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Actualités - INTERVIEWS

INTERVIEW EXPRESS - Visite au musée Sursock du ministre français de la Culture Jean-Jacques Aillagon entend encourager les stages de formation des futures élites culturelles du Liban(photo)

Jean-Jacques Aillagon, ministre français de la Culture, a visité, en avant-première, l’exposition d’aquarelles et de dessins inédits d’Osmond Romieux au musée Sursock. Celui qui a été le directeur marquant du Centre national d’art et de culture (Beaubourg) – il a exercé trois mandats à la tête de cette gigantesque machine culturelle instituée par le président Georges Pompidou en 1977– a été nommé en mai dernier au ministère de la Culture. Historien de formation, sensible à toutes les formes d’art ainsi qu’aux questions du patrimoine, M. Aillagon est décidé à laisser son empreinte à la Culture. En France, et pourquoi pas dans les autres pays francophones, puisqu’il souhaiterait renforcer l’action de la France à ce niveau, et en particulier au niveau de la formation des professionnels de la culture. Rencontre express. Q. Est-ce que Beaubourg vous habite toujours ? R. « Je passe souvent devant le Centre Pompidou, je regarde cette maison avec tendresse, les gens qui y travaillent je les aime toujours, ça va de soi. J’ai l’impression que l’on ne me déteste pas et qu’on pense parfois à moi. J’y vais souvent pour les vernissages, puisqu’on m’invite et qu’on m’y propose d’inaugurer des expositions. Mais bon, je ne suis pas quelqu’un de nostalgique. C’est une page exceptionnelle de ma vie professionnelle, mais cette page est tournée. Je continue à servir les intérêts du Centre Pompidou parce que je suis le ministre de tutelle de ce centre. Mais il faut que mon successeur, Bruno Racine, marque cet établissement de sa personnalité. Il y a dans cette maison des gens formidables : le nouveau président, le directeur du musée, l’ensemble des directeurs, donc c’est à eux à faire le boulot. Quand on quitte une maison, il ne faut pas tenter d’y survivre à travers le regret ou la nostalgie qu’on peut y inspirer. Moi je suis passé à autre chose. Je suis ministre de la Culture maintenant, il faut donc que je fasse du boulot dans ce ministère. » Q. Le ministère de la Culture est devenu avec Jack Lang le flambeau médiatique de la France. Est-ce que sans le « superficiel » on peut obtenir aujourd’hui des crédits pour travailler sur le fond ? R. « Bien sûr. Vous savez, je crois qu’il y a le fond et la forme. Le style et l’action. Je crois qu’il ne faut pas toujours vouloir faire de ce ministère un ministère de pure démonstration médiatique. C’est un ministère qui aujourd’hui, en ce qui concerne les politiques du patrimoine, de la création, de la diffusion culturelle, de la coopération internationale, appelle un engagement de fond. Et je suis bien décidé à marquer l’histoire de ce ministère en y introduisant un certain nombre de réformes, des initiatives nouvelles et des actions qui répondent aux besoins actuels. Mon prédécesseur, Jack Lang, a été ministre dans les années quatre-vingt. La situation du monde, de l’Europe et de la France n’est plus tout à fait la même aujourd’hui. On se rend compte, par exemple, s’agissant uniquement de la France et de l’Europe, que beaucoup de décisions que nous sommes appelés à prendre en matière de politique culturelle sont aujourd’hui tributaires de la réglementation de l’Union européenne. Aujourd’hui, le travail que j’ai à faire sur le plan européen est beaucoup plus développé que celui que Lang avait à faire à son époque. Mais cela dit, je tiens à affirmer l’estime que j’ai pour tous mes prédécesseurs, parce que j’ai pu mesurer à quel point ce métier est difficile. » Q. Comment comptez-vous développer la politique de coopération entre la France et le Liban ? R. « L’action culturelle internationale de la France est gérée par le ministère des Affaires étrangères. Néanmoins, j’ai indiqué à mes collègues, le ministre français des Affaires étrangères et le ministre libanais de la Culture, que j’étais très attaché à ce que la France soit plus active en matière de formation des professionnels de la Culture. Et qu’à cet égard, les grands établissements qui sont dans l’orbite du ministère de la Culture : les grands musées, les grandes bibliothèques, les théâtres, les opéras, les écoles nationales supérieures devaient, de façon plus systématique, accueillir dans le cadre de scolarités et de stages de longue durée – non pas de quelques semaines au cours desquelles on n’apprend rien, mais de plus d’un an – les futures élites culturelles des pays comme le Liban avec lesquels nous entretenons des relations étroites. Cela me semble très important pour la coopération culturelle de demain. » Q. Que comptez-vous faire de l’exception culturelle française ? R. « C’est un combat qui guide notre action chaque jour. Parce que j’estime qu’il n’y a pas de politique culturelle sans affirmation du principe d’exception culturelle. Que signifie l’exception culturelle sinon que les biens culturels ne sont pas des biens ordinaires. Qu’ils appellent de la part des collectivités publiques un soin particulier, une action spécifique et des interventions qui en permettent le développement. Vous savez, quand on classe un monument ou un bâtiment au titre des monuments historiques et qu’on le protège, on établit à son bénéfice un régime d’exception. Il échappe au régime courant de la propriété. Donc, l’exception culturelle c’est affirmer que les monuments, les œuvres d’art, les livres, les films, les programmes audiovisuels sont des objets d’exception parce qu’ils sont porteurs de valeur, d’émotion et de création. Et qu’à ce titre, le devoir des gouvernements c’est de les protéger et de faire en sorte que dans le marché international on ne les considère pas comme des marchandises ordinaires. En d’autres termes, que ce ne soit pas seulement la loi du marché qui s’impose mais également la volonté des peuples. » Q. Pourquoi n’y aurait-il pas, sinon une académie franco-libanaise, du moins une académie francophone avec des sous-branches ? R. « Pourquoi pas ? On va en parler, n’est-ce pas Monsieur le ministre ? » conclut-il en s’adressant au ministre Salamé. Propos recueillis par Zéna ZALZAL
Jean-Jacques Aillagon, ministre français de la Culture, a visité, en avant-première, l’exposition d’aquarelles et de dessins inédits d’Osmond Romieux au musée Sursock. Celui qui a été le directeur marquant du Centre national d’art et de culture (Beaubourg) – il a exercé trois mandats à la tête de cette gigantesque machine culturelle instituée par le président...