quatorze députés prennent la parole et parmi eux, un seul, membre du bloc Hariri d’ailleurs, applaudit à la politique gouvernementale. Les autres la critiquent plus ou moins violemment, en s’arrêtant particulièrement sur les mesures décidées en Conseil des ministres pour la réorganisation du secteur de la téléphonie mobile. Convoquée initialement pour étudier 26 textes de loi qui n’ont rien à voir avec le cellulaire, la réunion parlementaire a vite tourné au débat de politique générale, axé justement sur le dossier du cellulaire dont la gestion a été critiquée avec virulence par MM. Nicolas Fattouche, Georges Kassarji et Misbah Ahdab (qui s’exprimait au nom du Renouveau démocratique de M. Nassib Lahoud). La dureté des reproches adressés au gouvernement, et surtout les allusions de MM. Mikhaël Daher et Kassarji, à l’impact de l’opération de «lavage des cœurs» entre le chef de l’État, le général Émile Lahoud, et M. Hariri sur la vie politique a poussé ce dernier à répliquer, sachant que l’Exécutif ne répond aux interventions parlementaires que lors d’un débat budgétaire ou de politique générale ou lors d’une réunion consacrée aux questions et aux interpellations des députés. L’évolution du débat devait surtout confirmer la solidité de « l’unité du pouvoir » – soulignée par M. Hariri – après une longue période de tiraillements. Une unité que M. Husseini Husseini a vivement dénoncée, la jugeant « anticonstitutionnelle » et que le président de la Chambre, Nabih Berry, et M. Hariri ont chacun âprement défendue : M. Berry en cherchant à justifier, sans trop y arriver, l’intervention-surprise du président du Conseil et M. Hariri en assurant que son entente avec le chef de l’État, le général Émile Lahoud, porte préjudice à « des parties » qu’il n’a pas nommées et en insistant sur le fait qu’un retour au climat qui prévalait dans le passé entre Baabda et Koreytem est hors de question. Le réquisitoire de Fattouche « Nous devons observer une minute de silence à la mémoire de Paris II. » C’est M. Fattouche qui tient ces propos, juste après la minute de silence observée à l’ouverture de la réunion, à la mémoire du député Ibrahim Abdallah. Le ton est donné : le député de Zahlé s’insurge contre le pouvoir et stigmatise « la violation des lois ». « J’ai cherché dans le dictionnaire du monde entier des qualificatifs susceptibles de décrire le mieux le gouvernement et son chef. Je n’ai pu trouver aucun pouvoir semblable au nôtre, ni dans les monarchies ni dans les dictatures. Au Liban, la loi est employée pour faire du mal et pour réprimer. Ce pouvoir, nous devons le cloner pour que son sosie soit exposé dans un musée d’histoire », fulmine-t-il. M. Fattouche, dont les propos seront ensuite dénoncés par M. Mohammed Kabbani, s’arrête sur le secteur de la téléphonie mobile : « Le gouvernement se substitue à toutes les institutions. Il a annulé les mandats de recouvrement (de 600 millions de dollars au total) lancés contre les deux opérateurs du réseau cellulaire. Il n’a pas le droit d’agir de la sorte et de contourner les lois. Il n’est pas permis d’aller quémander 3 milliards de dollars puis de renoncer à un milliard qui nous sont dus ». Il accuse M. Hariri de « dissimuler la vérité au sujet du prix que le Liban devra payer pour Paris II, car l’Occident ne donne rien gratuitement ». Il s’élève ensuite contre l’attitude du pouvoir par rapport aux enseignants, aux nominations et à plusieurs autres sujets. Après Ali el-Khalil, qui estime que les 1, 3 milliard de prêts accordés au Liban pour financer des projets de développement devraient faire l’objet d’une loi votée par la Chambre, M. Mikhaël Daher s’en prend aussi au pouvoir en laissant entendre, mais on ne peut plus clairement, que l’opération de « lavage des cœurs » s’est déroulée « au détriment des institutions, contribuant à leur dysfonctionnement ». M. Daher relève plusieurs éléments positifs dans le pays, comme les deux sommets arabe et francophone, la victoire du Liban dans son conflit avec Israël au sujet du Wazzani et Paris II, mais constate que, sur le plan interne, la vie politique laisse à désirer. Il fait état d’une « éclipse » totale à tous les niveaux administratifs et déplore un « laisser-aller » au niveau du règlement des crises dans le pays, en se demandant si ce laisser-aller est dû au « lavage des cœurs ». Manque de transparence M. Daher s’arrête sur la polémique au sujet de la téléphonie mobile entre le ministre des Télécommunications et le Conseil supérieur de la