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Actualités - REPORTAGE

LIBAN-FRANCE - Le « D’Entrecasteaux » quitte le Liban aujourd’hui Anne Cullere : Dans la marine française, les contraintes et les devoirs sont les mêmes pour les hommes et les femmes(photos)

Une poignée de main ferme ponctuée d’un « bienvenue » chaleureux, et nous voilà embarqués dans l’histoire captivante d’une frégate commandée par.... une femme. Le capitaine Anne Cullere, commandant du navire océanographique D’Entrecasteaux – en escale à Beyrouth depuis le 28 septembre – ne trouve rien d’original à l’idée d’une femme qui tient le gouvernail d’un bâtiment de cette envergure. « En France, dit-elle, la féminisation de ce métier relève de nos jours de la banalité ». Pourtant, elle est la première à avoir assumé successivement le commandement de deux bateaux différents. Elle insite sur le fait qu’une femme occupant des fonctions de direction au sein des forces navales est devenu une évidence, « au point que l’on n’en parle plus ». « Les femmes sur les bateaux c’est devenu une chose courante. La marine française compte désormais près de 10 % de femmes qui toutes sont appelées à embarquer comme les hommes. Elles ont le même cursus de carrière, les mêmes contraintes, les mêmes devoirs », affirme Anne Cullere. Allure féline, yeux bleus couleur mer, cheveux courts, elle se déplace entre le pont et la passerelle avec aisance avant de s’enfoncer au fond de ce qu’elle appelle, sur un ton plein d’humour, « le fauteuil du pacha ». « Personne n’a le droit de s’asseoir sur le siège du commandant », dit-elle en partant d’un éclat de rire qui n’enlève rien au sérieux de ses propos. Éprouve-t-elle de la difficulté à traiter avec un équipage essentiellement masculin? « En ce qui me concerne, je n’ai pas l’impression de traiter mon équipage différemment de ce que pourrait faire un homme. Nous avons une mission à accomplir, il s’agit de le faire ensemble », répond laconiquement le capitaine Cullere. Fière de diriger près d’une centaine de marins, dont plusieurs océanographes et hydrographes, elle affirme sans détours que « les difficultés rencontrées dans ce métier sont communes aux hommes et aux femmes ». Le plus grand défi reste toutefois celui de « diriger des êtres humains et de les canaliser vers un même objectif, qui est de réussir la mission qui nous est confiée ». Une tâche qui relève principalement de la recherche scientifique. En effet, le D’Entrecasteaux poursuit une mission océanographique de 72 jours en mer, baptisée « Medor 02 » (Méditerranée orientale). Après Beyrouth, sa première escale et la plus longue, il cinglera vers Alexandrie, puis Izmir ,sa troisième escale, et enfin La Valette, à Malte. C’est surtout en faveur de cette mission que le commandant Cullere aime plaider. S’abstenant de parler de sa carrière personnelle, par ailleurs brillante, de son accession en tant que femme à la tête d’un équipage qui lui voue beaucoup de respect, elle relate avec passion ses multiples périples. Le dernier en date fut la mission qui lui avait été confiée il y a un an au large de l’Afghanistan, où elle devait accomplir des travaux de recherches pour le compte du Charles de Gaulle, un autre bâtiment de guerre. « Ce qu’il faut savoir, dit-elle, c’est que le D’Entrecasteaux n’est pas un navire de combat mais plutôt un bâtiment destiné à des missions scientifiques servant des objectifs militaires, certes, mais également des objectifs de service public, au profit des plaisanciers et des pêcheurs », dit-elle. Établir des cartes nautiques Affecté à la Mission océanographique de l’Atlantique, le D’Entrecasteaux est chargé de sonder les fonds marins pour recueillir toutes les données nécessaires à l’établissement de cartes nautiques, notamment dans les territoires où n’existe pas de mission hydrographique permanente, tel que le Liban. Une tâche devenue incontournable depuis la signature par le Liban de la convention de Solas (Safety of Life at Sea), en juillet 2002. Cette convention fait obligation aux États ayant des côtes de fournir des informations nautiques précises et à jour aux navires qui fréquentent ses eaux, pour leur propre sécurité. « Des pays comme le Liban, qui ne disposent pas encore de capacité hydrographique propre, dépendent forcément de ceux qui en ont les moyens. Le Service hydrographique et océanographique de la marine française (Shom) continue donc à honorer la responsabilité historique de la France dans ce domaine», explique le commandant. En France, la responsabilité de l’hydrographie générale et de l’océanographie militaire est confiée à la Marine nationale, qui l’exerce par l’intermédiaire du Shom. Dans le cadre du service public, celui-ci élabore la documentation nautique générale. Quant au second volet de cette mission, il consiste à réaliser, au service de la Défense nationale, des campagnes hydro-océanographiques d’intérêt militaire en Atlantique et dans l’océan Indien. Cela consiste à naviguer dans une zone particulière, en l’occurrence la Méditerranée, et à collecter des données d’environnement qui serviront aux forces navales françaises. « Il s’agit de sonder la profondeur, la température, la salinité de l’eau, ainsi que la nature des fonds qui permettront de connaître, pour des raisons de détection, comment le son se propage dans l’eau », explique Anne Cullere. En d’autres termes, la tâche assumée par le D’Entrecasteaux consiste fournir aux forces des outils de description et de prédiction de l’environnement météo-océanographique. La mission effectuée au Liban a toutefois porté sur des travaux de géodésie (science de la forme et des dimensions de la terre), dans les ports de Beyrouth et de Jounieh, afin de pouvoir mettre à jour les cartes des ports dans lesquels des travaux d’extension et d’aménagement ont eu lieu récemment. De 1920 à 1943, époque du Mandat français, le Shom avait élaboré les cartes marines et les documents nautiques du Liban. « Après l’indépendance, la France a entretenu en permanence cette documentation à partir des informations envoyées par les autorités locales libanaises et les navigateurs », précise Mme Cullere. « Nous continuons aujourd’hui sur cette lancée sachant qu’il est fort probable que le Liban fasse à un moment ou à un autre une demande officielle que justifie son adhésion à la convention Solas ». C’est donc pour compléter et mettre au point cette documentation que le D’Entrecasteaux se trouve en rade de Beyrouth. Et c’est avec « un serrement au cœur » que l’équipage quittera le port aujourd’hui, « après une escale d’autant plus symbolique que nous n’avions gardé du Liban que les images de la guerre. Beyrouth n’est décidément pas une escale comme les autres. Nous y avons beaucoup d’attaches ». Le commandant Cullere partira donc, emportant avec elle « un lot de souvenirs remarquables » d’un pays en pleine renaissance. Jeanine JALKH
Une poignée de main ferme ponctuée d’un « bienvenue » chaleureux, et nous voilà embarqués dans l’histoire captivante d’une frégate commandée par.... une femme. Le capitaine Anne Cullere, commandant du navire océanographique D’Entrecasteaux – en escale à Beyrouth depuis le 28 septembre – ne trouve rien d’original à l’idée d’une femme qui tient le gouvernail...