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Actualités - INTERVIEWS

Interview - Le Sommet de Beyrouth prié d’activer le mécanisme prévu par la Déclaration de Bamako Les libertés au Liban sont en danger, souligne la FIDH(photo)

L’un, le Sénégalais Sidiki Kaba, est président de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH). L’autre, le Français Antoine Bernard, en est le directeur exécutif. Ils ont participé à un séminaire sur les droits de l’homme à Beyrouth, cette semaine, en marge du Sommet de la francophonie. Mais, n’ayant pas été invité au sommet, ils ont quitté Beyrouth avant son ouverture. Parmi les idées que l’on ressasse sans cesse sur la francophonie, il y a celle selon laquelle elle est le véhicule des valeurs des droits de l’homme, de la démocratie et des libertés publiques. Valeurs que la plupart des pays de la planète francophone ne respectent pourtant pas… « Les valeurs doivent se vérifier dans la pratique des gouvernants. Or, l’on se rend compte qu’il y a des violations des droits de l’homme dans beaucoup de pays, comme la Côte d’Ivoire, le Congo… et le Liban. Dans ce pays, les défenseurs des droits de l’homme sont dans le collimateur des autorités. De même que les journalistes, les syndicalistes et les opposants, qui risquent d’être molestés à tout moment. Deux journalistes ont été confrontés à cette situation, et une chaîne de télévision, MTV, vient d’être fermée. Tout cela révèle, avec les procès en cours, que les autorités sont dans une logique de durcissement à l’encontre de tous ceux qui pensent autrement. Et il est de notre devoir de dénoncer la répression judiciaire contre les opposants au Liban », affirme Sidiki Kaba. « La coïncidence est d’ailleurs frappante. Samedi dernier s’ouvrait l’Assemblée internationale des droits de l’homme en francophonie, à l’Ordre des avocats, alors que, à 200 mètres, se tenait l’audience dans le cadre de l’affaire MTV. La FIDH a tenu à être présente, à voir comment cela se passait. Nous avons dû franchir trois barrages militaires pour accéder aux couloirs du bureau du juge. Le premier barrage empêchait l’accès à la salle des pas perdus du Palais de justice, lieu public qui symbolise l’indépendance du pouvoir judiciaire. Or, il n’y avait ni public ni journalistes. Par conséquent, entre les valeurs et la pratique, il y a loin de la parole aux actes. Mais les droits de l’homme sont un axe majeur de la francophonie, ils en sont indissociables et le Sommet de Beyrouth doit agir dans ce sens », poursuit Antoine Bernard. Des engagements à respecter La promotion de la culture des droits de l’homme est-elle possible tant que la société civile est soumise à des « contraintes politiques », comme au Liban ? « Non, répond M. Bernard. C’est pourquoi la FIDH se bat pour la liberté d’action des ONG indépendantes des droits de l’homme et pour leur protection. Dans la plupart des pays de la sphère francophone, militer pour les droits de l’homme comporte de très hauts risques. Nous demandons au Sommet de Beyrouth de s’engager à garantir la liberté d’action des défenseurs des droits de l’homme, mais aussi de se doter d’un mécanisme concret pour défendre ces derniers, comme cela est prévu par le chapitre 5 de la Déclaration de Bamako 2000 », souligne-t-il. Pourtant, ce mécanisme n’est pas entré en application jusqu’à présent, et beaucoup de pays rechignent à accepter ce mécanisme d’intervention, prétextant que les questions des libertés publiques et des droits de l’homme sont d’« ordre interne ». Qu’en pensent les responsables de la FIDH ? « Les droits de l’homme ne peuvent pas être des questions d’ordre interne. Le principe sacro-saint de la non-ingérence dans ce domaine ne peut être invoqué. Ce sont des questions qui intéressent la communauté internationale parce qu’elles peuvent entraîner la rupture de la paix. Dans ces cas-là, le Conseil de sécurité de l’Onu est compétent pour examiner de telles questions. La Déclaration de Bamako était une étape majeure dans la manière où la francophonie va réagir sur la question des droits de l’homme. En tant qu’ONG des droits de l’homme, nous n’avons pas les contraintes diplomatiques des États. Nous devons rester mobilisés et vigilants pour rappeler aux États qu’ils sont en train de violer leurs propres engagements, ceux de la protection des droits de l’homme », affirme le président de la FIDH. « Concernant Bamako 2000 et son mécanisme, nous sommes en matière d’un engagement librement consenti par les États de la francophonie. Le Liban y a consenti sans réserves, comme tous les autres pays, à l’exception du Laos et du Vietnam. Les États doivent respecter leurs engagements, notamment les clauses prévus par l’accord de partenariat UE/Liban sur le respect des droits de l’homme, ainsi que la DUDH et l’ensemble des conventions internationales concernées. « Le Sommet de Beyrouth doit également prendre une position concernant la Cour pénale internationale (CPI), pour y souscrire et s’opposer à la campagne menée par les États-Unis contre la CPI. Un seul pays arabe y a souscris, la Jordanie. Le Liban devrait être le second. Les autorités doivent accepter de s’exposer le cas échéant, si la cour considère que la justice libanaise ne fonctionne pas », ajoute M. Bernard. Et de s’interroger sur « un manque de volonté à mettre en œuvre les mécanismes de Bamako », appelant le Sommet de Beyrouth à « ratifier la déclaration et son mécanisme pour que celui-ci entre effectivement en vigueur ». Et les deux hommes de conclure sur un constat, une conviction ferme, après leur séjour au Liban : « Les autorités veulent museler la presse et la liberté d’expression. C’est une gifle à la francophonie. Le système judiciaire se porte mal. Il existe aussi une volonté d’entraver l’action des ONG en intervenant, à travers des textes de loi, dans leur mode de fonctionnement et leurs sources de financement. La FIDH soutient les ONG qui œuvrent sur place et cherche à donner à leur combat un retentissement international », conclut Kaba. « Nous partons avec un sentiment d’inquiétude. Il y a un durcissement très net du climat politique, lourd de menaces pour les libertés. Nous voyons émerger certains faits très alarmants et nous craignons que cela ne dégénère, dans le cadre d’un contexte régional et international très tendu, notamment face à la menace terroriste. Surtout qu’au nom de la lutte antiterroriste, on cherche à justifier certaines restrictions aux libertés. Le Liban ne doit pas retomber dans la violence », conclut Bernard. Michel HAJJI GEORGIOU
L’un, le Sénégalais Sidiki Kaba, est président de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH). L’autre, le Français Antoine Bernard, en est le directeur exécutif. Ils ont participé à un séminaire sur les droits de l’homme à Beyrouth, cette semaine, en marge du Sommet de la francophonie. Mais, n’ayant pas été invité au sommet, ils ont quitté...