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Actualités - OPINION

Opinion Histoire et éthique

Quand l’histoire et l’éthique ne sont plus au menu d’un État, c’est l’image de la nation qui se flétrit et son identité qui s’estompe. Il y a plus de trente ans, le général de Gaulle, grande figure de l’histoire du XXe siècle et grand ami du Liban, façonnait le monde avec les deux superpuissances de l’époque, les États-Unis d’Amérique et l’URSS. À plus d’une occasion et dans des circonstances diverses, il avait exprimé son amitié et sa solidarité avec notre pays, alternant encouragements et actes plus marqués. C’est ainsi qu’il avait déclaré son fameux embargo à l’égard d’Israël, quand il avait appris que l’AIB avait été sauvagement attaqué et saccagé par l’armée de ce pays ; il savait qu’il prenait un grand risque, il l’a fait malgré les critiques et les foudres des É-U, les événements de 68 et 69 sont venus malheureusement corroborer ses appréhensions. Mais pour le général, la France se devait d’être solidaire avec ses amis et surtout les plus démunis et les plus faibles, quand ils étaient en danger. C’est dans cet esprit que la francophonie s’est profilée, que ses objectifs ont été dessinés et que le général l’institua. Cette organisation allait regrouper tous les pays de langue française, devenir un lieu de rencontre des cultures et des civilisations et un espace de rassemblement et de réflexion pour créer une chaîne de solidarité et de soutien entre tous ses membres, avec, en commun, le respect des mêmes principes et des mêmes valeurs. Le IXe Sommet de la francophonie vient de se tenir, il y a quelques jours à Beyrouth, après un report d’un an ; que doit-on en retenir ? Tout d’abord naturellement, une première image forte et impressionnante, celle d’une capitale rayonnante et lumineuse, recevant une conférence prestigieuse sur les lieux où il y a peine quelques années encore, tout n’était que destruction et décombres. Une délégation parfaite, digne des plus grandes capitales du monde. Des délégations avec à leurs têtes des présidents de la République, débattant ensemble dans une atmosphère sereine et amicale malgré un environnement régional en ébullition. De longues journées marquées par une littérature dense et une rhétorique recherchées, des soirées riches en festivités, des photos et des reportages largement rapportés par les médias, sans oublier les grandes manœuvres aériennes et terrestres pour veiller à la sécurité de tous. Des recommandations enfin, qui marqueront certainement un tournant dans le développement et l’évolution de la francophonie. Deux autres temps forts de cette conférence sont toutefois importants à signaler aussi : – tout d’abord la confirmation du président Chirac à cette occasion et dans notre capitale du refus de la France d’accepter le diktat américain par rapport à l’Irak ; – et la présence à un Sommet de la francophonie, pour la première fois, d’un représentant du Hezbollah et pas des moindres, puisqu’il s’agissait de sayyed Hassan Nasrallah. Il y a là certainement des relents gaulliens à la démarche du président français, mais avec peut-être en arrière-fond, quelques différences, à savoir l’acteur et le contexte de la nouvelle gestion du monde et ses nouvelles orientations surtout après le 11 septembre. Sur un plan plus pratique et peut-être plus terre à terre, qu’aura apporté ce Sommet à ce qui est le plus prioritaire dans les besoins de chaque État membre et principalement au nôtre ? aurait-on reçu des assurances et des moyens de régler la crise économique que nous traînons comme un boulet depuis plus de dix ans et qui nous étrangle ? Pourquoi Paris II n’a fait l’objet d’aucune recommandation spéciale du Sommet ? Où en sommes-nous de cette solidarité matérielle de la francophonie face à la détresse de certains États membres, à un moment délicat de leur histoire ? Où en sommes-nous aussi d’une déclaration claire et nette de la protection des libertés, de la stabilité de la souveraineté nationale et de l’indépendance réelle ainsi que de la perduration dans la dignité, la justice et l’équilibre de l’identité de certains États membres en difficulté ? Loin de vouloir enfin porter atteinte ou critiquer toutes celles et tous ceux qui se sont dépensés pour réussir cet événement qui fut de l’aveu de tous sans failles, n’était-ce cette triste défaillance de la mémoire nationale à l’égard de celui qui fut l’un des cofondateurs avec le général de Gaulle de la francophonie, le président Charles Hélou, nous voudrions quand même exprimer, en toute objectivité et amitié, le sentiment qui nous a marqués à la fin de ce Sommet, à savoir que la francophonie, à l’ère de la globalisation, apparaît aujourd’hui en rupture de moyens économiques pour être à la hauteur de ses ambitions, car les seuils de pauvreté nationaux et individuels dans certains États membres augmentent, créant de ce fait une situation de déséquilibre et d’altération au niveau du développement socio-économique de l’ensemble des participants. Pour y pallier, la conférence a rétabli les principes de l’économie de troc : « Dialogue des cultures et des civilisations », évitant diplomatiquement celui des religions, contre développement des intérêts stratégiques et culturels de la France dans le monde, limitant ainsi la portée et les objectifs initiaux de cette organisation à l’égard des États membres. Si certains observateurs francophones de cœur, d’esprit et d’héritage ont aujourd’hui un ton morose et dubitatif dans leur lecture des résultats de ce Sommet, ils ont toutefois été très sensibles et profondément admiratifs devant l’important discours du président Chirac, qui a su les toucher grâce à des mots chaleureux, sincères et amicaux. Mais au-delà de ce message, et à cause de son contenu, nous voudrions dire au président Chirac que si notre critique est amère, elle provient en fait des entrailles d’une nation malade et blessée, et lui affirmer notre attachement indéfectible à la France qui compte de nombreux amis dans notre pays, non seulement ceux qui l’ont officiellement reçu avec faste à l’occasion de ce Sommet, mais aussi tous les autres plus discrets et néanmoins fiers et riches de cette amitié séculaire qu’ils ont perpétuée à travers leur histoire dans le respect des principes et des valeurs démocratiques et républicaines que la Révolution française leur a transmis, et pour qui le dialogue des cultures et des civilisations est inné et fait partie de leurs traditions ancestrales. Ils n’ont pas eu besoin de tribune ou d’organisation pour l’exprimer, ni d’équations mathématiques pour le commercialiser, ils l’on vécu et le vivent au quotidien. La France ne saurait certainement pas l’oublier, car l’histoire et l’éthique y ont toujours été au rendez-vous consacrant ainsi la grandeur de cette nation où humanisme et respect de l’homme font partie de son patrimoine culturel fondamental. Salim F. DAHDAH
Quand l’histoire et l’éthique ne sont plus au menu d’un État, c’est l’image de la nation qui se flétrit et son identité qui s’estompe. Il y a plus de trente ans, le général de Gaulle, grande figure de l’histoire du XXe siècle et grand ami du Liban, façonnait le monde avec les deux superpuissances de l’époque, les États-Unis d’Amérique et l’URSS. À plus...