privatisation et observe que la gestion de ce dossier manque de transparence. Le député rappelle ensuite des propos de l’ancien président du Conseil supérieur de la magistrature, M. Nasri Lahoud, qui avait déclaré que des magistrats s’étaient fait construire des palais. Il demande qu’on fasse la lumière sur cette affaire « parce qu’il n’est pas permis que les doutes qui pèsent sur la magistrature persistent ». Pour ce qui est de Paris II, les députés qui ont évoqué cette conférence ont, de manière générale, applaudi à ses résultats, mais c’est le suivi local qui semble les inquiéter. Et la gestion du dossier du cellulaire ne les rassure guère. Ces appréhensions se sont surtout reflétées dans les propos de M. Ahdab. « Nous souhaitons que les solutions aux problèmes financiers soient couronnées de succès. Nous n’épargnerons aucun effort à cette fin. En contrepartie, le pouvoir doit faire montre de plus de sérieux pour assurer un consensus véritable autour des solutions requises, un consensus fondé sur le dialogue entre les parties concernées et non pas une présumée entente entre un nombre limité de responsables, fondée sur la préservation de leurs intérêts respectifs », déclare le député de Tripoli qui met l’accent sur trois éléments principaux : « le caractère “sacré” des fonds et de l’intérêt public, la justice et la stabilité sociales, la souveraineté financière de l’État ». Selon M. Ahdab, la question du « caractère sacré des fonds publics se pose avec acuité depuis la dernière réunion du Conseil des ministres qui a adopté, concernant le dossier de la téléphonie mobile, des décisions contraires à celles qu’il avait prises en été ». « Ce revirement suspect, poursuit-il, soulève des points d’interrogation sur le sort de centaines de millions de dollars, ainsi que sur la transparence et la régularité de l’opération de privatisation. Le redressement financier n’est pas compatible avec le clientélisme et la politique de partage des parts. » Sur le plan social, M. Ahdab s’exprime contre la politique du gouvernement « qui essaie, à travers son projet de budget 2003, de faire assumer aux personnes à revenus limités le poids du règlement de la crise dans le pays ». En expliquant ensuite la souveraineté financière de l’État, il met en garde contre le danger d’une dette entièrement libellée en devises. « Il faut, dit-il, que le gouvernement puisse contrôler la dette en faisant attention à ce que les obligations ne dépassent pas le seuil de sécurité ». « Le gouvernement complote contre le Trésor » Lorsque M. Georges Kassarji prend la parole, des « Ah » s’élèvent dans l’hémicycle. Les irrégularités au niveau de la gestion et de l’exploitation du réseau GSM sont le sujet-fétiche du député de Zahlé qui annonce la résurgence de la « troïka » du pouvoir et qui accuse sans ambages le gouvernement de « comploter contre les intérêts du Trésor ». « C’est le gouvernement de la dilapidation des fonds publics, du clientélisme local et des chasses gardées réparties entre les trois pôles du pouvoir, de sorte qu’aucun des trois n’empiète sur les plates-bandes de l’autre », ironise-t-il. Commentant l’entente Lahoud-Hariri, M. Kassarji déclare : « Tout comme leurs différends nous avaient coûté des millions de dollars et vidé les caisses de la Banque centrale, l’opération de “lavage des cœurs” nous coûte de nouveau des millions de dollars, en raison de leur politique de partage des parts et parce qu’“ils” ont décidé d’offrir plus d’un milliard de dollars aux deux sociétés de téléphonie mobile. » Jugeant injustifiée la suspension des mandats de recouvrement de 600 millions de dollars, lancés contre les deux opérateurs, M. Kassarji fait remarquer que les décisions du Conseil des ministres « consacrent des principes ambigus ». Il souligne qu’au Liban, « tout le monde sait ce que des termes comme “provisoire”, “pour une seule fois” et “à titre exceptionnel” veulent dire : en termes politiques libanais, la suspension des mandats de recouvrement signifie qu’ils ont été définitivement annulés ». M. Kassarji s’élève ensuite contre « la facilité avec laquelle le gouvernement a fait fi des rapports de la Cour des comptes (sur les infractions commises par les deux sociétés) et du verdict du Conseil d’État concernant l’arbitrage. Il note que les décisions gouvernementales sont aussi en violation de la Constitution, « dans la mesure où l’accord portant sur la téléphonie mobile doit nécessairement faire l’objet d’une loi ». Elles sont contraires aux