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Actualités - OPINION

Être et ne pas avoir été

Le gâchis. L’arrière-goût qu’il laisse est horrible, écœurant. Sauf pour ceux (et ils sont si nombreux) qui ne connaissent ni remords ni regrets. Si Émile Lahoud ne se contentait pas d’être, certes avec beaucoup de talent, au-dessus des communautés, mais avec elles – elles toutes –, et de l’intérieur, pour museler ceux qui veulent les voir s’entrechoquer ; s’il ne se suffisait pas d’être le spectateur garant d’une Constitution un peu trop bancale et aujourd’hui bien élastique, mais jetait plutôt tout son poids politique et consacrait son énergie à empêcher qu’on ne la viole, à tour de bras ; s’il décidait, surtout, de sévir contre tous ceux qui se sont servis (et continuent de le faire) de lui, pour tuer dans l’œuf cet incontournable dialogue national qu’il a lui-même commencé d’initier... Si Nabih Berry comprenait enfin que la fonction de n° 2 de l’État implique, de facto, l’abandon non seulement du poste (c’est anecdotique) mais, surtout, de l’esprit d’un banal chef de clan, que cette fonction de premier législateur ne se résume pas à être l’un des quelques membres ultraprivilégiés d’une sinistre troïka ; s’il comprenait enfin, lui dont on loue l’intelligence dit-on hors-norme, qu’un président de la Chambre n’hérite pas des lois mais qu’il les fait, qu’il ne participe pas aux décisions ou aux manœuvres tordues de l’Exécutif mais qu’il le contrôle... Si Rafic Hariri cessait de penser qu’il est le seul à savoir faire (de) la politique, ou que seules ses décisions et ses prises de position sont les bonnes ; s’il empêchait ses lieutenants d’abonder dans des attaques confessionnelles contre les différents piliers de l’opposition ; s’il cessait de gesticuler de Tokyo à Washington, de Kuala Lumpur à Paris, en passant par toutes les capitales du Golfe (ceci dit, personne ne lui fera l’affront de l’applaudir parce qu’il fait son travail), en comprenant enfin (mais il est par trop aguerri aujourd’hui pour ne pas en être convaincu) qu’aucune réelle et salvatrice réforme économique n’est possible avant une immense reconstruction politique... Si l’opposition en général et Kornet Chehwane en particulier, certes attaqués de toutes parts, avaient un but, un plan, une vision, un long terme, un projet concret sur lequel bâtir, construire, donner à débattre, à réfléchir, à espérer, au lieu de vouloir uniquement briller par leurs individualités ou l’intelligence et la pertinence de leurs communiqués ; si Michel Aoun comprenait qu’avoir à cent pour cent raison dans le fond (les méfaits cuisants de la tutelle syrienne sur le Liban) impose tout naturellement de réfléchir sept cents fois sur la forme (du combat) avant que de s’y plonger la tête la première ; si Ghassan Moukheiber avait compris qu’un roi nu (2 % de voix n’habilleraient même pas un nain) ne peut pas prétendre œuvrer pour la « réconciliation nationale » ; si Carlos Eddé, que ses convictions patriotiques et souverainistes honorent, avait évité de faire, involontairement on l’espère, le jeu du pouvoir ; si le patriarche Sfeir, enfin, surtout, arrivait à se rendre compte de ce qu’attendent réellement de lui (de cet homme politique qu’il n’est pas censé être) chrétiens et musulmans du Liban : plus de poigne, plus de fermeté, dans son combat, certes plus que vaillant, contre la militarisation du pouvoir et la satellisation du Liban par la Syrie... Si les neuf dixièmes des loyalistes de tous bords, de toutes confessions, de tous partis, cessaient de vouloir gagner leur(s) fauteuil(s) à la sueur de leurs interminables et honteux allers-retours Beyrouth-Anjar-Damas-Beyrouth... Si Walid Joumblatt comprenait, une fois pour toutes, qu’il n’y a pas, loin de là, que la communauté druze qui ait besoin de lui ; s’il cessait de dépenser ostentatoirement et inutilement une énergie stérile par monts et par vaux ; s’il cessait ses (trop) gros calculs ; s’il se suffisait d’être ce qu’il est – l’un des rares leaders nationaux visionnaires... Si tous les hommes politiques libanais, quels qu’ils soient, avaient le courage d’admettre qu’une écrasante majorité de Libanais n’en peut plus du carcan syrien, n’en peut plus de voir sa République aussi cyniquement désincarnée (c’est-à-dire vidée de sa chair, de ses entrailles, dépecée), n’en peut plus de voir son État, un État aux abois (jusqu’à quand peut-on occulter à ce point tout un peuple, parier sur son éternel sommeil ?), un État chaussé de Rangers violer aussi crûment, aussi ouvertement, la démocratie, les libertés publiques, et se moquer, aussi impunément, de ceux qui croient encore en une justice libre et indépendante... Si des Fouad Boutros retrouvaient l’envie, le souffle, la patience de se (re) donner pour le Liban, d’éduquer ses futurs dirigeants... Ziyad MAKHOUL
Le gâchis. L’arrière-goût qu’il laisse est horrible, écœurant. Sauf pour ceux (et ils sont si nombreux) qui ne connaissent ni remords ni regrets. Si Émile Lahoud ne se contentait pas d’être, certes avec beaucoup de talent, au-dessus des communautés, mais avec elles – elles toutes –, et de l’intérieur, pour museler ceux qui veulent les voir s’entrechoquer ; s’il...