lois, « car il n’est pas permis de saisir des fonds publics », et en contradiction avec les principes de la comptabilité publique, « puisque des recettes étatiques ne peuvent pas être consacrées à des dépenses déterminées à l’avance ». Hariri, Chirac et France Télécom Pour le parlementaire, il est indéniable que le Liban va payer un prix pour l’appui qu’il a obtenu à Paris II à son programme de redressement financier. « Vous devez au moins admettre, dit-il en s’adressant à M. Hariri, que vous vous êtes engagé à respecter plusieurs conditions, comme à titre d’exemple votre promesse au président Chirac de préserver les intérêts de France Télécom au Liban. (...) Si, à Paris II, vous avez obtenu des prêts de 500 millions de dollars, vous allez au moins faire un don de 500 millions de dollars à FTML. » La liste des griefs exposés par M. Kassarji est longue. Le député annonce d’emblée qu’il s’oppose au projet de loi autorisant l’Exécutif à emprunter 7 milliards de livres sur les marchés financiers internationaux. Il réclame le départ du gouvernement, jugeant qu’il « n’est pas digne de la responsabilité » qui lui est confiée. Les interventions de MM. Fattouche, Ahdab et Kassarji sont sans doute les plus musclées. Mais cela ne signifie pas pour autant que les députés qui ont pris la parole n’étaient pas critiques à l’égard du gouvernement. Comme M. Mikhaël Daher, le député Ibrahim Bayan déplore « la paralysie » du conseil de la fonction publique. M. Akram Chéhayeb estime que le succès de Paris II dépend des mesures économiques et financières qui seront prises par le Liban. Comme M. Ahdab, il met en garde contre une dette entièrement libellée en devises. M. Wajih Baarini appelle à davantage de transparence financière. M. Nabil Boustany observe qu’il ne sera possible de tirer profit des résultats de Paris II que « si le style de gestion du gouvernement change ». M. Georges Dib Nehmé souligne la nécessité d’une « politique rationnelle de sauvetage ». Il estime que le gouvernement devrait stimuler les secteurs productifs et non pas compter seulement sur les investissements étrangers pour contribuer au redressement financier et à une dynamisation de l’économie. Parmi les députés qui ont également pris la parole et évoqué divers sujets, MM. Ali el-Khalil, Jamal Ismaël, Saleh Kheir et Mohammed Yéhya. Plutôt que de s’attaquer à l’ordre du jour de la séance, au terme des interventions, le président de la Chambre annonce à la surprise générale qu’il donne la parole à M. Hariri (voir encadré). Le chef du gouvernement n’a pas fini son dernier mot que des bras se lèvent. Plusieurs députés souhaitent soulever des points de procédure : M. Hariri n’était pas supposé répondre et son intervention suscite un débat portant sur la nature de la séance : « C’est une déclaration en bonne et due forme que le chef du gouvernement vient de faire, fait remarquer M. Husseini. Du genre caractéristique des débats de politique générale. Elle commande des observations de notre part, ce que nous ne pourrons faire à moins qu’on ne consacre la réunion au dossier de la téléphonie mobile et qu’on ajourne l’examen de l’ordre du jour, ou qu’on la transforme en débat de politique générale. Sinon, l’opinion publique prendra connaissance de ses propos demain (aujourd’hui) dans les médias et constatera que les députés n’ont pas répondu. Elle en déduira qu’ils étaient d’accord avec ce qu’il dit, ce qui n’est pas le cas. » Pour M. Berry, il n’est pas question d’ajourner la séance. Il essaie de justifier autant que possible l’intervention du chef du gouvernement, en disant qu’il n’a fait que répondre à des questions que les députés lui avaient posées. Or, aucun député ne lui avait posé la moindre question. Les parlementaires n’ont fait que formuler des remarques sur sa politique. De plus, M. Hariri avait pris soin de préciser qu’il ne répond pas seulement aux députés mais qu’il s’est vu dans l’obligation d’aborder ce sujet en raison du climat ambiant dans le pays. M. Husseini menace de boycotter la séance mais le président de la Chambre tient bon : le parlementaire range ses documents et part. Tilda ABOU RIZK
À l’ouverture de la réunion parlementaire hier, le chef du gouvernement, Rafic Hariri, affiche un large sourire, qu’il distribue à la ronde, mais qui s’estompe progressivement, au fil des interventions parlementaires. Quatorze députés prennent la parole et parmi eux, un seul, membre du bloc Hariri d’ailleurs, applaudit à la politique gouvernementale. Les autres la...